Tourisme : la victoire n’est jamais acquise

Le tourisme se porte plutôt bien en France, mais les succès d'aujourd'hui ne sont pas les garants des victoires de demain et certains chiffres poussent à la prudence.

Les touristes aiment la France. La réciproque est-elle vraie ? Pas toujours à en croire la (mauvaise) réputation de l’accueil et les difficultés à proposer des services ouverts sept jours sur sept aux millions de visiteurs qui se pressent chaque année dans l’Hexagone. Si le nombre de touristes continue de croître, les chiffres sont souvent trompeurs et peuvent cacher une future désaffection aux effets économiques dévastateurs.

La France sera toujours la France et attirera les amoureux, les amateurs de culture et de paysages renversants. Cette idée a de quoi rassurer les professionnels du tourisme qui depuis plus d’un siècle mettent en avant les atouts de notre beau pays. Près de 300 000 personnes travaillent dans le secteur du tourisme et espèrent de bons chiffres à chaque saison. Pourtant, rien n’est jamais acquis et la récente inflexion du ministère des Affaires étrangères sur la question du tourisme en France ne peut cacher certains problèmes qu’il est urgent de régler.

Un ministère des Affaires étrangères actif

Lors du dernier remaniement, la bataille pour savoir qui aurait la charge du tourisme a fait rage. C’est finalement Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, qui a remporté la palme et il n’a pas tardé à croiser le fer pour rendre ce secteur plus attractif. Son cheval de bataille est l’ouverture des magasins le dimanche dans les zones touristiques. Le débat a été lancé en avril dernier et le ministre a récemment réaffirmé son souhait de voir cette question réglée avant la fin de l’année.
L’argument est bien connu : « le touriste qui trouve porte close le dimanche ou à 19 heures n’attend pas le jeudi suivant ». Les chiffres donnent raison à Laurent Fabius puisque la France est le premier pays en nombre de touristes, mais seulement le troisième en termes de recettes engendrées (trois fois moins que les Etats-Unis). Un mauvais point qu’il est nécessaire de corriger, car d’autres éléments viennent aussi mettre à mal l’idée d’un secteur touristique à l’abri de toutes les mauvaises marées.
L’objectif officiel est d’atteindre la barre symbolique des 100 millions de touristes d’ici à 2022. Possible, dans la mesure où 84,7 millions de visiteurs ont profité des charmes de la France. C’est sans compter un bémol de taille. Les touristes qui ne font que traverser le pays et prennent l’autoroute sont pris en compte dans cette statistique. Ou comment compter des touristes fantômes qui n’apportent rien à l’économie française... Cet arbre cache le problème plus général des difficultés du secteur en France alors qu’il se porte relativement bien chez nos voisins.
La croissance du tourisme en France n’est que de 2 %. C’est bien mieux que la croissance française tout court. C’est aussi beaucoup moins bien que la croissance du secteur touristique chez nos voisins espagnols, italiens ou encore britanniques (4 % - 5 %). Le pouvoir d’attraction des uns a des conséquences directes sur l’économie française. Protourisme, cabinet d’études et de conseil en tourisme signale ce décalage et met en garde contre les inepties administratives dont certaines sont en voie de règlement.
Un travail de fond doit être accompli afin de préserver le million d’emplois induits par le secteur du tourisme. Il en va de la croissance du PIB français (lequel compte sur le tourisme à raison de 7,5 %). Les professionnels du tourisme qui ont un pied en France et un autre à l’étranger misent avec raison sur une croissance plus importante au-delà des frontières de l’Hexagone. Les pays émergents devraient connaître une hausse annuelle de 4,4 % contre seulement 2,2 % dans les pays les plus avancés. Ainsi des entreprises phare comme Pierre & Vacances, le Club Med, Thomas Cook ou Costa Croisières misent sur des destinations plus lointaines, mais aussi plus porteuses à long terme.
La France ne pourra pas rester indéfiniment le pays le plus visité au monde. Elle peut toutefois se rendre plus attractive pour les touristes du monde entier et en tirer des bénéfices bien plus importants qu’aujourd’hui. Une question de nécessité à l’heure où le pays est en panne d’idées.