Pourquoi la polémique enfle autour du filtrage pub de Free ? La volonté de mettre la pression sur Google ?

L'identité des régies visées (AdSense et AdWords, principalement) laisse peu de doutes sur les intentions de Free dont on sait qu'il est en guerre avec Google, auquel l'oppose depuis longtemps un différend commercial. Comment expliquer, sinon, que la publicité soit filtrée sur le service vidéo de ce dernier, YouTube, alors qu'elle ne l'est pas sur Dailymotion ? 

Contraindre Google à transiger sur le concept de "peering payant"

Plus qu'une croisade contre l'invasion de la publicité, cette décision s'apparente donc à une manœuvre politique pour forcer les négociations que l'opérateur télécom poursuit avec Google depuis plusieurs mois concernant la mise en place de sa politique de "peering payant" qui impose une facturation aux prestataires de services en fonction du volume des données envoyées vers les clients de Free. Un moyen de faire participer tous les acteurs du Web à la pérennité de cette économie, clament depuis des années les opérateurs télécoms qui s'émeuvent que des acteurs tels que Google, Facebook ou Amazon, pour ne citer qu'eux, ne participent pas à l'effort collectif. Ce refus de Google de transiger est la raison pour laquelle les abonnés de Free ont des problèmes d'accès à YouTube, une grande partie du trafic ne transitant pas en direct. Selon une enquête de l'UFC-Que Choisir, 83% des abonnés à Free souffraient ainsi d'un débit dégradé les empêchant de regarder confortablement des vidéos sur YouTube (lire l'article, Les abonnés de Free se plaignent de la qualité des services vidéo, du 04/12/2012).

Free marcherait-il sur les traces de son meilleur ennemi Orange dont on sait qu'il a trouvé un arrangement financier, dont le montant, chiffré en millions d'euros, est resté secret, avec Google ? Sans doute. Et si cette action ne risque pas d'ébranler un acteur pour qui la France reste une goutte d'eau, elle pourrait donner des idées à d'autres acteurs à l'international... et faire vaciller le sentiment d'invulnérabilité qui anime le géant de l'Internet. "Nous avons constaté les mesures prises par Free et sommes en train d'analyser la situation", s'est toutefois contenté d'expliquer un porte-parole de Google France.  Les premiers éléments de réponse devraient être apportés par la rencontre qui réunira le 7 janvier la ministre du Numérique, Fleur Pellerin, Free et les éditeurs. D'autant que se posera également la question de la neutralité du Net, qui doit permettre à tous d'avoir accès aux mêmes contenus, même publicitaires, quel que soit l'opérateur, et celle des FAI. "Dans quelle mesure un FAI peut-il contrôler l'expérience utilisateur ?", s'interroge Yann Gabay qui s'étonne, faussement naïf, que "Free ait beaucoup plus de marge de manœuvre qu'il ne l'a longtemps clamé, s'interdisant toute ingérence au moment d'Hadopi." 

Un coup médiatique réussi

Sans présumer des intentions de Free, on peut toutefois reconnaître à l'opérateur un sacré sens du buzz marketing, presqu'un an après une conférence de lancement qui avait cannibalisé l'actualité médiatique. "Car c'est aussi ça Free, s'amuse Yann Gabay. Une marque qui aime se positionner comme l'agitateur qui secoue le monde des bien-pensants." D'aucun y voient de la démagogie, d'autres un goût du risque... Mais tous s'accordent pour féliciter le coup médiatique. Même si pour la première fois, la plupart des commentaires sur Twitter étaient négatifs envers l'opérateur.