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Le management des risques à l'hôpital
Par Dr Eytan Ellenberg (AP-HP)
(juillet 2004)

La gestion des risques à l'hôpital est une activité qui émerge depuis quelques années dans le paysage français de la santé. Ce petit article a pour but de décrire l'activité de la sécurité hospitalière, de critiquer son fonctionnement et de proposer des mesures en vue de son amélioration.

Quel constat sur la sécurité hospitalière ?
La législation française et européenne a appuyé et pressé la création, au sein de chaque hôpital, de multiples structures spécialisées dessinant ainsi une "sécurité hospitalière". Les structures qui s'occupent de gérer les techniques tels que le risque incendie ou électrique sont structurées en secteur. Depuis les années 93-94, la loi a également mis en place des organisations dénommées vigilances. Leurs missions : signaler aux autorités centrales les incidents sérieux qui pourraient se produire avec les produits sanguins, les matériels biomédicaux, les médicaments, les réactifs de laboratoire et les produits d'origine humaine.

Leurs actions sont repérables autant en interne qu'en externe. Ces deux types d'organisations peuvent être assimilés à des structures auto organisées utilisant chacune leurs propres méthodes, leurs propres possibilités d'actions et leurs propres responsabilités. Elles semblent fonctionner en système fermé, comme séparées l'une de l'autre, n'échangeant que peu entre elles.

Une analyse organisationnelle de la gestion des risques à l'hôpital permet, dans les grandes lignes, de retrouver des points forts et des points faibles : des structures en place, formalisées et des responsables identifiés mais également des interfaces à risque, la priorisation sur la réaction face à l'accident (faiblesse d'une éventuelle proaction), l'analyse incomplète des incidents, le faible retour bénéfique de l'information sur le terrain.

On se rend compte surtout d'une très grande hétérogénéité sans politique générale, cohérente et structurée, un hôpital morcelé et vulnérable mais aussi l'absence de structure consacrée aux risques cliniques non réglementés. On peut citer pêle-mêle la faible réaction face aux risques suivants : la mauvaise perfusion, le mauvais médicament, l'absence d'information correcte et compréhensible, la personne allongée réclamant un calmant en vain...

Finalement, les risques cliniques comme ceux que peuvent endurer les patients dans leur lit d'hôpital. Concourent, à l'émergence de ces risques, plusieurs contextes sociologiques ou juridiques qui pressent pourtant les décideurs à les prendre en compte : les dispositions de la Loi ° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la sinistralité grandissante, une certaine démocratisation du soin, une demande claire de transparence de la part du public consécutive à une diminution générale de l'acceptabilité du risque.

Quelques propositions...
Les objectifs que pourrait se fixer une organisation de gestion des risques sont généralement les suivants : la prévention c'est-à-dire agir en amont pour diminuer la fréquence des évènements indésirables ; la protection c'est-à-dire agir en aval pour diminuer la gravité potentielle des évènements indésirables, par la mise en place de moyens de détection précoce du risque et de barrières effectives ; réduire les plaintes et contentieux en les utilisant plutôt comme des sources d'informations pertinentes ; augmenter la sécurité des patients en augmentant leur confiance, notamment par l'information et la communication.

Face à ces objectifs, la gestion des risques présente généralement quatre étapes : identifier les risques et les caractériser ; évaluer et hiérarchiser les risques en fonction de leurs impacts sur la structure ; définir un plan d'action face aux risques évalués comme non acceptables ; enfin gérer les risques dits "résiduels".


Une boucle qui part du terrain pour, après analyse, y revenir"


Si la gestion des risques à l'hôpital peut être définie comme la fonction qui vise à identifier, évaluer, éviter ou réduire des risques, manager les risques revient, en revanche, à mettre en place une organisation pour identifier, analyser et réduire les risques qui pourraient compromettre la réalisation des objectifs de l'établissement : approche fondamentalement multidisciplinaire car le risque est une entité qui ne connaît pas de frontières disciplinaire ou géographique. Les méthodes d'identification des risques, éprouvées dans d'autres secteurs, constituent des appuis novateurs et importants.

Une des options serait d'instituer, dans chaque service clinique, un retour d'expérience, qui consiste souvent en la mise en place d'un signalement des évènements indésirables. Ce retour d'expérience entend constituer une boucle qui part du terrain pour, après analyse, y revenir et faire ressortir une action pertinente pour le service d'où a émergé l'information, mais aussi vers les autres services qui peuvent affronter les mêmes problèmes : véritable boucle rétroactive d'amélioration continue à partir des données du terrain, dans une volonté de progrès permanent. L'important est de s'engager dans une certaine dynamique de l'apprentissage de l'erreur. Cette nouvelle mise en perspective permet à chacun de ne plus se sentir seul, face à l'adversité de l'hôpital, mais bien, pour chacun, de s'engager dans une logique de sécurité plutôt valorisante.

La sécurité à l'hôpital représente aussi et surtout un engagement éthique, un questionnement quotidien sur ses pratiques. Cela a aussi comme conséquence la difficulté, pour les soignants, de repenser leurs erreurs et donc le souci rencontré tous les jours, par certains gestionnaires de risques dans les hôpitaux, pour récupérer un maximum d'informations sur les incidents et accidents. Et pourtant Hippocrate nous prévenait : Primum non nocere

* : D'abord ne pas nuire

Parcours

Le docteur Eytan Ellenberg, doctorant en sciences du langage, travaille depuis deux ans au sein de l'Espace éthique de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et au département de recherche en éthique de la Faculté de médecine de Paris-Sud. Eytan Ellenberg, médecin de santé publique, est titulaire d'un master de gestion des risques de l'Ecole centrale de Paris et d'un DEA de Sciences politiques de la Sorbonne.


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