Mais
qu'est-ce que je fais ici ?!! Par
Gautier Vasseur (Pedersen & Partners) (mars
2004)
"Mais qu'est-ce que je fais ici ?!!" C'est à peu près ce que
je me suis dit quand j'ai posé pour la première fois mes valises
dans la chambre de cet internat étudiant de Brno, en Tchéquie. Quelques
années plus tard, une réalité s'impose : "ici, il y a tout
a faire !" Les opportunités ne manquent pas, surtout pour les
jeunes experts de la finance, du marketing, ou de la production,
à qui l'on donne rapidement des responsabilités (l'expérience n'étant
pas nécessaire puisque tout est à faire
).
Les
PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale) ont des perspectives
de développement incontestables. Il s'agit d'abord d'un marché de
trois cent millions de consommateurs, sous-équipés et fascinés par
la société de consommation. En BtoB, les firmes locales se développent
et nécessitent des équipements et des technologies renouvelées,
que seules les entreprises occidentales peuvent fournir; sans oublier
le marché des services aux collectivités dont les besoins sont immenses,
et dont l'UE et d'autres organisations internationales financent
les principaux chantiers.
Le prochain élargissement de 2007 pose quelques autres défis importants.
Le positionnement commercial des entreprises dans les PECO va préfigurer
le "Marché intérieur de demain". Même si la concurrence est devenue
particulièrement effrénée, notamment avec les entreprises américaines,
allemandes ou asiatiques, les entreprises qui n'ont pas encore exporté
ou investi les marchés de ces pays ne veulent plus laisser passer
leurs chances.
En dépit des crises financières d'autres régions du monde, et grâce
a une relative stabilité macro-économique, la part de marché des
PECO dans les revenus de la France augmente régulièrement pour atteindre
environ 15 % en 2003 (contre 17 % pour les Etats-Unis).
La France est le troisième partenaire commercial des PECO et se
place au premier rang de deux marchés clés que sont la Pologne et
la Roumanie. Pour nos grands groupes tels que LVMH, Danone, PSA,
Bouygues, Carrefour, Dalkia, Renault, L'Oréal, ou encore nos banques,
les PECO sont devenus l'un des principaux pôles de croissance dans
le monde, entraînant derrière eux des centaines de fournisseurs.
Le passé est encore une source
quotidienne de malentendus"
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Suivant ce flux, de plus en plus de managers s'expatrient en Europe
Centrale. Ils ont généralement des contrats de trois ans, avec le
même salaire qu'ils auraient eu en France, plus des avantages liés
à l'expatriation (logement, scolarisation des enfants, primes, etc.).
Pour ces expatriés, l'arrivée dans les PECI constitue
un choc professionnel. Dans ces pays, pendant deux générations,
les notions de résultats, de concurrence, de rentabilité
et de services n'ont plus existé. Ce passé est encore une
source quotidienne de malentendus. Mais si l'expatrié sait
les anticiper et qu'une considération est apportée aux personnes,
les cadres locaux obtiennent très vite des résultats.
On constate que les expatriés réussissent mieux quand ils accompagnent
leurs méthodes de management par une communication créative et adaptée
à leurs interlocuteurs. Et si vous êtes tenté par l'expérience,
il faut commencer par revoir ses leçons d'histoire ! Le poids
du passé détermine les mentalités actuelles. Ces sujets de conversation
reviennent régulièrement, notamment pendant les négociations avec
le personnel. Il ne faut pas non plus négliger la barrière de la
langue, quelques notions seront très appréciées, voire nécessaires
pour votre intégration.
Soyons simples, c'est comme ça
que l'on nous respectera"
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D'une manière générale en Europe Centrale, les gens se caractérisent
par leur modestie. Mais ils n'ont pas le moindre complexe d'infériorité :
on est mal compris quand on se place en tant que donneurs de leçons.
Dans les PECO, évitons donc de considérer notre temps comme plus
important que celui des autres, puis essayons de nous intégrer dans
les affaires locales.
On reproche aux managers français de changer trop souvent d'avis,
d'avoir du mal a prendre des décisions, d'être plus sensibles aux
relations personnelles qu'aux résultats, ou d'avoir des organisations
trop hiérarchisées. Malgré cela, nombreux sont nos compatriotes
qui ont su se faire apprécier : soyons simples, c'est comme
ça que l'on nous respectera. Sachez enfin qu'une expérience réussie
valorisera fortement votre CV car elle laisse entrevoir des qualités
telles que la capacité à prendre des risques personnels ou financiers,
facultés d'adaptation, esprit de découverte, volonté, mobilité,
et maîtrise d'une nouvelle langue.
Pour revenir à cet internat de Brno, j'en garde aujourd'hui un
excellent souvenir, et si l'on m'a proposé d'écrire mon tout
premier article dans cette tribune, je me dis que c'est sans doute
aussi un peu grâce à lui
PARCOURS
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Gautier Vasseur travaille depuis sept ans en Europe Centrale.
Il a été manager pour Peugeot et Renault Trucks
lors de leurs developpements en Tchéquie et en Slovaquie.
Il est conseiller en recrutement depuis 2002, specialisé
dans l'approche directe de cadres exécutifs à
Prague, Varsovie, Budapest, Bucarest, Bratislava, Sofia, Zagreb,
Riga et Moscou pour le cabinet régional Pedersen & Partners.
Gautier Vasseur est diplômé de l'Ecole superieure
de commerce de Chambéry, et possède un Master
en Business Européen. |
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