"L'Or des fous", les meilleurs extraits L'explosion des produits dérivés

Dans ce passage, l'auteur décrit la frénésie qui s'est emparée des établissements bancaires dans les années 90 pour développer le marché des produits dérivés, plus rémunérateur et où des places étaient à prendre. Au prix d'un risque toujours plus élevé.

les montants assurés via les cds se sont envolés jusqu'à la crise.
Les montants assurés via les CDS se sont envolés jusqu'à la crise. © JDN

«  Goldman Sachs fut prompt à développer de formidables affaires sur les dérivés et d'autres établissements de courtage comme Morgan Stanley et Lehman Brothers entrèrent aussi dans le jeu avec enthousiasme. Le plus étonnant, c'est l'arrivée de Deutsche Bank dans le circuit qui explosa dès le départ. 

Traditionnellement, Deutsche était une grosse banque commerciale guindée. Au milieu des années 90, elle élabora des plans ambitieux pour devenir un acteur important dans le monde de l'investissement bancaire international. Elle embaucha des équipes sur les produits dérivés et les obligations qui venaient de chez Merrill Lynch, acquit les opérations de Bankers Trust qui avait été au premier rang de l'innovation des produits dérivés dans les années 80 et début 90 et entreprit de construire une plateforme prééminente dans l'ingénierie financière à New York et à Londres. Les produits dérivés étaient un objectif essentiel. 

Alors que les marchés américains des titres et des capitaux propres étaient dominés par les banques de Wall Street au milieu desquelles Deutsche aurait bien eu du mal à se frayer un passage, les affaires de produits dérivés étaient tellement nouvelles qu'elles offraient beaucoup d'opportunités pour les gens venus de l'extérieur. L'équipe des produits dérivés de la Deutsche engagea beaucoup de traders talentueux venus d'autres banques, y compris de JP Morgan. Marcus Schüler, un commercial très connu qui avait travaillé avec Tim Frost à Londres et l'acolyte de Demchak, Betsy Gile rejoignirent tous les deux la Deutsche. La banque fit ensuite de gros efforts pour occuper une bonne place dans le secteur des CDS. Les résultats furent vite là.

En 2003, le magazine Risk désigna la Deutsche Bank comme étant la "banque de l'année pour les produits dérivés", détrônant JP Morgan. Certains des salariés chez Morgan commencèrent à désigner la Deutsche Bank comme "l'ennemi numéro 1".

Les banques imaginèrent une foule de nouveaux stratagèmes pour offrir de meilleurs bénéfices aux investisseurs.

Lehman Brothers, Citigroup, Bear Stearns, le Crédit Suisse, UBS et la Royal Bank of Scotland concentrèrent tous leurs efforts sur leurs opérations de produits dérivés. Non seulement la concurrence nécessitait qu'ils se montrent plus offensifs mais les faibles rendements sur les investissements de crédit les plus traditionnels ne faisaient qu'attiser l'envie d'obtenir des résultats plus élevés. Les bénéfices des obligations d'état sur 10 ans avaient chuté de 6% au début des années 2000 à moins de 4% en 2002. (...)

Les banques imaginèrent une foule de nouveaux stratagèmes pour offrir de meilleurs bénéfices aux investisseurs. Cela revenait invariablement à créer des produits qui utilisaient un effet de levier plus important ainsi que plus de complexité et de risque. »

Extrait de "L'Or des fous", de Gillian Tett, 313 pages, Le Jardin des Livres