Phil Libin (Fondateur d'Evernote) "Nous ne revendrons jamais Evernote et nous ne rentrerons pas en bourse"

Rencontré lors de LeWeb 2011, Phil Libin nous livre sa stratégie pour Evernote qu'il espère voir se développer en Europe, Asie du Sud et en Amérique du Sud.

JDN. Vous avez lancé et revendu plusieurs start-up. Souhaitez-vous en faire de même avec Evernote ?

Phil Libin. J'ai en effet lancé plusieurs start-up au cours de ma carrière, comme par exemple CoreStreet qui a été rachetée par ActivIdentity fin 2009 ou encore Engine 5. Nous vendions des solutions à des gouvernements et dans ce type d'activité, on peut vite s'ennuyer. Parmi les sociétés que j'ai fondées ou co-fondées, je pensais qu'Evernote était la plus susceptible de connaître l'échec.  Nous avons pourtant environ 20 millions d'utilisateurs, dont 800 000 premiums et  500 000 en France. Mais ce projet est un vrai challenge personnel. Nous avons reçu plusieurs propositions d'acquisition mais nous les avons toutes rejetées. Nous ne revendrons jamais Evernote et ne rentrerons pas en bourse. Pour le moment, nous avons levé assez d'argent (plus de 85 millions de dollars, ndlr) mais une future levée de fonds est encore possible.

Qui et où sont vos utilisateurs ? Allez-vous ouvrir de nouveaux bureaux ?

Nos premiers utilisateurs sont les Américains, puis les Japonais. Toutefois, Evernote connaît sa plus forte croissance en Asie du Sud et en Amérique du Sud. En ce qui concerne le profil des utilisateurs, on ne fait pas de grande distinction puisque 75% d'entre eux utilisent tant Evernote pour des raisons professionnelles que personnelles. Pour 2012, nous souhaitons nous concentrer davantage sur l'Europe. C'est pourquoi nous avons décidé d'ouvrir des bureaux à Zurich en janvier prochain. En France, nous venons de signer un partenariat avec Orange qui offrira un an d'abonnement à ses clients. C'est une opération qui nous ouvre de belles perspectives quant à l'adoption de l'application dans l'Hexagone.

Evernote ne s'inscrit pas dans une tendance  de web social. Est-ce un choix délibéré ?

Quand on a lancé Evernote, nous avons décidé de bâtir un modèle du type anti-social, dans le sens où le service est uniquement dédié à l'utilisateur. Nos axes de développement sont donc liés à l'expérience utilisateur. Nous avons aujourd'hui 9 000 partenaires sur l'API et des éditeurs de contenus qui nous aident à construire de nouvelles fonctionnalités pour Evernote. Parmi elles, nous avons lancé lors de LeWeb "Evernote Food" dans l'univers de la gastronomie ainsi que "Evernote Hello" pour 'mémoriser' les personnes que l'on rencontre.

Les applications mobiles sont souvent testées puis désinstallées par les utilisateurs. Est-ce une tendance que vous ressentez ? 

La stratégie d'Evernote se base sur une présence sur différentes plates-formes. Il est vrai que les utilisateurs vont parfois l'installer et l'essayer sans forcément comprendre l'application du premier coup. Peut-être qu'ils vont même arrêter de l'utiliser pour retenter le coup plus tard. Mais très souvent, quand ils prennent l'habitude de s'en servir, ils finissent par l'adopter. Plus un utilisateur se servira d'Evernote longtemps, plus l'application prendra de la valeur, pour lui comme pour nous. C'est le cœur de notre modèle économique.

Son parcours : Phil Libin a fondé et dirigé CoreStreet, une entreprise qui fournit des technologies de gestion des informations et des identités aux gouvernements et grandes entreprises, revendue à Actividentity. Auparavant, il avait fondé et dirigé Engine 5, une entreprise de développement de logiciels Web basée à Boston acquise par Vignette Corporation au début des années 2000. Phil Libin est développeur et a commencé sa carrière en concevant des systèmes complexes pour ATG, Exchange Applications et EF.