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ECONOMIE
 
26/07/2006

Jordan Beauclaire (Offshore Développement)
Des bienfaits des délocalisations

Le plus souvent montrées du doigt comme destructrices d'emplois dans les pays développés, les délocalisations peuvent aussi jouer un rôle positif sur l'économie. Retour sur leurs bénéfices à moyen terme.
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Offshore Développement
Au pays de Colbert, vouer les délocalisations d'entreprises aux gémonies, jeter en pâture à l'opinion publique les patrons "théoriciens de l'entreprise sans usine" est une posture qu'affectionne une large partie de la classe politique, avec d'un côté une improbable coalition de syndicats et autres mouvements alter mondialistes qui leur prêtent de la voix, et de l'autre, les médias, qui font chorus. Le charivari ainsi orchestré a pour finalité d'expliquer et de convaincre le bon peuple de ce que la désespérance de notre espace économique et social a une cause unique : la délocalisation, pensée et malicieusement mise en œuvre par des patrons voyous en quête de satiété démesurée. Et pourtant, il est aisé de vérifier que les délocalisations ont in fine, dans le pays qui délocalise, un impact positif sur son progrès économique et social.


Les exemples anglo-saxons
Les Etats-Unis, qui ont une longue tradition de délocalisation d'entreprises, servent de cadre d'analyse pertinent à de nombreux spécialistes, avec des conclusions fort éloquentes sur l'impact positif des délocalisations sur le développement économique du pays. D'après un document du Economic Policy Institute de Washington, publié en 2005 et portant sur une analyse des échanges commerciaux avec la Chine, les délocalisations vers l'empire du milieu ont détruit en quinze ans à peine 1,1 % des emplois en Amérique. Approximativement sur la même période, les importations de produits made in China, dont on comprend qu'elles ont été largement dynamisées par ces délocalisations, ont généré en retour, d'après un rapport du ministère du commerce américain publié l'an dernier, une économie de 460 milliards de dollars, richesse qui a été intégralement réintroduite dans l'économie locale. En outre, malgré une plus forte inclination des Américains pour les délocalisations, et d'après les données de l'OIT, le nombre d'emplois créés par an sur vingt ans dans ce pays n'a pas baissé et mieux, le chômage sur la même période suit une tendance baissière.


Aux Etats-Unis, les importations de produits made in China ont généré une économie de 460 milliards de dollars."

Il en est de même pour la Grande-Bretagne, pays où les délocalisations font partie, sans émoi ni affliction d'Etat, du quotidien des entreprises. D'après une étude de l'iFRAP (mai 2005, n°47), l'industrie manufacturière britannique a par exemple, malgré les délocalisations qui y sont courantes, connu des investissements en hausse de 2,5 % en 2004, dans un environnement européen globalement sinistré. En outre, l'emploi y a crû de 30 % en 20 ans et le taux de chômage y est inférieur de 50 % à la moyenne européenne. Fait encore plus marquant : selon l'OCDE cité par l'iFRAP dans le même document, le PIB de la France, qui était de 25 % supérieur à celui de la Grande-Bretagne dans les années 1970, lui était devenu inférieur de 9 % en 2002 !


La prise de conscience française

Ces réalités ne sont pas ignorées des autorités françaises ; un rapport du sénateur Grignon, désormais fort célèbre, soutient que les délocalisations ont un effet globalement bénéfique sur la croissance de l'économie nationale. Dans ce document, on peut lire que la délocalisation de certains produits manufacturés est "source d'enrichissement national puisqu'elle permet aux consommateurs d'acquérir des biens à meilleurs coûts et aux facteurs de production d'être utilisés à la création de biens et services ayant un plus fort contenu en valeur ajoutée. A cet égard, elle est un élément de compétitivité contribuant au renforcement de la puissance de divers secteurs industriels quand bien même ceux-ci auraient supprimé des emplois. Par ailleurs, les délocalisations sont également source d'enrichissement international dans la mesure où elles ouvrent aux pays en voie de développement des perspectives de croissance qui leur seraient interdites en l'absence de commerce mondial et, ce faisant, accroissent les potentialités commerciales des pays riches en permettant l'émergence de nouveaux marchés solvables." Précisons que ce développement de nouveaux marchés solvables est source d'opportunités commerciales pour nos entreprises et donc de création d'emplois en France.

