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ECONOMIE
 
05/04/2006

Jean-François Pestureau (expert-comptable)
"La question de la compétitivité au coeur de la Loi de Finances"

Taxe professionnelle, recherche et innovation, fiscalité de la transmission d'entreprise... Un spécialiste revient sur ce qu'il faut retenir de la Loi de Finances de 2006.
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L'Ordre des experts-comptables de Paris

La fin de l'année 2005 a vu la floraison d'au moins trois textes majeurs pour l'entreprise.
La loi de finances de 2006 avec son bouquet traditionnel de mesures bigarrées.
La loi de finances rectificatives pour 2005, qui met en place une véritable révolution silencieuse de la transmission de l'entreprise, tant sociétaire qu'individuelle.
Un document technique attendu des professionnels du chiffre : l'instruction administrative sur la comptabilisation des actifs qui, à elle seule, ne compte pas moins de 88 pages. C'est dire que, cette année plus que toute autre, le fiscaliste n'a pas connu la trêve des confiseurs !

Si la loi de finances pour 2006 n'est pas, on le voit bien, la seule à contenir des réformes, elle constitue toutefois le document le plus médiatisé des trois, en raison de quelques mesures-phares. Parmi celles-ci :
Le plafonnement des niches fiscales à 8.000 euros ("retoqué" par le Conseil constitutionnel pour cause d'excessive complexité).
L'imposition des intérêts perçus sur les PEL de plus de douze ans.
Le fameux "bouclier fiscal", qui limite à 60 % des revenus du contribuable le total de ses impôts - sur le revenu, impôts locaux et ISF - mais auquel préfèreront renoncer certains. Pour quelle raison ? Parce que le droit à restitution, déjà court puisqu'il expire l'année suivant le paiement, s'exerce sur demande du contribuable, lequel n'est pas forcément porté à aller mettre tout son dossier fiscal sous les yeux de son inspecteur des impôts !


Un effort sur la compétitivité
Pour commencer, il faut retenir que la nouvelle présentation du budget, non plus par ministère mais par politique publique, met en place plusieurs mesures destinées à améliorer sa compétitivité. Il semblerait d'ailleurs que, sans qu'on l'ait beaucoup dit - sans doute pour satisfaire aux exigences du parler politiquement correct -, cette question de la compétitivité soit au cœur de l'ensemble des textes de cette fin d'année. Ceci du fait que la réforme de la fiscalité de la transmission d'entreprise s'inscrit, elle aussi, sous l'emblème de la concurrence fiscale. Deux domaines évoluent en particulier : la taxe professionnelle et le crédit d'impôt recherche.


Le crédit d'impôt recherche est le second volet de cet élan vers plus de compétitivité."

1. La taxe professionnelle
A partir de 2007, la taxe professionnelle qu'on a renoncé à remplacer par un "impôt local sur les entreprises" (comme le proposait l'ambitieuse réforme de la commission Fouquet), fait l'objet d'une énième mesure cosmétique. En l'occurrence, il s'agit du remplacement des quatre taux de plafonnement sur la valeur ajoutée par un seul, uniformément fixé à 3,5 %, quels que soient les secteurs et les chiffres d'affaires des redevables. Le coût de la mesure est évalué à 3,2 milliards d'euros par an.

2. Le crédit d'impôt recherche
Le crédit d'impôt recherche, d'une application si délicate car source d'innombrables bras de fer avec l'administration, est le second volet de cet élan vers plus de compétitivité. Applicables aux dépenses de 2005 ou de 2006, c'est selon, les mesures tiennent essentiellement en quatre points.
L'aménagement du mode de calcul du crédit d'impôt, qui devrait favoriser les entreprises exposant régulièrement des dépenses n'augmentant pas.
Le doublement du montant des rémunérations des jeunes docteurs, ce qui s'avère avantageux pour la première année d'embauche.
L'augmentation de la limite des dépenses de sous-traitance auprès d'entreprises sans lien de dépendance avec le donneur d'ordre. Ceci devrait aider les PME qui n'ont pas les moyens d'avoir leur propre service de R&D.
Le plafond du crédit, enfin, qui passe de 8 à 10 millions d'euros, tandis que les entreprises nouvelles voient la durée de remboursement immédiat portée de 3 à 5 ans.


