Internet visuel ou conversationnel : le web à la croisée des chemins ?

L'avenir d'internet semble à la croisée des chemins : entre l'Internet visuel des réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram ; et l'Internet conversationnel proposé par l'IA et le nouveau Bing.

Depuis quelques années, l’avenir d’internet semble à la croisée des chemins. Beaucoup voyaient dans le web 3.0 la suite logique du web 2.0. D’autres, bien avant, prédisaient la fin des interfaces visuelles et des moteurs de recherche traditionnels, au profit des nouveaux assistants vocaux comme Siri, Google Assistant ou Amazon Alexa….

Ces différentes tendances ont pourtant montré leurs limites cette année. Alors que Siri peine encore à décoller, Amazon Alexa est selon de nombreux observateurs un « échec cuisant » ; ce qui expliquerait d’ailleurs en partie les licenciements massifs de 2022. De l’autre côté, la mode NFT et Web 3.0 a aussi pris du plomb dans l’aile fin 2022 avec la faillite de FTX, le désastre du Metaverse de Facebook ou encore la chute du cours du bitcoin. Mais au-delà d’une remise en cause de ce vaste sujet, c’est surtout la nouvelle tendance autour de l’IA qui a éclipsé l’enjeu du web 3.0.

C’est en tout cas ce que semble montrer le virage à 180° de Mark Zuckerberg fin février 2023, lorsqu’il annonçait que l’IA serait dorénavant la priorité de Meta, la maison mère de Facebook renommée quelques mois plus tôt en l’honneur du Metavers. Selon TechCrunch, Meta commencera vraisemblablement par tester des outils d’IA sur WhatsApp, Instagram et Facebook Messenger. En parallèle TikTok et Instagram viennent remettre en cause la suprématie de Google sur le Search en misant sur l’Internet Visuel ; alors même que Bing s’associe à Open AI pour percer dans l’Internet Conversationnel.

Il semblerait donc qu’Internet soit aujourd’hui à la croisée de chemins, entre…

  • L’Internet Informationnel avec la remise en question des sites web
  • L’internet Visuel avec l’avènement de nouveaux modes de recherches (TikTok, Insta, Pinterest…)
  • L’Internet Conversationnel avec la mise à profit de l’IA

On vous en dit un peu plus dans cet article, notamment l’impact phénoménal de Bing sur le futur d’internet - à retrouver à la fin de cette chronique !

Schéma des différentes modalités d'Internet

1) L’internet Informationnel et la fin des sites internet

Cela fait maintenant plus de 5 ans que nous prédisons chez Partoo, la « fin des sites internet ». En effet, plusieurs indicateurs nous laissent penser que le site internet est en passe de devenir un vestige de l’ancien monde. Mais revenons en arrière pour comprendre ce qu’il s’est passé.

Au début des années 2010, l’avènement des réseaux sociaux nous a fait passer de l’internet Web 1.0 au web 2.0. Nous sommes passés de l’internet des sites web sur lesquels le contenu était produit par les entreprises, à un nouveau paradigme où la majorité du contenu a commencé à venir des internautes ! D’où l’explication : « dans le web 1.0, les internautes lisaient, dans le web 2.0 ils ont pu lire et écrire, dans le web 3.0 ils lisent, écrivent et possèdent ».

Mais le plus important c’est qu’avec le Web 2.0, la production de contenu a changé de dimension. Avec l’exposition des UGC, User Generated Content, Internet a bénéficié d’un afflux de contenu illimité, que ce soient des textes, des photos, des NFT, des vidéos, des podcasts… En particulier, l’adoption massive des smartphones et l’usage de leurs appareils photos à démultiplié la production de contenus visuels. Parallèlement, les internautes se sont mis à poster sur les réseaux sociaux, commenter, liker, noter les produits et les points de vente, partager des bons plans et compléter des informations manquantes – l’exemple de Waze et de sa cartographie collaborative en est un bon exemple.

On n’a jamais produit autant de contenu et d’informations. Ainsi 90% des données générées dans le monde l’ont été sur les 2 dernières années ! L’enjeu d’Internet n’est plus de produire de l’information mais de mieux la structurer et de mieux la distribuer via des interfaces simples d’utilisation pour les internautes.

Il est important de noter que ces « User Generated Content » ne sont pas générés sur les sites web des entreprises mais bien sur des plateformes : Twitter, Youtube, Facebook, TikTok, Snap, Insta... Nous sommes ainsi passé de l’internet des sites web à l’internet des plateformes et cela a touché tous les secteurs.

