Les micro-entrepreneurs du sport au bord du claquage

Par le prisme des coach sportifs, cette chronique met en lumière la fragilité des micro-entrepreneurs dans la crise actuelle. Professeurs de yoga, danse, fitness, ils rythment nos journées de (dé)confinement, mais ont vu leurs revenus s'évaporer.

Alors que beaucoup d’entre nous nous réjouissons de pouvoir suivre des cours de sport en ligne, souvent gratuits, sur des live Instagram, nous interrogeons-nous assez sur la pérennité de ce modèle et son impact social ? "La crise est difficile pour tout le monde, et le sport est leur passion : c’est leur façon de contribuer à l’effort national."

Passés ces constats de comptoirs, il semble nécessaire de rappeler que 1,2 million de micro-entreprises, parmi lesquelles celles de nos coachs sportifs dégagent moins de 15 000 euros par an en moyenne*, soit un smic mensuel. Ces micro-entrepreneurs n’ont donc généralement pas de matelas financier, ni bien sûr de chômage partiel. Les centres de sport seront fermés jusqu’à la fin du mois de juin, et la peur de la contamination continuera à tirer la fréquentation de ces clubs vers le bas, encore pendant de longs mois. Leur complément de revenus principal, les cours particuliers à domicile, s’est également évaporé. Autrement dit, ces professionnels peinent aujourd’hui à payer leur loyer, et les dépenses du quotidien de leur famille. Ils continuent pourtant, sans ciller, à transmettre leur énergie et leur savoir-faire à travers des cours rarement rémunérés sur les réseaux sociaux. Nos selfies et emojis de remerciement les touchent probablement, mais ne contribuent pas à les aider à survivre. 

“Ils pourraient saisir cette opportunité pour se digitaliser, développer leur présence en ligne : le fitness en ligne est en plein boom.” 

C’est en théorie vrai. Toutefois, comment gérer seul.e cette “transformation digitale” ? Les cadres des entreprises du CAC 40 sont épaulés d’armées de consultants pour faire face à ce défi, alors que les coach sportifs, eux, ont rarement des formations de marketing, et encore moins de “digital”. 

Pour ceux qui souhaiteraient tout de même se lancer, comment sont-ils censés se démarquer de l’abondance d’offres gratuites en ligne ? 

Au Smic pendant l’année, et sans revenus maintenant, ces micro-entrepreneurs du sport ont-ils tout simplement les moyens d’investir dans du matériel pour se lancer en ligne ? Une caméra, un ordinateur, un micro sans fil, un abonnement à un outil de téléconférence, ou un cours en ligne de marketing digital, une connexion internet haut débit sur le lieu de leur confinement, ne sont pas des luxes pour percer dans cet environnement ultra-compétitif.

“Ils pourraient emprunter : l’Etat a débloqué des milliards pour venir en aide aux entreprises.”

L’Etat garantit les prêts aux entreprises. Néanmoins, les banques peinent à gérer l’afflux des demandes de prêts des PME, ETI et grands groupes. En outre, leurs algorithmes de mesure de la solvabilité et la longueur du processus d’octroi ne sont pas adaptés aux spécificités de la micro-entreprise : des besoins de crédits rapides de faible montant. De fait, l'écrasante majorité des coach sportifs et de yoga que nous suivons tous les jours sur les réseaux sociaux ne bénéficieront pas de cet accès au crédit, ou trop tard. 

Alors, que faire pour les soutenir ?

D’une part, en tant que particuliers, si notre situation le permet, privilégier les cours en ligne payants. Les montants demandés sont généralement bien inférieurs à ce qu’un cours dans un centre de sport ou yoga aurait coûté, et le cours se fait en plus petit comité que lors des cours gratuits, avec de fait plus d’attention accordée à chacun des élèves. 

Les marques qui accueillent des coachs pour un cours diffusé sur leur compte Instagram les rémunèrent rarement. Elles offrent aux coachs de l’accès à leur communauté, de la visibilité, ce qui a de la valeur, mais ne leur permet pas de subsister en cette période. La visibilité ne permet pas de payer son loyer. 

D’autre part, une prise d’action gouvernementale est nécessaire. Certaines fintechs françaises, avec l’appui de l’intelligence artificielle, ont développé des algorithmes de scoring dédiés aux microentreprises. Une collaboration avec celles-ci permettrait l’ouverture d’un guichet spécifique pour les crédits de faibles montants pour ces populations fragiles. Redonnons ensemble un second souffle à ces coachs sportifs, professeurs de yoga, et de danse qui ont pris une place prépondérante dans nos semaines de confinement. Ils contribuent au quotidien à nous garder en forme physiquement, à nous faire participer à une expérience collective, et  ainsi à préserver également notre santé mentale, ébranlée par la crise. 

*Sondage réalisé par la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) entre le 13 et le 15 mars 2020