Keith Block (Salesforce) "Nous comptons accélérer le cycle d'innovation de Tableau"

Le co-CEO du leader américain des applications de gestion de la relation client revient sur sa stratégie de développement dans la data et l'intégration.

JDN. Comment avez-vous intégré MuleSoft, la plateforme d'API que vous avez acquise en 2018 ? Et qu'en sera-t-il pour Tableau Software, l'offre de data analytics rachetée cet été ?

Keith Block est co-CEO de Salesforce aux côtés de Marc Benioff, CEO historique et co-fondateur du groupe de San Francisco. © Salesforce

Keith Block. Nous souhaitons préserver le meilleur de ces entreprises. Il existe plusieurs politiques d'intégration suite à une acquisition. L'une des plus extrêmes consiste à racheter en restant focaliser sur son propre modèle. Une autre philosophie est de rester focalisé sur l'intérêt des clients. C'est le choix que nous avons fait avec MuleSoft et que nous ferons avec Tableau (dont l'acquisition n'a pas encore été finalisée, ndlr). Notre priorité est d'accélérer le cycle d'innovation de ces entreprises, et donc d'investir. L'objectif est en parallèle d'introduire intelligemment ces nouveaux actifs à notre offre.

MuleSoft est un bon exemple de cette démarche. Beaucoup de nos clients qui avaient un historique informatique important ne pouvaient évoluer vers le cloud et adopter nos solutions sans un environnement d'intégration adapté. D'où ce rachat qui est d'ailleurs l'un des plus réussis que nous n'ayons jamais réalisé.

MuleSoft nous a rejoint il y a un an et demi. Nous avons désormais achevé l'intégration des salariés et de l'organisation en termes culturelle et de business process. Nous avons appris à maîtriser l'offre de MuleSoft, à connaitre ses clients. Nous avons identifié les points de levier entre notre base de clients installée et la leur. Aujourd'hui, nous passons à la seconde phase de ce rapprochement. Elle va consister à intégrer la plateforme MuleSoft à l'ensemble de nos lignes d'activité.

Avec à ces deux rachats, votre activité orientée plateforme et data va représenter la ligne produit la plus importante en termes de chiffre d'affaires. Peut-on parler de pivot ?

Non. Nous restons centrés sur le client. C'est notre vocation, et nous ne comptons pas en changer. Le cœur de notre offre demeure les briques Sales Cloud (centrée sur la gestion des ventes, ndlr), Service Cloud (pilotage du service client, ndlr), Marketing Cloud (gestion des campagnes marketing, ndlr) et Commerce Cloud (management de l'e-commerce, ndlr). Au tour de ce noyau, nous positionnons des technologies d'intégration, de présentation et analyse de données, et d'intelligence artificielle. Enfin, notre plateforme d'applications permet à notre écosystème de compléter l'édifice.

"Il est difficile de savoir quelle sera la prochaine innovation disruptive à 6 mois-un an"

Que ce soit en matière de plateforme, d'intégration applicative ou de data, notre objectif est de mettre tous les leviers au service du customer success de nos clients. Un pivot aurait été d'évoluer vers l'activité d'éditeur d'ERP. Mais vous l'avez bien compris, ce n'est pas du tout notre intention.

Mais si l'on prend l'ensemble des domaines sur lesquels vous êtes positionnés, c'est dans les plateformes, la data et l'intégration que se trouvent vos principales opportunités de croissance…

Le CRM affiche toujours une belle courbe de progression qui n'est pas prête de s'arrêter. L'ensemble du marché adressable sur ce segment représente 100 milliards de dollars. Nous sommes attentifs aux leviers de développement que nous offre ce créneau dans tous les secteurs, sur toutes les géographies. Dans certaines régions, nous avons encore des belles marges de manœuvre. En Europe je pense notamment aux pays nordiques.

Qu'en est-il de votre stratégie sur le front des grandes entreprises ?

Après avoir ciblé les PME pendant plus d'une décennie, Salesforce s'est étendu à ce positionnement il y a 5 ou 6 ans. Nous avons d'abord cherché à parler la langue des grandes entreprises. Le langage d'une banque est différent de celui d'un opérateur de télécommunications ou d'une entreprise de manufacturing. Nous avons commencé ensuite à verticaliser notre offre. Ce qui nous a amené à lancer Financial Services Cloud, Health Cloud, Manufacturing Cloud, Consumer Goods Cloud et Government Cloud.

En parallèle, tout l'enjeu a été de constituer un écosystème pour accompagner ces entreprises et gagner en notoriété. C'est dans cette optique que nous avons signé des accords avec Accenture, Capgemini et PwC.  Dans la même logique, nous avons aussi souhaité nous entourer de partenaires qui créent des produits en se basant sur nos technologies. C'est le cas aujourd'hui avec nCino sur le front des back office bancaires, avec Veeva dans le domaine des sciences de la vie, ou encore avec Velocity sur les créneaux de la communication, des médias et de l'énergie.

Enfin, toujours dans le but de toucher les grandes entreprises, il nous fallait étendre notre emprunte à l'international. Depuis 5 ou 6 ans, nous investissons de manière agressive en dehors des Etats-Unis, que ce soit en Europe, au Japon ou en Asie-Pacifique.

Comment appréhendez-vous les incertitudes du marché de la tech où tout peut aller très vite en termes d'innovations et de disruption ?

Il est difficile de savoir quelle sera la prochaine innovation disruptive à 6 mois-un an. Prenez l'exemple de l'informatique quantique. C'est un domaine qui pourrait potentiellement faire évoluer profondément les applications, le business et la société dans son ensemble. Nous sommes évidemment très à  l'écoute du marché des technologies, et avons notre vision sur la manière dont il va évoluer, avec à la clé des politiques d'investissements et d'acquisitions. Partant de là, nous restons centrés sur le client. Comme je l'ai dit, c'est la colonne vertébrale de notre stratégie.

Keith Block a été nommé co-CEO de Salesforce en août 2018. Une fonction qu'il partage avec le fondateur du groupe Marc Benioff. Keith Block est entré chez Salesforce en 2013 . D'abord directeur des opérations, il est ensuite promu vice-président en charge des ventes, des partenariats, du support client et des services de conseil. Précédemment, Keith Block avait passé 25 ans chez Oracle.  C'est un point commun qu'il partage avec Marc Benioff, lui aussi ancien d'Oracle.