Un soin porté à la Recherche et à l'Innovation
Dans le domaine du capital-risque, les encouragements viennent de la prorogation, jusqu'au 31 décembre 2010, de la réduction d'impôt sur le revenu au titre de la souscription de parts de Fonds Communs de Placement dans l'Innovation.


La complexité et l'ampleur des nouvelles mesures fiscales doivent inciter à la plus extrême circonspection."

Afin, par ailleurs, d'encourager le développement des Sociétés Unipersonnelles d'Investissement (Sociétés par Action Simplifiées à Associé Unique, qui permettent à des "business angels" ou "investisseurs providentiels" d'investir dans de jeunes entreprises prometteuses), le seuil minimum de détention par la SUIR (Société Unipersonnelle d'Investissement à Risque) dans la filiale est supprimé, et le maximum est porté de 20 % à 30 %.

Ces mesures complètent celles adoptées par la loi de finances rectificative pour 2005. En effet, celle-ci :
d'une part, élargit et simplifie les conditions d'investissement indirect des Fonds Commun de Placement à Risques fiscaux et des Sociétés de capital-risque dans des sociétés cibles via des holdings,
d'autre part, permet à une Jeune Entreprise Innovante d'être décomptée dans le total des participations d'une autre JEI.


Un bouleversement de la fiscalité de la transmission d'entreprise
Dans ce domaine, les réformes sont profondes, même si leurs effets sont, pour certains, reportés en 2012.

Les plus-values sur cessions de valeurs mobilières des particuliers se voient appliquer un dispositif inspiré de celui applicable aux plus-values immobilières (abattement de 10 % par année de détention à compter de la sixième). L'abattement est d'un tiers par année de détention à compter de la sixième et s'applique au gain net des cessions au-delà du seuil traditionnel de 15.000 euros de cessions annuelles. C'est dire que les premières exonérations n'arriveront qu'en 2012. Le dispositif est toutefois d'application immédiate pour les cessions de titres réalisées par les dirigeants qui prennent leur retraite… à quelques conditions près. Ces conditions tiennent, en bref, à la qualité de dirigeant du cédant, à celle de l'entreprise et à l'effectivité définitive du départ. Des précisions sont attendues de l'administration.


Si le contribuable doit arbitrer vite, l'administration dispose, elle, de trois ans pour maîtriser ses mesures."

De plus, la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité dont la valeur n'excède pas 500.000 euros fait l'objet d'un dispositif qui succède, en s'en inspirant avec des différences qu'il conviendra de bien cerner, au fameux régime d'exonération des plus-values dit "Sarkozy". Mais sans pour autant en retenir le volet enregistrement. La cession d'éléments de son actif immobilisé par une entreprise assujettie à l'impôt sur le revenu (entreprise individuelle, EURL, SARL de famille par exemple) fait aussi l'objet d'un réaménagement. Par ailleurs, deux régimes spécifiques d'exonération sont créés : l'un au profit du cédant d'une entreprise individuelle "faisant valoir ses droits à la retraite", l'autre exonérant les seules plus-values à long terme sur les immeubles d'exploitation cédés par l'entreprise.

Pour finir : une précaution de mise
Ces régimes, complexes et s'articulant entre eux au gré d'opportunités et d'incompatibilités expresses ou de fait, requièrent une attention toute particulière au fond et une scrupuleuse méticulosité en la forme. Cela d'autant plus que de nombreuses zones d'obscurité demeurent et que des précisions n'interviendront probablement pas avant quelques mois. La complexité et l'ampleur des nouvelles mesures fiscales doivent, encore plus que d'habitude, inciter à la plus extrême circonspection. On risque, sinon, d'avoir de mauvaises surprises… Comme toujours, si le contribuable doit arbitrer rapidement, l'administration dispose, elle, de trois ans pour maîtriser ses mesures !

Parcours

Jean-François Pestureau est expert-comptable libéral, conseiller régional élu de l'Ordre de Paris en charge des relations avec les Commissions départementales des Impôts et conférencier du Club Fiscal du Conseil Supérieur de l'Ordre. Il est également chargé d'enseignement à Paris II Panthéon-Assas.

Formation :
DEA de Droit commercial approfondi (Paris I-Panthéon).
Diplômé de (et ancien Maître de conférences à) l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Diplôme d'Expertise comptable.
DEA de Philosophie générale (Paris I).

 


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