Faut-il
enterrer le one to one ?
L'aboutissement de la segmentation, et plus généralement de la communication
directe, c'est la communication one to one. On ne s'adresse plus alors à un segment,
mais à un individu. On personnalise l'offre et le message en fonction de caractéristiques
individuelles explicites ou induites.
Les discours autour du 1 to 1 sont légion, ils participent au mythe entretenu
par les publicités des sociétés de software comme Broadvision ou Vignette. On
vante l'efficacité marketing d'une relation entièrement personnalisée entre un
marchand et son client, une personnalisation de l'offre et du message fondée sur
une parfaite connaissance du second par le premier. Le 1 to 1 serait la solution
marketing à tous les problèmes rencontrés par les sites marchands !
Surtout, on postule la possibilité de modéliser et d'automatiser cette mécanique
marketing. On imagine que l'application 1 to 1 est à même d'élaborer une représentation
fidèle et fonctionnelle du client, et que cette représentation permet à partir
de l'exécution de quelques règles de déduire ses attentes et d'y répondre : "Si
le client Dupont a cliqué sur tel lien et a déjà acheté du cassoulet alors il
aime la choucroute."
Si l'idée du 1 to 1 est séduisante, ce qui est gênant dans son développement
technique, c'est le peu de place laissé à la créativité : créativité de l'analyste
dans sa manière d'orienter les données comportementales et d'en tirer des conclusions
; créativité du marketeur dans sa manière de réagir aux analyses en imaginant
une mécanique innovante ou un partenariat insolite ; créativité du directeur artistique
dans le design et l'expression qu'il donnera aux messages
À l'automatisation à outrance, n'est-il pas préférable de laisser quelques
étapes à l'humain tout en profitant des formidables possibilités ouvertes
par les nouvelles technologies de l'informatique et de la communication.
Comment ? En utilisant de manière intelligente les données fournies par les
différents canaux de la relation et en imaginant à partir d'elles des offres
et des messages plus originaux. Concrètement, en laissant l'analyste découvrir
les segments de clients les plus pertinents, en laissant le marketeur imaginer
pour chacun de ces segments les réponses les plus adéquates et en laissant
les créatifs créer les designs les plus appropriés à ces segments cibles
! En testant différentes solutions et en extrapolant celles qui offrent les
meilleurs taux de retour. Bref, en créant une relation "apprenante"
chère à Peppers1 mais où apprendre comprend imaginer, créer et innover.
Ce process plutôt "1 to few" s'inspire du marketing direct mais
exploite le meilleur des NTIC sans tomber dans l'illusion factice du 1 to 1. Mais
surtout ce process est nettement plus rentable ! Les coûts liés à la mise en oeuvre
et à l'exploitation d'un système 1 to 1 sont encore à l'heure actuelle exorbitants.
Le retour sur investissement est loin d'être au rendez-vous et des sociétés qui
ont cru à cette illusion ont aujourd'hui porte close (comme Streamline tant vanté
par Peppers et Rogers).
Il ne s'agit pas d'enterrer le 1 to 1, le concept est génial ! Mais de le mettre
entre parenthèses, de le garder comme une idée vers laquelle doit tendre toute
entreprise marchande, de ne pas oublier que pour l'instant, le 1 to 1 n'est qu'une
idée et que son implémentation technologique en est une autre
Il s'agit surtout de ne pas négliger la part de créativité inhérente à toute
relation marketing efficace entre un marchand et ses clients