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ENTREPRISE
 
21/11/2006

Jean-Philippe Bozek (Paroles de patrons)
L'art de déléguer pour mieux diriger

Faciliter la transmission des pouvoirs dans une PME qui grandit s'avère essentiel. Mais pour le dirigeant, l'exercice est souvent difficile. Voici la marche à suivre pour relever ce défi.
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Paroles de patrons
Après une création réussie, les PME qui poursuivent leur développement sont confrontées au besoin de mettre en place une équipe de cadres auxquels le dirigeant délèguera progressivement une part de l'autorité. Cette étape cruciale est un virage très délicat à aborder. Pour la réussir et se préparer à une nouvelle phase de croissance, il est préférable que les principes fondateurs de l'entreprise, sa loi interne, ses règles de fonctionnement, ses objectifs du moment et sa culture soient clarifiés. Comment s'y prendre ?


Le dirigeant de PME incarne souvent la loi

Dans les petites et moyennes entreprises, j'observe souvent que le dirigeant incarne l'autorité et qu'il exerce un pouvoir absolu. C'est lui qui sait ce qui est bon ou mauvais et qui décide de ce qui est bien ou mal. Ensuite, chacun peut réfléchir de son côté pour apprécier si cette décision était judicieuse. Dans l'affirmative, le dirigeant sera respecté ou adulé. Dans le cas contraire, il sera décrié ou blâmé.


Négocier et fixer le cadre est une des conditions fondamentales qui permet l'autonomie.

En fait, tout se passe comme si le chef "incarnait la loi" au lieu de la faire simplement respecter. Une situation délicate qui conduit les collaborateurs à le mettre personnellement en cause au lieu de demander une révision des règles de fonctionnement de l'entreprise, ce qui serait plus facile à vivre par le dirigeant. Alors, comment installer une délégation efficace ? Comment soulager le dirigeant du poids de l'exercice de l'autorité et libérer l'énergie des collaborateurs ? Plusieurs étapes sont à respecter .


Expliciter les grands principes de la société
Il s'agit d'expliciter le plus tôt possible les grands principes qui régissent le fonctionnement de l'entreprise. Le B.A.BA, c'est l'élaboration d'une constitution. A l'image de celle d'un pays, celle-ci doit expliciter qui est l'entreprise, qui sont les personnes qui y travaillent (autrement dit, les conditions d'appartenance), quelle est sa mission (ou sa raison d'être), quelles sont ses valeurs fondamentales, par qui le pouvoir est exercé. Beaucoup de dirigeants se diront "à quoi bon ?".

Et pourtant, c'est ce travail qui leur permettra de prendre sereinement les grandes décisions et de les faire appliquer. Au-delà de la constitution, expliciter les règles donnera aussi de l'autonomie. Paradoxalement, l'autonomie n'a de sens que dans un cadre donné. Négocier et fixer le cadre est donc une des conditions fondamentales qui permet l'autonomie. En particulier, il faut expliciter les règles de sanctions positives et négatives. Ce travail nécessite parfois une réflexion préalable du chef d'entreprise qui n'a pas toujours conscience de ses propres motivations d'entrepreneur.


Définir l'objectif et clarifier la culture de l'entreprise
Vient ensuite la question de l'objectif. Non pas celui fixé par le chef à chaque collaborateur lors de l'entretien annuel, mais le but qui est poursuivi par toute l'organisation. Par exemple : "être leader sur notre marché", "améliorer de 10 % la satisfaction de nos clients", "baisser nos coûts de 5 %" ou "porter l'indice qualité à de 96 à 98 %". Cet objectif doit concerner tous les collaborateurs, être compatible avec les principes et être en lien avec l'élément stratégique de l'entreprise, que ce soit sa principale menace ou sa principale opportunité.


Un nouveau collaborateur ne réussira à fonctionner efficacement que si sa propre culture est compatible avec celle de l'entreprise."

