Co-entrepreneuriat, entreprendre comme au premier jour

Se réinventer est un défi de taille pour les entreprises. Avec de nombreux pièges. Une voie nouvelle encore peu explorée est celle du co-entreprenariat. Une solution gagnant-gagnant pour des jeunes entrepreneurs en hyper-croissance et des entreprises matures.

Exploitation et exploration, le couple gagnant

La pérennité d’une entreprise réside dans sa capacité à trouver le bon équilibre entre l’amélioration continue de son excellence opérationnelle sur ses métiers historiques et l’exploration de nouvelles voies comme la mise en oeuvre de nouveaux Business models. Efficace sur les deux tableaux, l’entreprise est alors The Invicible Company, titre du dernier livre publié par Strategyzer, co-écrit notamment par Osterwalder. 

Or la mise en oeuvre n’est pas si simple. Plus une entreprise grandit, plus elle se structure. Les process et les prises de décision se musclent. Le management est assuré par des experts de plus en plus pointus, tous interdépendants, qui n’ont plus de vision d’ensemble. Obnubilés par la croissance trimestrielle, le seul objectif des managers est de vendre plus, au meilleur prix, avec le plus de marge possible. Tout est fait pour tuer la prise d’initiative et l’agilité, l’essence même de l’entrepreneuriat. La complexité s’installe. Et avec elle, la politique. 

Du côté des petites entreprises la tâche est loin d’être aisée ! Manquer de temps et avoir la tête dans le guidon n’aident pas à explorer de nouveaux champs. S’ajoute à cela très souvent un problème de ressource humaine. Comment faire appel à des compétences toujours plus complexes, mais indispensables à de nouveaux domaines d’exploration ? 
Malgré ces barrières, la peur d’être les prochaines victimes d’une start-up et de son nouveau business model disruptif pousse les dirigeants à entreprendre toujours plus. Depuis une dizaine d’années, incubateurs, laboratoires innovation ou encore programmes d’intrapreneuriat ont le vent en poupe au sein des grandes entreprises. Les rachats de startups continuent de faire les titres de la presse économique. Et cela est une bonne chose. Mais ces initiatives, telles qu’elles sont envisagées aujourd’hui, demeurent imparfaites.

Créer un cadre propice pour intraprendre 

Penser qu’une entreprise peut entreprendre comme au premier jour sans en définir le cadre propice est un leurre. 

Premièrement, elle doit faire preuve d’audace en allouant à son programme d’intrapreneuriat des budgets et des KPI de suivi de performance différents de ceux de l’entreprise “mère”. Deuxièmement, l’entreprise doit laisser le temps au projet d’éclore, se structurer, ou même pivoter. Mais aussi, être capable d’allouer du temps au salarié intrapreneur qui le porte (encore trop souvent en temps partiel sur le sujet, sans évolution de fiche de poste ni statut particulier) et étudier avec lui les issues possibles. Si le projet échoue, quel poste occupera-t-il demain ? Enfin, “certains intrapreneurs quittent leur organisation, découragés par une bureaucratie réfractaire. D’autres s’usent individuellement, avec de réels risques psycho-sociaux. Les taux de transformation des idées en pépites sont parfois décevants”, rappellent les auteurs d’un rapport de l'Observatoire de l’innovation, co-réalisé par l’Institut de l’Entreprise et le Centre de Recherche en Gestion (i3-CRG) de l’École polytechnique.

Intraprendre n’est pas entreprendre. Malgré de très fortes cultures entrepreneuriales dans certaines organisations,  celles-ci conservent une rigidité pour développer de nouveaux projets. Les experts ont du mal à faire le pas de côté au sein de leur entreprise. La solution peut être ailleurs. La plupart des entrepreneurs qui ont révolutionné un secteur n’en étaient pas des experts. Voire ils n’y connaissaient rien !

Les limites du rachat d’une start-up 

Pour ce qui est de l’exploration de nouveaux métiers, de nouvelles terres, certaines entreprises peuvent envisager autrement l’entrepreneuriat de leur future croissance en rachetant une start-up. Sur le papier, cette solution peut paraître idéale. Mais elle coûte chère. Sans parler des sujets d’acculturation et de rétention des talents qu’elle implique. Il n’est pas toujours facile d'accepter un corps étranger au coeur de son entreprise. S’il peut s’agir d’un gain de temps, il faut être vigilant à ce que la couverture médiatique et le signal aux actionnaires ne soient pas plus importants que la start-up elle-même. 

Si l’organisation classique quotidienne, les structures spécifiques dédiées ou encore le rachat d’entreprises (hors core-business) ne sont pas toujours la bonne réponse, les entreprises, une fois installées et matures, seraient-elles condamnées à ne plus entreprendre ? 

La coentreprise, une voie complémentaire à l’intrapreneuriat et au rachat

La coentreprise permet de bénéficier à la fois de l’expertise des grandes entreprises, de leur histoire, et également de la fougue et de l’énergie contagieuse de jeunes entrepreneurs, eux-mêmes chefs d’entreprises. À l’instar du jeune entrepreneur qui s’entoure d’un “board”, qui lui apporte expérience et prise de recul sur ses sujets, il convient de donner à l'intrapreneur, ou le sponsor interne du projet, la possibilité de s’entourer de jeunes entrepreneurs en réussite. Ces derniers doivent être sélectionnés en fonction de leurs compétences mais aussi pour leurs expertises sectorielles ou techniques acquises dans le cadre de leur entreprise. Qui de mieux placé pour donner un nouvel angle de vue sur un secteur ou un marché, qu’un entrepreneur qui les a explorés en détail pendant plus de deux ans, afin d’y proposer une nouvelle création de valeur ? 

Si l’apport d’une ressource externe, jeune et entrepreneuriale, dans le cadre de l’écriture d’une vision ou dans la mise en oeuvre d’un nouveau levier de croissance au sein d’une organisation établie est facilement compréhensible, il faut néanmoins être méthodique dans l’animation de cette coentreprise à durée déterminée. Les méthodes agiles et collaboratives associées aux startups sont tout à fait duplicables pour accompagner la croissance d’une PME ou d’une ETI. Et c’est bien en mixant ces deux corps sur un temps court mais extrêmement efficace qu’un nouveau chemin du co-entrepreneuriat est possible. Pour entreprendre comme au premier jour. Pour les jeunes entrepreneurs, c’est aussi l’occasion de se frotter aux problématiques d’entreprises plus matures et de faire grandir leur business avec des “side project” enrichissants. Un cercle vertueux en somme.