Il y a quelques mois, je lisais ainsi une étude du Morning Consult qui précise que 14% de la génération Z (les 18-24 ans) se renseignent sur les sujets d’actualité en priorité sur TikTok contre 13% pour Youtube, 7% pour Twitter et moins de 6% sur les médias traditionnels. Lors de son podcast sur Generation Do It Yourself, le créateur de contenu d’actualités Hugo Decrypte, révélait que l’état français lui avait demandé de créer un site web pour obtenir son accréditation d’organisme de journaliste. Sauf qu’aujourd’hui les créateurs de contenus, - qui concentrent des audiences parfois supérieures au journal TV de 20h - n’ont plus de site web ! Ils sont sur Instagram, Spotify, Twitter ou TikTok.

C’est aussi quelque chose que nous avons observé chez Partoo en ce qui concerne le référencement local  : il y a 10 ans, quand vous souhaitiez trouver un supermarché ouvert près de chez vous, vous alliez sur carrefour.fr. Aujourd’hui vous tapez Supermarché sur Google Maps et n’allez plus sur un site web. Et cette tendance se généralise : le site de météofrance est concurrencé par les app mobiles et les positions 0 de Google. De la même manière, si vous souhaitez connaître la date de la mort de charlemagne, plus besoin d’aller sur Figaro.fr.

C’est la tendance des no-clic search, c’est-à-dire des recherches Google qui ne génèrent plus de clics sur les sites web. L’internaute obtient ainsi directement l’information recherchée sans avoir besoin de cliquer.

Ces tendances de fonds impactent à la fois le trafic des sites et l’évolution de leur nombre. On estime qu’il existe 1,9 milliards de sites web aujourd’hui. Si cet indicateur a explosé entre 2010 et 2017 (voir graphique ci-dessous), il est resté relativement stable ces 5 dernières années dans le monde ! Même chose en France selon Statista 2023 : le nombre de sites e-commerce actifs en France est ainsi passé de 20 000 à 200 000 entre 2006 et 2016, et s’est ensuite stabilisé sur les 6 dernières années.

Cette tendance de la fin des sites internet, si elle s’observe dans les usages des internautes, ne se ressent pas encore dans les priorités stratégiques et les budgets marketing des entreprises. Ainsi beaucoup d’entreprises dépensent leurs budgets dans des refontes de sites internet, là où leurs carrefours d'audience sont aujourd’hui sur les plateformes.


 

Enfin on ne peut pas expliquer la fin des sites internet sans mentionner l’explosion des avis en ligne et leur impact sur les choix des consommateurs. 

Alors qu’avant un site internet optimisé ou une publicité bien placée pouvait convaincre les consommateurs, aujourd’hui, 90% des internautes consultent les avis en ligne avant de procéder à un achat ou de se rendre en point de vente. Le marketing des marques est donc à la main de leurs clients, et le meilleur levier marketing est devenu la satisfaction de leurs clients.

2) La percée de l’internet Visuel

Si vous demandez à quelqu’un de 50 ans de chercher sur internet un endroit sympa ou diner, il ira surement sur Pages Jaunes ou TripAdvisor. Un internaute de plus de 30 ans se tournera généralement vers Google Maps. Mais si vous demandez à un jeune de moins de 20 ans de vous trouver un restaurant, sa recherche débutera généralement sur Instagram, Pinterest, Snapchat ou TikTok.


On pourrait penser que le positionnement d’Insta ou TikTok sur le search se cantonne d’ailleurs aux voyages, bars et restaurants. Pourtant, on observe que ces modes de recherche s’étendent à beaucoup plus de catégories et de produits de consommation : l’ameublement, l’électroménager, les produits bancaires…  Si vous n’êtes pas convaincu, je vous invite à découvrir la nouvelle publicité télé de TikTok qui met en avant l’intérêt du réseau social pour trouver son prochain livre de chevet !


 

Alors que beaucoup voient encore TikTok comme une simple plateforme de vidéos de chorés à la mode, l’internet visuel prend très rapidement des parts de marché. Et cela, au point d’inquiéter Google. Ainsi, selon Prabhakar Raghavan, Senior VP chez Google, 40% de la génération Z aux Etats-Unis préférais TikTok et Insta à Google pour leurs recherches en ligne : « Ces utilisateurs ne saisissent plus des mots-clés, mais cherchent plutôt à découvrir du contenu de manière nouvelle et plus immersive ».

