Jacques-Antoine Granjon (Vente-Privée) "Nous sommes ouverts à toutes les opportunités de rachat d'acteurs locaux profitables"

Au lendemain de l'annonce du rachat de ses concurrents Privalia et eBoutic.ch, le patron de Vente-Privée confie au JDN comment il se prépare à faire face à Amazon, Zalando et Alibaba en Europe.

JDN. Vous venez d'annoncer le rachat de Privalia, un copycat espagnol de Vente-Privée. Quelles sont les modalités de l'opération ?

Jacques-Antoine Granjon, président-fondateur de Vente-Privée © VP - Olivier Roller

Jacques-Antoine Granjon. Nous avons racheté 100% de Privalia. Nous avons mis en place un plan d'incentive extrêmement motivant afin de conserver les fondateurs et dirigeants plusieurs années. Nous avons fait cette acquisition en dessous du prix que vous annoncez (nos sources font état d'un rachat de 500 millions d'euros, NDLR). Nous faisons cette acquisition à la fois sur nos fonds propres et par endettement. L'argent n'est pas très cher en ce moment, nous avons donc fait le choix d'emprunter et de ne pas nous diluer afin de continuer de contrôler le développement de l'entreprise.

Après Vente-Exclusive en Belgique et en Hollande l'été dernier, vous annoncez en même temps les rachats d'eBoutic en Suisse et de Privalia. Pourquoi accélérez-vous les acquisitions aujourd'hui ?

C'est important car le marché est très vaste et concurrentiel, avec des acteurs multiples online et offline, comme par exemple Amazon qui prépare une forte offensive sur le textile en lançant ses propres marques et en construisant une usine de production en Angleterre. Zalando fait une croissance extrêmement importante et occupe des parts de marché conséquentes dans la distribution de la mode. Yoox, qui a racheté Net-a-Porter, se développe aussi. Alibaba viendra aussi un jour en Europe, c'est une certitude, comme peut-être d'autres acteurs chinois. La concurrence est très forte et le sera de plus en plus avec des groupes qui ont des moyens de financement très importants. Si vous voulez exister à long terme sur ce secteur de la distribution online, il faut avoir des positions très fortes. Nous sommes donc ouverts à toutes les opportunités de rachat d'acteurs locaux, profitables, et avec qui nous pouvons accélérer la croissance en pluggant notre offre, nos savoir-faire et en développant des secteurs comme les spectacles ou le voyage sur lesquels ils ne sont pas présents. Notre stratégie est d'être un leader puissant et innovant en Europe.

Selon nos informations, vous viseriez une introduction en bourse dans les prochaines années. Est-ce exact ?

"Nous totalisons 60 millions d'abonnés en Europe"

Non, nous avons créé Vente-Privée en 2001, l'entreprise a commencé à se développer en 2004 et nous nous sommes toujours développés sur fonds propres, ce qui est unique. Nous voulons continuer. Ce n'est donc pas d'actualité : nous avons une vision long terme et souhaitons conserver notre indépendance, même si évidemment on ne sait pas ce qui se passera dans 6, 7 ou 8 ans !

Quel est le périmètre du nouveau groupe ?

Vente-Exclusive est l'acteur de référence au Benelux et se lancera bientôt dans le nord de l'Europe. Eboutic.ch, dont nous venons aussi de prendre la majorité du capital, l'est en Suisse, où il est difficile de se développer organiquement. Privalia est un acteur majeur tant en Espagne, qu'en Italie, au Brésil et au Mexique. C'est un acteur qui a réalisé 510 millions d'euros de chiffre d'affaires TTC en 2015 et qui est profitable. Nous continuons d'opérer seuls pour l'instant en Allemagne où nous faisons 100 millions d'euros de chiffre d'affaires et en Angleterre où le marché est plus compliqué. On regarde la possibilité d'ouvrir le Portugal. Au total, le groupe devrait compter plus  de 60 millions de membres en Europe. Nos sites offrent de très puissantes solutions de distribution et de promotion aux marques. 

Quels sont vos objectifs pour cette année ?

Vente-Privée connaît une croissance organique de 17% et les entreprises rachetées ont des taux de croissance encore supérieurs. Nous avons donc le potentiel pour dépasser les 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires TTC cette année.

Vente-Privée va-t-il continuer de consolider le marché européen des ventes événementielles, notamment en Allemagne, avec Best Secret par exemple ?

La vente événementielle n'est pas un marché mais un modèle de vente. Nous regardons ce qu'il se passe en Allemagne. Best Secret sont mystérieux et je ne comprends pas trop comment ils fonctionnent. Mais vous savez, l'Allemagne est un marché très complexe. L'acquisition de membres coûte cher, les taux de retours sont très élevés ! Et cela pèse beaucoup sur les  marges. La concurrence y est très forte. Maintenant, c'est un pays de 80 millions d'habitants, donc on regarde évidemment... Nous sommes ouverts.

Allez-vous lancer un "Vente-Privée premium", sur le modèle d'"Amazon Premium" qui offre les frais de livraison en échange d'un abonnement annuel ?

Non, car le modèle de Vente-Privée est de montrer facialement des décotes agressives qui sont systématiquement à priori  les plus basses du marché. Ces prix n'incluent donc pas les frais de livraison. Ce ne serait pas forcément pertinent d'inclure le prix de la livraison. Je crois que le consommateur est assez intelligent pour se rendre compte de l'intérêt qu'il a d'acheter chez nous. Car dans tous les cas, il paie les frais de livraison d'une façon ou d'une autre. 

L'Olympique de Marseille, dont vous êtes fan, est officiellement en vente. Sachant que Vente-Privée se renforce continuellement dans le spectacle, pourriez-vous être intéressé ?

Non, ce n'est pas du tout d'actualité.

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Après des études à l'European Business School (EBS), Jacques-Antoine Granjon, crée en 1985 avec Julien Sorbac, un ami de l'EBS, la société Cofotex, spécialisée dans la vente en gros de fins de séries. En 1996, il rachète les anciennes imprimeries du "Monde" à la Plaine Saint-Denis pour y installer le siège de sa société, lequel deviendra par la suite celui de Vente-privee.com.