Ouriel Ohayon (Appsfire) "La découverte d'applications se fera de moins en moins dans les stores"

Après bientôt un an d'existence, le fondateur d'Appsfire fait le point sur l'activité de sa start-up et sa contribution au référencement des applications en dehors des places de marché d'applications.

JDN. Qu'est-ce qu'Appsfire ? 

Ouriel Ohayon. Appsfire est un guide de découverte d'applications mobiles. Nous avons lancé ce service avec Yann Lechelle pour répondre à un problème croissant qui n'est pas traité par les différentes places de marché d'applications : comment trouver les applications mobile qui me correspondent vraiement ? Les marketplaces fonctionnent toutes sur le principe du ranking, qui met en avant les applications les plus populaires. Mais ce système ne facilite pas la découverte des applications qui seraient les plus susceptibles de vous intéresser. 

Comment Appsfire permet-il cette découverte ? 

Notre rôle est d'ajouter du contexte aux applications alors que les stores en sont dépourvus. Il peut par exemple s'agir de définir quelles applications ont été téléchargées par vos amis, dont les centres d'intérêts peuvent être similaires aux vôtres. Il peut également s'agir d'applications pertinentes en fonction de celles que vous possédez déjà ou de certaines informations vous concernant, comme votre lieu de résidence. Tapez "embouteillages Paris" sur l'App Store d'Apple et vous ne trouverez rien. Sur Appsfire, nous savons vous proposer les applications permettant de voir l'état du trafic à Paris. 

Nous effectuons par ailleurs une veille des applications dont les internautes parlent le plus sur Twitter et Facebook, ce qui nous permet de faire remonter les apps qui font le plus de buzz. Nous disposons enfin d'un moteur qui nous permet de détecter les modifications apportées aux fiches des applications dans les stores. Lorsqu'une application payante devient gratuite, nous sommes par exemple capables de la pousser à nos utilisateurs plus vite que le store lui-même. 

"Notre application a été téléchargée plus de 400 000 fois"

Près d'un an après le lancement de l'entreprise, où en est son développement ? 

Appsfire indexe aujourd'hui les applications disponibles sur l'App Store pour l'iPhone et l'iPad, ainsi que sur l'Android Market. Pour ces trois types de terminaux, nous disposons d'une application dédiée. Nous avons notamment lancé l'application Android au début du mois de novembre. Elle connaît un fort démarrage avec plus de 10 000 téléchargements au cours de sa première semaine. Au total, notre application a été téléchargée plus de 400 000 fois, tous OS confondus. 

Prévoyez-vous de déployer Appsfire sur d'autres OS ? 

Oui, à condition que ce service y soit réellement nécessaire. Nous estimons qu'il n'existe pas vraiment de problème de découverte sur les places de marché disposant de moins de 15 000 applications. A l'heure actuelle, le BlackBerry AppWorld en recense aux alentours de 10 000 et le store de Windows Phone 7 est encore très récent.  

Quel est votre modèle économique ? 

Les différents app stores aident à trouver les applications best-sellers, qui trustent les classements des marketplaces. Pour ces apps, nous ne pouvons pas faire mieux. Mais nous pouvons aider les 99,5 % d'applications restantes à gagner en visibilité. Notre activité BtoB s'adresse à ces professionnels qui ont du mal à trouver leur public et ne disposent pas de gros budgets marketing pour se faire connaître en dehors des stores. Ces éditeurs sont tributaires des mises en avant qu'Apple ou Google font des applications dans leur boutique d'applications. Mais vu le nombre d'apps de l'App Store ou d'Android Market, peu de développeurs ont la chance d'être touchés par la grâce d'Apple ou de Google. Le rôle d'Appsfire est de leur proposer donc des mécanismes de promotion, équivalents aux techniques de référencement du Web fixe. 

Lesquels ? 

Nous proposons par exemple une mise en avant payante via une zone "featured" de notre application mobile, qui se rapproche du concept de lien sponsorisé pour un site Web. Nous proposons également de promouvoir une app au travers d'une notification en push sur les mobiles de note base d'abonnés opt-in. Pour ce mécanisme, nous nous limitons à une seule notification par semaine, afin de ne pas saturer nos membres. Nous avons encore d'autres projets de mécanismes. 

Comment vous rémunérez-vous ? 

Nous nous rémunérons selon le modèle du CPA, en fonction du nombre de téléchargements que nous générons pour les développeurs et éditeurs qui utilisent ces mises en avant payantes. Nous n'avons pas inventé ce modèle, nous l'adaptons simplement à l'univers des applications.  