C’est en particulier le cas lorsqu’il s’agit de trouver des points de vente à proximité. Pour accompagner ce type de recherches locales, Instagram a ainsi lancé l’Insta Map il y a quelques mois, Snap en un fait un axe central de sa stratégie 2023 tandis que TikTok serait actuellement en train de tester une fonctionnalité de cartographie en AB test - d’après ce que nous avons pu observer chez Partoo et que vous retrouverez dans le visuel ci-dessous.

La tendance de l’Internet Visuel est donc bien réelle. Pour répondre à ce besoin de « recherches immersives », Google cherche de son coté à ajouter plus d’espaces de vidéos et de photos à son expérience de recherche. Un exemple marquant est celui de Google Maps – notre domaine d’expertise chez Partoo. Alors que le nombre et la qualité des photos des établissements locaux impactent de plus en plus le référencement d’un point de vente, ces contenus visuels prennent aussi une place de plus en plus importante dans l’expérience de recherche. C’est en tout cas ce que montre les captures d’écrans que vous retrouverez ci-dessous datant respectivement de 2016, 2018 et 2023.

En parallèle, Google multiplie les investissements dans l’Internet Visuel. Lancée en 2017, l’application Google Lens utilise par exemple votre appareil photo pour détecter un objet, l’analyser, effectuer des recherches sur internet ou effectuer différentes actions (numérisation, achat, traduction…). Ainsi, en prenant en photo un point de vente, vous pouvez simplement accéder à ses avis Google Maps, ses horaires et même son menu s’il s’agit d’un restaurant !

En Septembre 2022, Google rendait aussi son expérience de recherche plus visuelle : si la liste des liens bleus n’est pas encore remise en cause, les « knowledge pannels » incluent dorénavant beaucoup plus de photos et de vidéos.

Image Credits: Google

Google réfléchit enfin depuis un certain temps à la meilleure manière de présenter les contenus de créateurs sur son moteur de recherche. En 2020, Google testait ainsi une fonctionnalité agrégeant des vidéos courtes de TikTok et Instagram au sein d’un carrousel. Depuis quelques mois, des accords seraient en cours de négociation pour permettre aux moteurs de recherche d’indexer et classer ces photos et vidéos directement dans les résultats. C’est en tout cas une stratégie reconnue par Cathy Edwards, VP du Search chez Google, "Nous savons qu’une partie des utilisateurs raffolent des résultats qu'ils voient sur TikTok. (…) C’est en partie dû au fait que TikTok a réduit la barrière à l'entrée pour la création de contenu : nous cherchons donc d'autres moyens d'intégrer cela à nos résultats de recherche ». Affaire à suivre !

3) L’Internet Conversationnel et la mise à profit de l’IA

Mais une troisième tendance vient compléter l’Internet Informationnel et l’Internet Visuel : il s’agit de l’IA et de l’Internet Conversationnel.
 

Depuis quelques années, l’IA a réalisé d’immense avancées en ce qui concerne la reconnaissance et la génération d’images ainsi que le traitement naturel du langage – ce qu’on appelle généralement NLP pour Natural Language Processing.

Une œuvre d'art générée par l'IA MidJourney remporte le 1er prix à la Colorado State Fair

Si la génération d’image par l’IA avec Midjourney a fait couler beaucoup d’encre dès Juillet 2022, la mise à disposition de ChatGPT (Open AI) au grand public a sans doute été une des plus grandes actualités tech de ce début d’année 2023.

Même si cette innovation ressemble plus à une avancée significative qu’à une véritable rupture technologique, c’est l’application de cet outil à des cas d’usages très concrets qui en fait aujourd’hui un sujet médiatique. D’une part en ce qui concerne la création de contenu (1) ; d'autre part en termes d’expérience de recherche sur internet (2).

La création de contenu
 

Sur le premier point, l’IA permet de générer des contenus textuels de manière beaucoup plus efficace que l’humain - peu importe que ce contenu soit vérifié, intéressant ou subversif. Il s’agit de contenu bien rédigé qui ouvre donc une multitude de possibilités pour les rédacteurs web et les experts SEO. Conséquence de cet usage de ChatGPT, le nombre de contenus longs a été multiplié par 5 ces derniers mois ! Mais quel impact pour la stratégie de contenu ? L’avenir nous le dira…
 

Au-delà des contenus longs, l’IA va aussi révolutionner d’autres aspects de la création de contenus textuels et du SEO.

