Ces entreprises qui se mêlent de santé

Au sein de l'agence de santé grand public, Protéines, qu'ils ont fondée il y a vingt ans Jean-Michel Gilibert et Christophe Thomassin ont vu évoluer le comportement des entreprises en matière de santé. Ils font le constat que la notion de santé même a, pendant cette période, profondément changé. Pour le premier, "avant, la santé se définissait en creux : être en bonne santé, c'était ne pas être malade. Aujourd'hui, les gens peuvent agir pour leur santé. Ce n'est plus uniquement une histoire de médicament et de médecine. C'est une aspiration positive."

Quel rôle doit avoir l'entreprise dans tout ça ? Un rôle encore à définir, probablement, mais un rôle indéniable, puisque d'après une enquête Protéines/BVA, 70 % des gens se déclarent satisfaits que les entreprises se mêlent de santé.

Que ce soit en termes de conception du produit ou du service, de marketing ou d'image de marque, l'entreprise a certes beaucoup à faire autour de la notion de santé vis-à-vis de ses clients. Mais de ses salariés aussi. Christophe Thomassin explique ainsi : "La santé est une aspiration très forte. C'est donc une opportunité pour l'entreprise de créer une dynamique", en contribuant à la bonne santé des salariés d'une part, en forgeant sa marque employeur d'autre part. "Et en filigrane, c'est pour les DRH une façon d'aborder les questions de maladie ou encore d'absentéisme. Certains maux ne sont pas des pathologies mais sont liés à l'hygiène de vie… et l'entreprise y peut quelque chose", renchérit Jean-Michel Gilibert.

En quoi les entreprises sont-elles compétentes en matière de santé ? Comme le souligne Christophe Thomassin, "chacun doit rester à sa place". Mais d'après Jean-Michel Gilibert, "les gens savent ce qu'ils faut faire, mais pas comment le faire. Or l'entreprise est un endroit où l'on peut faire de la pédagogie et donner des outils pour réussir sa démarche santé. Par exemple, mettre en place un dispositif d'accompagnement d'arrêt du tabac. Placer une corbeille de fruits à l'accueil. Encourager l'activité sportive. Voir en faire bénéficier les familles des salariés. "

Dans quelques entreprises pionnières, des programmes très complets

Certaines entreprises se sont déjà bien approprié la question. Si pour beaucoup d'entre elles, cela ne se sait pas, plusieurs groupes mènent des actions plus visibles.

Par exemple, la démarche d'Axa est manifestement très construite. Antoinette Prost, qui y occupe les fonctions de directrice du développement durable, explique la position de l'assureur : "La prévention, l'analyse des corrélations entre comportements et pathologies, tout cela c'est notre cœur de métier. Nous y avons une légitimité professionnelle. Nous voyons bien, par exemple, les conséquences néfastes de certaines pratiques alimentaires. Ce qui veut dire que nous avons le désir de faire évoluer ces pratiques à risques. En outre, en tant que gros employeur, puisque nous avons 16.000 salariés, nous pensons que nous avons une certaine responsabilité vis-à-vis de chacun d'eux et de leur santé." D'où le programme maison de sensibilisation et d'information, baptisé "Mieux-vivre".

Mais certains groupes ne s'arrêtent pas en si bon chemin. "Avec son programme Santal Plus, Peugeot est certainement un pionnier en matière de santé", note Jean-Michel Gilibert. Coaching sur Internet, prévention des pathologies liées ou travail ou pas, surveillance de la qualité de l'air, prévention des lombalgies, check-up des cadres… "le constructeur a mis en place toute une kyrielle d'actions touchant à la vie au quotidien".

Dernier exemple, celui de Veolia Environnement, qui mène de nombreuses actions auprès de ses effectifs. Bruno de Buzonnière, directeur santé du groupe, en détaille quelques unes : "Dans notre siège, nous avons mis à la disposition de nos collaborateurs un relais santé dans lequel ils peuvent trouver des conseils pour les aider à résoudre les déséquilibres alimentaires, les troubles du sommeil, les addictions, la gestion de leur stress. Au Gabon, un programme de prévention, dépistage et prise en charge du Sida auprès des salariés et de leurs familles est en cours. Dans les filiales de transport public, nous aidons les conducteurs qui opèrent dans les quartiers difficiles à mieux lutter contre le stress."

Facile d'en faire autant lorsqu'on en a les moyens ? Pour Jean-Michel Gilibert, avoir une démarche santé est, grâce à l'e-learning, tout à fait à la portée des PME. D'autant que ces démarches, suscitant l'intérêt de la médecine du travail, peuvent parfaitement être menées en collaboration avec elle : "Les médecins du travail peuvent se mettre à donner des conseils qui dépassent leurs attributions de base". A condition, répète Christophe Thomassin, que chacun reste à sa place. Le maître mot.

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