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ECONOMIE
 
11/01/2006

"La finance a besoin d'être encadrée et stimulée"

Christian de Perthuis, co-auteur de "La finance, autrement", s'explique sur les excès de la finance d'aujourd'hui alors qu'elle pourrait être bien plus utile pour la société si elle était régulée.
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P. Levy-Waitz
T. Lanxade

L'ouvrage de Christian de Perthuis et Jean-Pierre Petit, La finance, autrement (Dalloz, 2005), retrace l'évolution et les mécanismes de la finance ces dernières années. Le livre s'attache aussi à analyser les excès de la finance contemporaine. Pour prévenir ces dérives, Christian de Perthuis, professeur et conseiller à la Caisse des Dépôts et Consignations, pointe du doigt le rôle de la société et de l'autorité publique comme garde-fous.


Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire "La finance autrement" ?
Christian de Perthuis.
Au quotidien, je travaille moins sur les questions directement financières que sur le développement durable et l'action contre le changement climatique. Or, je me suis aperçu que la finance peut prendre en compte ces facteurs si elle est bien employée. Elle doit permettre une meilleure gestion des risques, l'allongement des horizons décisionnaires et la facilité de déplacement des actifs dans le temps. Mais le fonctionnement des marchés et des établissements financiers est tel qu'ils ne jouent pas toujours leur rôle et n'ont pas de vision à long terme. Par exemple, la banque gère son propre risque au lieu de celui des particuliers. La société est en quelque sorte fautive car c'est elle qui ne sait pas utiliser la finance autrement.

A lire
"La finance, autrement" de Christian de Perthuis et Jean-Pierre Petit (Dalloz - 2005)
>>> Consulter les librairies

De quelle manière ?
Il faudrait tout d'abord mieux contrôler l'activité des établissements bancaires. Aujourd'hui, nous pouvons noter une concentration des acteurs due à une mauvaise régulation de la part des autorités publiques et européennes. De plus, le rôle de la banque est normalement d'aider les acteurs non financiers à prendre des risques, qui sont limités de part la mutualisation des investissements. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. La banque n'aide pas si la demande lui paraît risquée. Le second moyen consiste à savoir comment utiliser la finance pour mieux gérer les risques environnementaux. Il s'agit là des innovations financières les plus importantes ces dernières années et qui valorisent les ressources écologiques sur les marchés. Nous pouvons citer par exemple le marché européen du CO², le protocole de Kyoto...

Mais comment faire fléchir la finance vers une responsabilisation accrue ?
En ce qui concerne l'exemple du marché du permis d'émission de CO², ce sont les politiques publiques, avec la pression des ONG et des scientifiques, qui ont fait évoluer les acteurs privés dans le bon sens. Selon moi, la finance n'est utile pour la société que si elle est pilotée par des acteurs non financiers car elle ne s'adapte pas d'elle-même. Heureusement, la forte pression de la société civile, des associations et des ONG, permet de faire bouger les choses. D'ailleurs, certaines de ces organisations développent aujourd'hui des actions directement tournées vers la finance.


La finance est utile pour la société si elle est pilotée par des acteurs non financiers"

Quels sont les risques si rien n'évolue ?
Les conséquences sont nombreuses. Des phénomènes de concentration peuvent apparaître, notamment celle des métiers liés au traitement de l'information. Vous remarquerez ainsi que la notation financière est actuellement concentrée autour de trois acteurs mondiaux : Fitch, Standard & Poor's et Moody's. C'est source de dissymétries d'information. Pour qu'un marché fonctionne correctement, il faut un flux d'information et un flux de liquidités. Ces dernières ne posent pas de problème aujourd'hui, contrairement à l'information qui reste entre les mains d'un petit nombre d'acteurs qui la livre au goutte à goutte.

Que pensez-vous de la nouvelle réglementation Bâle II ?
Bâle I a été adoptée pour définir les normes utilisées par les régulateurs pour calculer le risque des banques. Bâle II, quant à lui, incite les banques à réduire le crédit aux PME ainsi que le capital-risque. En outre, une partie des méthodes de mesure du risque des banques sera mise au point par les banques elles-mêmes et non plus par les régulateurs publics. Selon moi, c'est une sorte de renoncement de la part de l'autorité publique à édicter des règles aux acteurs privés, avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Il ne faut pas oublier que la finance a besoin d'être encadrée et stimulée, sinon elle abuse de la situation, en se créant des rentes sans réel bénéfice pour la société.

Parcours

A 50 ans, l'économiste Christian de Perthuis est professeur associé à l'université Paris-Dauphine et conseiller à la Caisse des dépôts depuis 2001. Auparavant, il a notamment occupé les postes d'économiste puis directeur-adjoint chez Rexecode (1990-1995) et directeur général de BIPE-Association (1995-2001). Docteur d'Etat en sciences économiques, il est également auteur de "La génération future a-t-elle un avenir ?" (Belin, 2003), et co-auteur de "Le développement durable" (Nathan, 2005).


P. Levy-Waitz
T. Lanxade


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