Comment la crise financière impacte-t-elle le secteur IT ? "Nous mettons davantage l'accent sur les produits de crise"

pascal imbert (président du directoire - solucom)
Pascal Imbert (Président du directoire - Solucom) © JDN

Percevez-vous chez vos clients les conséquences de la crise ?

Effectivement, nous commençons à en percevoir les impacts, mais seulement depuis le début de l'été et de manière très localisée. La crise est jusqu'à présent circonscrite à certains établissements comme Natixis, et plus généralement au secteur de la banque de financement et d'investissement.

En revanche les banques de détail, les réseaux bancaires ou services spécialisés des généralistes, eux, n'ont pas été impactés, y compris leurs investissements IT.  

Ce que l'on constate, lorsque des réductions de budgets sont décidées, c'est la volonté de faire des coupes chirurgicales. L'IT dans le secteur bancaire est devenu très important pour la performance du métier et la bonne exécution des plans stratégiques. Le contexte est donc très différent de ce qu'on avait pu observer en 2001, notamment en septembre 2001 où tout s'était arrêté. Le mot d'ordre alors était : "ne dépensez plus rien".

Avez-vous relevé des impacts dans des secteurs autres que celui de la finance ?

"En 2001, l'état d'esprit était radicalement différent"

Nous avons remarqué d'autres tensions sur les budgets informatiques, bien que pas directement liées à la crise financière, mais à l'évolution du coût des matières premières. C'est ainsi le cas chez Air France KLM. Mais là encore, il ne s'agit pas d'arrêts brutaux. Il est bien plus question de revue des budgets, de définition des priorités, afin de décider d'économies.

En 2001, l'état d'esprit était radicalement différent. L'objectif était d'économiser globalement 15% et tous les domaines de l'entreprise devaient cotiser. Dans le cas présent, si des projets moins prioritaires sont suspendus, sur le reste, les entreprises continuent plein feu.

Les cabinets prévoient un ralentissement de la croissance des dépenses IT en 2009. Est-ce également votre sentiment ?

Le vrai sujet qui se pose, au-delà de l'impact direct de la crise financière et du coût des matières premières, est de savoir si le ralentissement économique assez fort ne va pas peser plus globalement sur les budgets d'investissement à l'horizon 2009. Il y a une vraie incertitude sur 2009 en raison de ces effets combinés.

"Si des secteurs sont en décélération, d'autres comme l'énergie demeureront en 2009 très dynamiques"

Chez Solucom, nous sommes extrêmement prudents sur ce sujet. On sait par expérience que le secteur n'a jamais échappé à une corrélation forte entre la croissance économique et le budget des entreprises. Néanmoins, les coupes seront plus difficiles. L'informatique est en effet très liée à des enjeux métiers. L'IT répond aux besoins de développement des métiers et globalement de celui de l'entreprise.

Mais conjointement, si des secteurs sont en décélération, d'autres comme l'énergie demeureront - même en 2009 - des clients très dynamiques. L'activité sur ce marché y est remarquable. Les projets y sont nombreux et de grande taille.

Quelle est la stratégie, et la philosophie, de Solucom face à ce ralentissement à craindre ?

La décision avait été prise avant l'été et on la confirme : accentuer encore les efforts dans le développement de l'activité et les dépenses commerciales. Nous sommes d'ailleurs en phase de renforcement de nos équipes commerciales. Selon nous, le marché peut être bien plus compétitif. La stratégie est donc d'être plus agile, de s'appuyer sur la capacité de se redéployer rapidement sur certains secteurs et clients.

Le marché va passer d'une phase où la demande était plutôt forte sur tous secteurs à une phase caractérisée par plus de reliefs, avec des secteurs qui tirent la croissance, comme l'énergie, et ceux qui sont influencés par l'évolution réglementaire, comme La Poste.

"Nombre de clients se remettent à l'outsourcing et à des projets de rationalisation"

A l'inverse, d'autres secteurs vont traverser des périodes plus difficiles et finiront par faire des coupes dans leurs dépenses informatiques. A ce moment, la réaction à adopter est d'être agile pour se redéployer vers d'autres clients ou d'un secteur à un autre.

L'agilité doit aussi concerner les offres pour accompagner l'évolution de la demande des clients. Nous remettons ainsi de nouveau plus l'accent sur les produits de crise. Nombre de clients se remettent à l'outsourcing et à des projets de rationalisation de l'infrastructure et des télécoms.

Vous ne cédez donc pas à la tentation de geler vos recrutements ?

Nous nous attendions à observer progressivement une détente sur le marché du recrutement. Or, on constate que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Cette perception nous pousse à considérer qu'il ne faut pas couper nos efforts de recrutement, et qu'il s'agit même d'un facteur clef à ne pas négliger. C'est un autre élément de différenciation par rapport à 2001, après la bulle, où les jeunes diplômés attendaient souvent plus d'un an avant de décrocher un premier emploi.

Solucom conserve donc le même rythme en matière de recrutement sur un marché de l'emploi qui reste difficile. Notre stratégie est d'embaucher pour 70 à 80% des jeunes diplômés, puis de le faire monter en puissance en interne, avec un accompagnement par des consultants seniors. Le recrutement est un moyen pour l'entreprise de conserver une flexibilité suffisante pour pouvoir se reconfigurer et répondre à de nouvelles demandes du marché.