Enfin, clarifier la culture de l'entreprise, notamment les savoir-être et les savoir-faire autorisés ou interdits, facilitera grandement les processus de recrutement. Les qualités professionnelles et les compétences ne sont pas suffisantes pour qu'un nouveau collaborateur atteigne la performance. Il ne réussira à fonctionner efficacement que si sa propre culture est compatible avec celle de l'entreprise.


Le recentrage du dirigeant sur ses véritables attributions
Les dirigeants qui s'engagent dans une telle démarche de clarification du "canon" y trouveront plusieurs avantages importants :

La conduite de l'entreprise sera plus légère. Ils pourront facilement déléguer une partie de leur pouvoir en demandant à un cadre de garantir le fonctionnement de telle ou telle partie. Ils pourront "lever la tête du guidon".

Ils ne seront plus mis en cause personnellement (syndrome de l'échafaud) si le système légal doit être réformé.

Enfin, ils pourront se consacrer à leurs tâches fondamentales :
1. Protéger l'organisation de toute menace extérieure qui pourrait survenir. N'oublions pas qu'en cas de danger, son rôle est d'alerter et de mobiliser toute l'entreprise pour y faire face.
2. Impulser l'innovation et le changement. Sur la base d'une constitution stable, tout le reste de l'entreprise, y compris jusqu'à son métier doit pouvoir changer si l'environnement le nécessite. Le dirigeant doit sans cesse stimuler ses équipes pour qu'elles adaptent tous les rouages pour satisfaire à la fois ses principes de base (sa constitution) et les exigences de son environnement (marché, matières premières, législation, réglementation...).
3. Permettre à l'organisation et à chacun de ses membres de grandir, de se former, de changer, d'évoluer. Pour cela, il doit veiller à ce que rien ne vienne entraver les possibilités individuelles et collectives de changement, sauf si elles s'opposent aux principes fondateurs ou aux exigences externes. Permettre, c'est aussi fournir les moyens. Le dirigeant est le garant de la disponibilité des moyens. C'est notamment à ce titre qu'il est en droit d'exiger que l'entreprise dégage des profits.
4. Auditer en permanence l'entreprise pour en déceler ses forces et ses faiblesses. Il pourra alors féliciter ses équipes pour les forces qu'elles ont su développer ou maintenir et leur demander de travailler à transformer leurs faiblesses en points forts.


Un processus étalé dans le temps
Nous voyons donc combien le leadership est à la fois lié et séparé de la loi et de la culture. Lorsque les trois sont confondus, comme c'est souvent le cas, le dirigeant est trop sollicité et en usant inconsciemment d'un pouvoir arbitraire, il ne protège pas l'entreprise d'une erreur qui pourrait la mettre en danger. Il perd la disponibilité indispensable à l'accomplissement de ses fonctions essentielles.

Faut-il s'engager dans une telle démarche toute affaire cessante ? Non. L'entreprise a vécu jusque ici sans. Elle peut continuer encore quelque temps. C'est davantage une démarche de fond, qui peut être travaillée au fil du temps. Une part de remise en question peut s'avérer nécessaire pour mener une telle démarche à bien. Mais peut-être êtes-vous prêt et vous demandez-vous "Comment faire ?". La réponse est simple mais le processus est complexe. Il s'agit de saisir chaque opportunité d'avancer sur le chemin de la clarification des principes d'autorité pour devenir progressivement un leader porteur de sens.

Ce travail prendra selon les cas quelques mois ou quelques années. Bien fait, il donnera à l'entreprise une vision qui la conduira de nombreuses années. Surtout, il préparera et facilitera la succession à la tête de l'organisation.


Parcours

Chef d'entreprise à l'âge de 28 ans, Jean-Philippe Bozek a été à la tête d'une entreprise en très forte croissance pendant 10 ans. Il possède une importante expérience pratique et théorique de la création d'entreprise et des fusions-acquisitions. Formé à l'analyse transactionnelle et au coaching depuis près de dix ans, il est titulaire d'un DESS Entrepreneuriat et Innovation. Expert de la théorie des organisations de Berne, ses derniers travaux portent sur le cadre propice à la croissance des entreprises et les différents schémas de transmission du leadership.


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