Le bitcoin va-t-il sauver la planète ?

Le bitcoin va-t-il sauver la planète ? Les deux pistes d'amélioration de l'empreinte carbone du bitcoin sont connues : la source d'énergie utilisée pour le minage du bitcoin, et l'évolution du consensus proof of work.

Pour faire sa mue écologique, le bitcoin a deux solutions. La première, et la principale, remettre en cause la preuve de travail (PoW pour proof-of-work), fortement consommatrice d'énergie. Problème. "Ils ne changeront rien", assène Jean-Paul Delahaye, , professeur émérite à l'université de Lille, qui résume le problème simplement : "Le bitcoin ne changera pas de consensus car ceux qui détiennent le pouvoir de faire cela sont les mineurs qui ont investi dans des machines et savent se procurer de l'électricité pas chère". Car si c'est un mécanisme qui a des défauts, il a aussi de gros avantages, notamment sur la partie sécurité". Or, les mineurs pensent que la sécurité de la PoW ne peut pas être égalée par un autre consensus.

Toutefois, on ne peut nier que le bitcoin représente les deux tiers de la consommation électrique de l'ensemble de l'univers des cryptomonnaies. A lui seul, le bitcoin consomme davantage que les 499 autres crypto-monnaies ayant une capitalisation supérieure à 50 millions de dollars.

Le problème de la consommation d'énergie n'est pas ignoré par les mineurs. "Nous avons tous conscience de ce point crucial qu'est l'impact énergétique, estime Thibaut Boutrou, directeur marketing chez Just Mining. Pour cette raison, depuis plusieurs années, tous les acteurs travaillent dans ce sens. On utilise chaque année plus d'énergie verte, ainsi que des machines et de nouveaux consensus moins énergivores".

La preuve d'enjeu, le consensus qui fait consensus dans les autres blockchains

Mais la blockchain bitcoin fait figure de vieux dinosaure face aux nouvelles blockchains, qui fonctionnent plutôt à la preuve d'enjeu (PoS ou proof-of-stake). D'ailleurs, la blockchain Ethereum, deuxième capitalisation des crypto-monnaies, et de loin la plus utilisée dans les applications de finance décentralisée, a choisi la PoS pour sa future version 2.0. On peut donc aisément penser qu'au fil du temps, le consensus PoW va peu à peu s'effacer face aux autres et notamment la PoS. La raison ? La PoS réduirait la facture d'électricité de… 99 % ! Or, réduire la facture, c'est aussi réduire la consommation d'énergie.

Pour réduire l'empreinte carbone de la blockchain, il faudrait aussi éviter que les mineurs et les serveurs continuent à utiliser de vieilles et polluantes centrales à charbon. Bien qu'il estime le phénomène minoritaire, Thibaut Boutrou regrette que certains mineurs américains aient permis la renaissance de vieilles centrales à charbon. Youssef El Manssouri ajoute que les "mineurs texans, par exemple, exploitent maintenant les gaz liés à l'exploitation de pétrole permettant de réduire considérablement l'empreinte carbone de ces installations". "Certes, ce n'est pas parfait mais c'est déjà une nette amélioration", juge-t-il.

Les promesses des énergies renouvelables

L'objectif est que ces mineurs s'orientent désormais vers les énergies renouvelables. Toutefois, l'argent étant toujours le nerf de la guerre, c'est lorsque le prix des énergies renouvelables sera inférieur à celui des énergies fossiles que la bascule sera opérée. D'ailleurs, pour Thibaut Boutrou, le minage du bitcoin "a un potentiel intéressant parce qu'il trouve des synergies naturelles avec les énergies renouvelables. La nature même du bitcoin est d'aider à une amélioration en profondeur du système financier actuel et donc de la situation des sociétés. Il est pour nous capital de ne pas trahir ce message en aidant à améliorer le mix énergétique du minage".

Le réseau bitcoin et ceux de toutes les autres blockchains sont aussi des petits miracles à eux seuls puisqu'ils peuvent tous fonctionner, sans exception, à distance des services rendus. Il n'y a donc aucun obstacle technique à implanter une ferme de minage ou des serveurs blockchain à proximité, par exemple, d'un barrage hydroélectrique. Ainsi, bien qu'il soit candide de penser que l'on arrivera à 100 % d'énergie renouvelable, selon Thibaut Boutrou, la blockchain pourrait devenir à terme l'industrie la plus propre au monde, et ce malgré une consommation électrique élevée.

Miner ou chauffer, pourquoi choisir ?

Miner avec de l'énergie verte ne permettra pas de réduire la consommation en elle-même. Est-il alors possible qu'utiliser l'énergie consommée par le minage pour d'autres activités considérées comme plus essentielles ? La réponse est oui et il y a de nombreux projets à ce sujet.

Deux exemples sont donnés par Thibaut Boutrou : "Pour les particuliers, il y a WiseMining, une jeune société française qui propose une chaudière qui va miner du bitcoin tout en chauffant votre maison. En Lorraine, on avait également une jeune société qui a mené un projet avec Dalkia (groupe EDF) pour installer des serveurs qui chauffaient l'eau de l'hôpital Mercy". En effet, les possibilités sont  nombreuses : chauffage des locaux, production d'eau chaude ou encore production de l'énergie de tout un immeuble voire d'un quartier…

Montrer patte blanche pour éviter la régulation

Il faudra néanmoins passer un obstacle essentiel : la régulation qui peut empêcher tout développement futur. Ainsi, pour Jean-Paul Delahaye, en cas d'envolée de la consommation d'énergie, "les Etats interviendront. Je suis persuadé qu'il y a là un obstacle à la montée en importance du bitcoin". Cet obstacle devra être évité pour que le bitcoin et les autres blockchains puissent passer de la case théorie à la case pratique, mais aussi pour que l'impact environnemental du bitcoin soit moindre grâce au minage écologique.

Thibaut Boutrou se veut plus optimiste : "Il faut laisser le temps à la technologie de mûrir et d'évoluer. Toutes les innovations qui sont arrivées sur les dernières années sont absolument prodigieuses". Et de conclure : "Laissons encore quelques années à cet écosystème pour grandir et les solutions plus performantes vont fleurir. C'est la suite logique de la société que nous sommes en train de créer". (Pour compléter cet article, le JDN vous propose de lire Le bitcoin va-t-il avoir la peau de la planète ?)