Vers un barème des indemnités plaçant le débat judiciaire exclusivement sur le bien fondé de la cause du licenciement

Actuellement, un salarié travaillant depuis plus de deux ans dans une entreprise de plus de 11 salariés dont le licenciement a été déclaré sans cause réelle ou sérieuse peut obtenir, au minimum, 6 mois de salaire. Mais la loi Macron pourrait faire changer les choses.

En prenant exemple sur des pays tels que l'Espagne ou la Suède, la loi Macron pourrait faire changer les choses. Elle vise à créer un montant minimum et maximum d'indemnités de licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Ces planchers et plafonds seraient déterminés en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise. Par cet encadrement des condamnations, on pourrait se demander si la justice prud’homale ne va pas se diriger à terme vers un réel barème pour calculer les condamnations. Par exemple, les juges prud’homaux pourraient, en cas de licenciement abusif,  majorer d’un mois les indemnités pour un salarié dont l’âge est situé entre 30 et 40 ans ou encore rajouter deux mois car le salarié n’a pas encore retrouvé d’emploi etc. Cette réforme permettrait ainsi d’harmoniser le montant des condamnations, ceux-ci pouvant actuellement varier entre les différents conseils de prud’hommes ; néanmoins, cette fixation forfaitaire du préjudice pourrait avoir pour effet de placer le débat judiciaire exclusivement sur le terrain du bien fondé de la cause du licenciement, le débat sur celui du préjudice disparaissant de facto. Ce calcul scientifique, bien que vertueux sur le plan des prévisions, semblerait néanmoins peu pertinent pour des situations qui demeurent avant tout humaines et ne se ressemblent pas.

Quel coût pour l’entreprise ?

La mise en  place de ces minima et plafonds devrait permettre aux entreprises de mieux prévoir le risque financier d’un contentieux avec un salarié. Ce plafond, dans certains cas, serait d’ailleurs plus favorable aux entreprises. Par exemple, dans l’hypothèse d’un salarié ayant 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de moins de 20 salariés, celui-ci ne pourrait toucher au maximum que 6 mois de salaire en cas de licenciement abusif, tandis qu’aujourd’hui, il obtiendrait au minimum cette même somme. Néanmoins, le plafond pourrait s’avérer beaucoup plus élevé pour les entreprises de plus de 300 salariés. En effet, le plafond atteindrait jusqu’à vingt sept mois d’indemnité pour un salarié ayant plus de dix années d’ancienneté. Cette réforme devrait donc être beaucoup plus bénéfique aux petites et moyennes entreprises que pour les grandes entreprises.

-    Allons-nous assister à une augmentation massive des demandes fondées sur le harcèlement moral ou la discrimination ?

Le projet de loi Macron introduirait certaines exceptions au barème dans lesquelles celui-ci ne s’appliquerait pas, notamment dans les cas de harcèlement moral ou sexuel, licenciement discriminatoire, violation du statut protecteur des salariés protégés etc. Les juges retrouveraient alors leur entier pouvoir souverain dans la fixation de l’indemnité sans cause réelle ou sérieuse. Ainsi, les salariés risquent de vouloir compléter la contestation de leur licenciement par des demandes liées à ces exceptions pour effacer le plafond d’indemnités. Il pourrait en résulter une augmentation significative des demandes de condamnation pour harcèlement ou discrimination. Dés lors, le danger viendrait que la qualification de ces exceptions soit excessivement retenue, le juges prud’homaux retrouvant ainsi leur pouvoir souverain plus facilement.

Cependant, cette réforme qui vise à sécuriser les actions en contestations des licenciements laisse subsister certaines interrogations. Tout d’abord, le projet de loi ne précise pas le champ d’appréciation de l’effectif. Faudra t’il considérer l’appartenance à l’ensemble du groupe ou bien seulement à la filiale concernée? Par ailleurs, le Conseil constitutionnel décidera t’il que le plafonnement des indemnités est conforme avec le principe de réparation intégrale du préjudice ?