Des analystes de l'Institut Français de Recherche Internationale (IFRI), et notamment Frédérique Sachwald, reprennent l'exemple des Etats-Unis pour illustrer les effets bénéfiques des délocalisations sur la croissance de l'économie. Ainsi, dans ce pays, au cours de la décennie 90, la baisse des coûts des produits (et services) informatiques importés a stimulé l'équipement des entreprises avec un effet de booster sur la compétitivité desdites entreprises et donc sur la croissance. Et on sait aujourd'hui à quel point le regain de dynamisme de l'économie américaine a été impulsé par les TIC.


Dégager du pouvoir d'achat

Il est incontestablement admis par tous que les délocalisations induisent en retour une baisse considérable des prix des produits et services importés. Cette baisse, comme nous l'avons déjà vu plus haut, génère des économies substantielles et même une nouvelle richesse réinjectée dans le circuit économique local, ce qui permet d'augmenter la consommation de produits ou services qui n'auraient pas été accessibles sans ce niveau de prix. L'une des conséquences immédiates de cette baisse des prix des produits importés est, il faut le souligner, l'amélioration du niveau de vie et du bien-être des populations concernées.


Les délocalisations permettent d'augmenter la consommation de produits ou services qui n'auraient pas été accessibles sinon."

C'est parce que nous achèterons des voitures, des ordinateurs et logiciels ainsi que d'autres biens de consommation courante moins chers, c'est parce que les coûts des renseignements et/ou de l'assistance téléphoniques nous sembleront plus abordables, que nous consacrerons une part plus importante de nos revenus à nos loisirs, à notre culture, à la formation de nos enfants, à l'entretien de notre milieu de vie et à nos soins de santé, en fait, à notre mieux-être et à notre développement total en tant qu'être humain. Faut-il le rappeler, ces services ne sont pas délocalisables et représentent déjà des milliers de création d'emplois, notamment pour ce qui concerne les services à la personne. D'après l'Institut des Services à la Personne (ISERP) justement, cette catégorie de services emploie à ce jour 1,2 million de personnes pour un chiffre d'affaires annuel de 23 milliards d'euros. Le plan Borloo de 2005, quant à lui, prévoyait sur ce marché une création de 500.000 emplois en trois ans d'après l'ISERP. Une estimation basse selon des professionnels du secteur.

Dans le même ordre d'idée, concernant par exemple les centres d'appels, les observateurs admettent qu'à ce jour seulement 6 % de l'emploi global du secteur a été délocalisé. Mais que n'a-t- on pas entendu ! D'ailleurs, une étude sectorielle actuellement en préparation nous permettra de démontrer l'impact de ces délocalisations sur les créations nettes d'emplois sur le territoire national et sur le regain de vitalité même de ce secteur en France. En définitive, il est temps d'admettre qu'une entreprise qui délocalise une partie de son activité dans le but de s'adapter aux conditions de la compétition, opère ainsi un acte de saine gestion sans lequel cette entreprise et ses emplois ne survivraient pas sur un marché de plus en plus concurrentiel.


Parcours

Jordan Beauclaire, 32 ans, est titulaire d'un Master of Science Marketing & Strategy. Il est directeur Conseil au cabinet Offshore Développement (Groupe OD Consortium). Il a également travaillé en Australie et au Cameroun dans le conseil en communication. Il a en outre dirigé ou assumé la responsabilité opérationnelle de divers centres de contacts en France, à l'île Maurice et au Sénégal. En tant que consultant formateur, il a mené de nombreuses missions en Inde et est à l'initiative d'un accord de partenariat inédit entre un centre d'appels offshore et l'Alliance Française. Manifestant un fort intérêt pour l'économie solidaire, il participe bénévolement au développement du commerce équitable dans le monde.


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