Il peut par exemple s’agir de génération de textes à la volée en partant de contenus structurés à grande échelle : fiches produits, fiches techniques de biens immobiliers, contenus géolocalisés, résumés de texte, etc. On peut aussi imaginer que l’IA facilitera la création des balises “meta description”, aidera les équipes marketing à trouver plus facilement des sujets de rédaction ou à structurer un plan pour leur prochain article.
 

L’Internet Conversationnel

Mais là où l’IA aura sans doute le plus d’impact sur le web, c’est avant tout en termes d’expérience de recherche sur internet. En effet, en mode conversationnel, les outils comme Jasper Chat, Chat GPT d’OpenAI ou “Bard“ de Google permettent d’effectuer des recherches internet sous la forme d’interactions comme si on échangeait par messagerie instantanée avec un assistant.

Les moteurs de recherche du futur ne nous donneront plus des sites web pour répondre à nos questions, mais directement des réponses construites grâce à l’application des modèles génératifs sur l’immense base de ressources dont ils disposent. On arrive donc bien à la transformation des “moteurs de recherche” en “moteurs de réponses” - aboutissement de la tendance des no-click search.

Ces derniers mois, c’est surtout Bing qui a réussi à prendre le tournant de l’Internet conversationnel via son partenariat avec Open AI. Le “nouveau Bing” dopé à l’IA s’appuie à la fois sur l’intelligence artificielle de Chat GPT et sur Microsoft Prometheus Model qui lui permet d’interagir avec Internet en temps réel pour maintenir son intelligence à jour - là ou Chat GPT utilise actuellement des données d'entraînement datant de 2021.
 

Lorsque vous vous connectez sur Bing, la barre de recherche indique dorénavant “posez moi une question”. Une fois la recherche effectuée, Bing propose une “réponse intelligente” en plus des sites web classiques. A cela s’ajoute un nouvel onglet “conversations”, similaire à l'expérience utilisateur offerte par Chat GPT. A la différence près que cette fois-ci, l'intelligence de Bing va elle-même faire des recherches sur différents sites web, puis va résumer l’ensemble des recherches dans une réponse simplifiée !

Dans cette vidéo, l’animateur demande ainsi à Bing si son ordinateur peut ou non rentrer dans son sac à dos, dont il donne le modèle. L’intelligence de Bing va alors visiter 9 sites web différents, sur lesquels elle est capable de détecter l’endroit où les dimensions du sac et du PC sont renseignées… pour finalement confirmer que l’ordinateur ne pourra pas rentrer dans ce modèle de sac ! 

Incroyable…

Pour chaque information, Bing donne en plus les références des sites sur lesquels il s’est appuyé pour répondre aux questions : on a donc bien un Internet conversationnel qui s’appuie sur l’Internet Informationnel existant - l’opacité des sources d’informations étant d’ailleurs le principal reproche qui était fait à ChatGPT.

Cette avance prise par Bing, a d’ailleurs permis à Microsoft de remettre en avant son navigateur Internet “Edge” (peu connu) et concurrent de Google Chrome, Safari ou Mozilla. Ainsi directement depuis Edge, l’assistant Bing peut effectuer des actions sur les sites webs ouverts dans le navigateur : résumer le contenu, trouver des articles similaires ou chercher des informations spécifiques.

On voit bien ici comment cette nouvelle émergence des “moteurs de réponse” remet en question l’existence même des sites web. En effet, dans cette configuration, les sites web “informatifs” ne pourront plus se rémunérer grâce à la publicité et seront donc amenés à disparaître dans les prochaines années. Une théorie alternative serait que les moteurs de recherche se mettent à rémunérer quelques fractions de centimes les sites web à chaque fois qu’ils iront scrapper leur contenu pour générer des réponses intelligentes. 

C’est ce que semble expliquer, Yusuf Mehdi CMO de Mircosoft : “Bing is exploring placing ads in the chat experience to share the ad revenue with partners whose content contributed to the chat response."

C’est donc un écosystème entier à repenser.

Dans tous les cas, que l’on parle d’Internet Visuel ou d’Internet Conversationnel, il ne s’agit que de modes de distribution de l’information : l’enjeu d’internet de demain reste donc le même, à savoir la génération à la fiabilisation des informations qu’elles distribue…

Notamment les informations locales des points de vente qui nous entourent #Partoo