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ECONOMIE
 
30/01/2007

Reach risque de coûter plusieurs milliards d'euros par an à la France

La réglementation européenne Reach entrera en vigueur le 1er juin 2007. Elle va imposer aux industriels de tester la toxicité de 30.000 substances chimiques qu'ils utilisent, d'ici 2018. Le tout à leur charge. Explications.
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La réglementation européenne Reach - Registration, Evaluation and Authorisation of CHemicals - a été adoptée par le Parlement européen le 13 décembre 2006 et entrera en vigueur le 1er juin 2007. Elle vise à contrôler la toxicité de plus de 30.000 substances ou composés chimiques sur les 100.000 existants dans l'Union Européenne, qu'ils soient produits ou importés. En clair, il s'agit d'un enregistrement obligatoire à effectuer d'ici 2018, à la charge des fabricants et importateurs. Une réglementation tout à fait louable qui aura forcément un impact sur les entreprises industrielles.


Un chantier titanesque
L'objectif de Reach est de mieux connaître les substances employées par l'industrie ainsi que les risques sanitaires et environnementaux liés à leur usage. Auparavant, seules les substances chimiques mises sur le marché après 1981 faisaient l'objet d'un contrôle, soit 3.700 environ depuis 25 ans.

L'industrie chimique en France
(Chiffres 2004)

- CA : 94 milliards d'euros
- 1.200 entreprises de plus de 20 salariés
- 1.500 TPE
- 90 % des entreprises sont des PME de moins de 250 salariés
- Effectif : 240.000 personnes

Avec Reach, les 30.000 substances seront soumises à enregistrement, à autorisation voire à restrictions pour les plus dangereuses. Pour cet enregistrement, "les entreprises devront élaborer des dossiers comportant des informations relatives à l'identité de la substance, à ses propriétés toxicologiques et éco toxicologiques, aux risques que comportent spécifiquement chacun de ses usages, etc.", explique Catherine Lequime, responsable Reach à l'Union des Industries Chimiques (UIC). Des données qui vont requérir des études et tests, notamment sur leurs effets à moyen et long termes.

Attention, dans certains cas, l'autorisation donnée sera limitée dans la durée et spécifique à chaque utilisation et non à la substance elle-même. Pour les substances non autorisées, les industriels devront trouver des solutions de substitution et prouver qu'elles sont valables.


Un enregistrement forcé orchestré sur onze ans
Reach s'appuie sur un calendrier assez strict auquel il sera difficile de déroger. Tout d'abord, entre 12 et 18 mois après l'entrée en vigueur de Reach, les entreprises devront se soumettre à une obligation de pré enregistrement des substances existantes (nom et coordonnées de l'entreprise, estimation des volumes des substances produites ou importées). Ceci leur permettra d'obtenir un délai pour l'enregistrement définitif qui s'étalera au plus sur onze ans. "Sans ce pré enregistrement, la substance sera considérée comme nouvelle et devra être enregistrée comme telle, c'est-à-dire immédiatement", prévient Catherine Lequime.

Le calendrier Reach :
Juin 2007 : entrée en vigueur de Reach
Entre juin 2007 et décembre 2008 : pré enregistrement obligatoire ouvrant droit à un délai pour l'enregistrement définitif suivant le tonnage (Voir tableau ci-dessous).
2018 : Clôture de l'enregistrement définitif

Sites
 BERPC
 UIC
 Ministère de l'écologie et du développement durable

Le pré enregistrement donne accès à des forums pour mettre en commun les résultats des tests. Selon Catherine Lequime, "si par exemple les données résultant d'essais sur animaux ne sont pas partagées par les entreprises, l'enregistrement ne sera pas possible, ce qui provoquera l'arrêt de la production." On l'aura compris, le partage d'information est obligatoire.


Le coût pour les entreprises
Le coût de Reach va fortement varier d'une entreprise à l'autre. Selon les estimations de Mercer Management Consulting établies en avril 2004 suite à la proposition de réglementation du 29 octobre 2003, le coût d'enregistrement (1) devrait avoisiner les 800 millions d'euros pour la France au global. Pour les entreprises, il pourrait varier de 0,05 % à 10 % de leur chiffre d'affaires suivant les tonnages produits ou importés. Ces chiffres, non remis à jour depuis, sont une indication des retombées potentielles sur l'industrie. Mais c'est surtout en matière de coûts induits - pertes ou arrêts de production, coûts d'exploitation supérieurs, délocalisations, etc. - que les chiffres explosent. Selon le cabinet d'études - offrant l'une des estimations les plus alarmistes - cela pourrait provoquer une perte annuelle de 28 milliards d'euros sur les dix prochaines années pour l'ensemble de l'économie française et détruirait même 360.000 emplois.

De son côté, Catherine Lequime de l'UIC estime que "tous les secteurs industriels vont ressentir l'impact de Reach, pas uniquement celui de la chimie". En effet, ce ne sont pas seulement les substances qui sont concernées par ce contrôle, mais aussi les préparations qui les prennent pour base.

Admettons par exemple que la production d'une substance cesse soit pour son coût trop élevé d'enregistrement, soit à cause de son caractère dangereux. Le fabricant utilisant cette substance va devoir en trouver une autre de substitution et redéfinir ses formulations, ses propres produits, avec études à l'appui. Des coûts supplémentaires seront inévitablement engendrés. C'est l'effet domino. Selon Mercer Management Consulting, les secteurs aval les plus concernés seraient les plastiques, les composants électroniques, la métallurgie, les fabricants de pièces automobile et le textile. On peut alors s'attendre à des mutations au sein de l'industrie, notamment en ce qui concerne les PME.


Les structures d'accompagnement
Une agence des produits chimiques sera créée en 2008 à Helsinki en Finlande pour coordonner et gérer Reach au niveau européen. En France, c'est le Bureau d'évaluation des risques des produits et des agents chimiques (BERPC) qui aura la charge de l'expertise scientifique. Côté accompagnement des entreprises, le Ministère de l'Industrie et l'Union des Industries Chimiques ont débuté en 2006 une action de sensibilisation qui devrait toucher, dans un premier temps, 800 PME. Dès le premier trimestre 2007, l'Etat mettra en place un service national d'assistance technique nommé Helpdesk, qui sera géré par le BERPC.


Les conseils pour se préparer
Pour se préparer, "les entreprises peuvent commencer par faire un inventaire des produits qu'elles utilisent", conseille Catherine Lequime. Pour chaque substance, il faudra alors déterminer son statut par rapport à Reach (volumes annuels, dangerosité), vérifier si l'entreprise est utilisatrice ou importatrice… Cela leur permettra d'anticiper les changements, de savoir quelles sont les substances critiques et les délais d'enregistrement auxquels elles auront droit.


Délais d'enregistrement des substances après pré enregistrement

Catégorie (en fonction du tonnage fabriqué ou importé par an)

Délais pour l'enregistrement
Estimation du nombre de substances
> 1.000 t/an
3 ans et demie
2.300
CMR 1&2* > 1 t/an
850
R50/53* > 100 t/an
NC
> 100 t/an
6 ans
2.500
> 10 t/an
11 ans
Environ 5.000
> 1 t/an
Environ 20.000

*CMR : Substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégorie 1 et 2.
*R50/53 : Substances classées comme très toxiques pour les organismes aquatiques, pouvant entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement aquatique.



(1) Le coût d'enregistrement = (coûts des tests - coût des tests déjà réalisés + 15 % coûts administratifs) x partage des coûts.


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