Pour quels résultats ? 

Nous ne communiquons pas sur les performances de téléchargement des applications que nous promouvons. Mais l'éditeur américain d'applications Crossforward Consulting a publiquement annoncé les résultats d'une campagne de neuf jours sur notre application, pour promouvoir l'une de leurs applications iPad payantes, "My Recipe Book". Sur 120 000 impressions, la campagne a généré 1 346 clicks et 141 téléchargements de l'application. Soit un taux de transformation de plus de 10 %. 

"On ne peut pas demander à une entreprise d'être à la fois jeune, innovante et rentable"

Appsfire est-elle une entreprise rentable ? 

La rentabilité n'est pas pour nous un objectif à l'heure actuelle. Nous avons lancé nos offres commerciales il y a deux mois seulement. On ne peut pas demander à une entreprise comme la nôtre d'être à la fois jeune, innovante, agressive et rentable. Nous souhaitons nous concentrer sur notre service et notre base d'utilisateurs. L'impératif pour l'instant est d'atteindre une masse critique qui se chiffre en millions de membres, avant de pouvoir déployer pleinement un modèle économique efficace.  

L'existence de services comme le vôtre montre-t-elle la limite des boutiques d'applications ? 

Les stores restent un passage incontournable dans l'écosystème des applications : ils fournissent le catalogue des applications et une plate-forme transactionnelle pour les payer. Mais ce n'est plus grâce aux stores que les utilisateurs de smartphones découvrent de nouvelles applications qui les intéressent vraiment. La découverte des applications va se faire de plus en plus en dehors des stores. Ces places de marché sont un peu ce que sont les vendeurs de disques sont à l'industrie musicale : ils sont incontournables pour acheter les disques. Mais ce n'est pas par eux que les consommateurs découvrent de nouveaux artistes. C'est pour cela que plusieurs milliers de développeurs ont recours à des services de diffusion d'applications comme le nôtre. 

Comment vous différenciez-vous de vos concurrents ? 

Nous avons notamment développé une stratégie de partenariats pour donner accès à notre service via d'autres sites au travers d'un moteur de recherche. En France, le blog iPhon.fr, qui fait partie des blogs référents sur le terminal d'Apple propose ce moteur. Nous avons pour l'instant une vingtaine de partenaires dans le monde et prévoyons d'élargir encore ce cercle. Nous rémunérons ces partenaires en fonction de leur apport à notre activité. En 2015, le marché des applications mobile pèsera entre 10 et 15 milliards d'euros. Nous voulons y intéresser nos partenaires.

D'autres places de marché d'applications alternatives sont en projet chez des opérateurs, des fabricants de terminaux et même d'acteurs comme Amazon ou Best Buy. Comment vous positionnez-vous vis-à-vis d'eux ? 

Il existe en effet un vrai problème de fragmentation des app stores, surtout sur Android. En France, Orange et SFR vont tous deux lancer leur propre boutique d'applications. Nous sommes actuellement dans une phase de bruit, qui sera suivie d'une phase de consolidation. Il n'y aura probablement pas de place pour tout le monde. 

La présence de ces acteurs financièrement très puissants fait de vous une cible potentielle d'acquisition...

Peut-être. Des services comme Appsfire devront être intégrés d'une manière ou d'une autre à d'autres services plus importants. Nous ne savons pas aujourd'hui si nous serons ou non intégrés demain. Nous sommes cependant sûrs d'une chose : nous voulons devenir l'un des principaux influenceurs de téléchargement d'applications mobile.

Diplômé d'HEC Paris, Ouriel Ohayon débute sa carrière chez Reckitt Benckiser puis chez Danone. En 2000, il lance sa première société, Ludopia Interactive, qu'il revend trois ans plus tard, avant d'intégrer AOL en 2004 pour s'occuper du business development d'ICQ en Europe de l'Ouest, Russie et Asie. En 2006, il lance l'édition française du blog "Techcrunch", et prend en parallèle la direction du fonds franco-israélien LightSpeed Gemini Internet Lab. Il lance en 2010 Appsfire avec Yann Lechelle. Ouriel Ohayon est par ailleurs membre du board de Wikio et co-fondateur du fonds Isai aux côtés de Pierre Kosciusko-Morizet, Jean-David Chamboredon, Geoffroy Roux de Bézieux ou Stéphane Treppoz.