Gouverner par la donnée

Le contexte technologique actuel est marqué par l'ère des données. Avec les élections présidentielles de 2022 en cours, la question de l'utilisation des données par le secteur public se pose.

Les décideurs IT et métier s’attendent en 2025 à une multiplication par cinq des données produites par rapport à leur niveau d’aujourd’hui. La quantité des données que les différentes administrations vont générer et devoir traiter va donc exploser dans les années à venir. Dans le secteur privé, les dirigeants d’entreprises s’accordent à dire que ces données sont précieuses pour le succès de leur entreprise, l’innovation, la résilience et la cybersécurité.

Si les entreprises privées commencent à exploiter cette ressource pour analyser leurs résultats et optimiser leur management, qu’en est-il du secteur public ? Le rapport de Splunk sur l’ère des données indique en effet que seulement 23 % des administrations publiques interrogées sont conscientes de la hausse du volume de données à venir, et que 89 % ne sont pas encore prêtes à affronter cette croissance rapide.

Quelles conséquences de la crise sanitaire ?

Depuis le début de la crise sanitaire liée au COVID-19, les sociétés ont pris conscience de l’importance des données. Celles-ci ont en effet permis aux gouvernements d’analyser et d’anticiper l’évolution de la pandémie en temps réel. Dans ce contexte et suite à la remise au Premier Ministre en décembre 2021 du rapport sur la politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources, la donnée semble être en bonne voie de devenir une priorité pour le gouvernement français.

Des freins à l’exploitation des données toujours trop nombreux

Malgré cette prise de conscience récente, le secteur public reste en retard. L’utilisation des données par les pouvoirs publics est largement insuffisante et reste réactive et non proactive.

Le secteur public doit ainsi faire face à plusieurs freins au développement de l’utilisation des données. Les administrations publiques ne possèdent pas la culture du partage des données. Leur utilisation et échange ne sont pas valorisés ni encouragés par la hiérarchie. Les entités publiques restent ainsi trop cloisonnées et indépendantes les unes des autres ce qui empêche la transmission d’information et de données entre les différentes administrations. Cette absence de culture de la donnée se ressent également dans le manque de formation et d’implication du personnel public dans la gestion des données. La plupart des services gouvernementaux ne reconnaissent pas les experts en données ou ne valorisent pas leurs compétences. Résultat : les données sont considérées comme une vocation réservée à quelques spécialistes. Ensuite, le secteur public ne dispose pas d’une qualité de données assez satisfaisante pour pouvoir correctement les exploiter. Enfin, les normes appliquées au secteur public restent trop contraignantes et freinent largement l’analyse et l’exploitation des données. De plus, les normes ne sont pas toujours uniformes selon les administrations, ce qui complique encore davantage la tâche de régulation.

Tous ces freins engendrent ce que l’on appelle des « dark data », c’est-à-dire des données inexploitées ou inconnues. 66% des décideurs IT et métier indiquent que plus de la moitié des données de leur entreprise sont des dark data. Elles représentent ainsi une perdition importante de données qui pourraient servir pour piloter des politiques publiques ou encore améliorer la qualité des services publics.

Les données : une opportunité pour les pouvoirs publics

Dans cette ère de la donnée, il est essentiel pour les pouvoirs publics d’acquérir et de valoriser la culture des datas. Cela permet de mieux piloter les politiques publiques et de gérer l’information en temps réel. Cela permet également aux pouvoirs publics de proposer aux citoyens des services publics plus adaptés et efficaces en utilisant les données et les expériences des utilisateurs afin de mieux cerner les besoins des administrés.

Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir des plateformes de données au niveau des différentes administrations. Elles serviront de base à une matrice de données utilisable à grande échelle. Les pouvoirs publics pourront ainsi accéder à toutes les données en temps réel, peu importe leur type ou leur emplacement. Grâce à un reporting continu, les pouvoirs publics pourront ainsi adapter les politiques publiques selon leurs résultats observés en temps réel. L’objectif de cette matrice commune est également d’autoriser le partage de données entre les différentes administrations.

Via des requêtes simples et des visualisations de données en direct, les administrations peuvent interroger les données comme elles le souhaitent, puis fournir rapidement des réponses aux acteurs intéressés, en interne comme en externe.

Gouverner grâce à une approche orientée données

Gouverner par la donnée nécessite l’instauration d’une matrice de données. Cette dernière exploite les dépôts et sources existants, et permet l’intégration avec les autres systèmes (qu'ils soient nouveaux, déjà en place ou hérités) qui génèrent ou traitent les données. Fondamentalement, cette méthode facilite la mise en association des données portant sur différents sujets (opérations, services, initiatives et politiques) sur une matrice commune qui se superpose aux systèmes existants et ne nécessite pas d’investir massivement dans une nouvelle infrastructure.

Créer une matrice de données ne suffit pas : le secteur public doit également adopter une nouvelle approche orientée données. Cela consiste au développement de la culture de la donnée parmi les administrations afin de motiver les fonctionnaires à utiliser ces données de façon créative pour prendre des décisions et faire l'évaluation fine des politiques basées sur les données.

Enfin, gouverner par la donnée implique également de mettre en place un cadre commun aux administrations publiques afin d’encourager le partage interne des données.

Face à l’afflux du nombre de données, l’enjeu est grand pour les gouvernements du monde entier. Interpréter les données et en tirer des enseignements clairs leur permettra de mieux piloter leurs politiques publiques et d’améliorer la qualité des services publics. Les pouvoirs publics doivent pouvoir interroger leurs données pour réagir en temps réel et ainsi être non plus dans l’ère du temps, mais dans l’ère des données.