Jacques Adoue (DRH, Capgemini) "Nous devrions recruter plus qu'annoncé"

Suite à une crise survenue après une année 2008 particulièrement faste pour les SSII, le DRH de Capgemini détaille les politiques qu'il a dû mettre en place, et les nombreux profils qui lui manquent aujourd'hui.

JDNSolutions. Comment la crise a-t-elle impacté vos recrutements ?

Jacques Adoue. Même s'il fut moins important que d'autres années, nous avons maintenu un gros volume d'embauches pendant la crise, y compris en faveur des jeunes diplômés ou de nos stagiaires. Nous avons aussi développé des recrutements à partir de nouveaux viviers, comme l'apprentissage ou l'alternance, ce qui contrebalance ceux effectués en faveur des diplômés des grandes écoles. En deux ans, nous avons fait appel à 1 000 jeunes issus de l'alternance.

"Nous avons mis en place des cellules managériales, dont le but était de développer et d'optimiser la mobilité interne."

Votre politique de management a dû, elle aussi, être impactée.

Le nombre de nos salariés en intercontrats a augmenté en même temps que ces périodes se sont rallongées. Cela posait donc plus de problèmes que d'habitude.

Pour y remédier, nous avons mis en place des cellules managériales, dont le but était de développer et d'optimiser la mobilité interne. Il ne s'agissait évidemment pas de faire faire le Tour de France à nos employés. La zone couverte a juste parfois été élargie : par exemple, suite à un projet SAP à Marseille, une même équipe pouvait ainsi s'occuper, à distance et en se rendant parfois sur place, d'un projet similaire à Nice.

Quant à la formation, elle représente 4% de notre masse salariale. Nous n'avons pas réduit cet effort, ce qui est normal dans notre secteur qui doit suivre de près les évolutions des technologies. Crise ou pas crise, les périodes d'intercontrats ont toujours été propices pour améliorer les compétences de nos collaborateurs. Mais en 2009, nous y avons été plus attentifs. Ajouté aux recrutements, cette période nous a finalement permis de nous renforcer dans certains domaines.

Cela semble aller mieux depuis quelques mois, et vous avez fait savoir que vous cherchiez à embaucher pas moins de 2 700 personnes. Quels profils vous intéressent ?

Il faut rester prudent. Sans être un rebond exceptionnel, il y a en effet eu une amélioration au 2e semestre 2009, et on espère que le pire est derrière. Nous avons en tout cas fait le pari de la croissance et adopté une politique volontariste.

Les débutants et les faux débutants, déjà forts d'une expérience, représenteront 40% des recrutements que nous allons faire cette année. Nous sommes à la recherche de jeunes diplômés, ayant une tête bien faite, issus des écoles d'ingénieur ou plus rarement d'école de commerce. Nous nous intéressons aussi aux diplômés d'université, bac +4 ou +5, d'une part parce que les écoles ne suffisent pas à satisfaire toute la demande et ensuite, car je n'aime pas contribuer à renforcer la segmentation caricaturale école/université, ces dernières se battant parfois pour avoir des formations d'excellence.

"Près du tiers de nos recrutements cette année concerneront des personnes confirmées avec entre 2 et 5 ans d'expérience."

Pour ces profils, nous sommes toujours attentifs aux stages qu'ils ont effectués, et qui sont souvent leur première expérience professionnelle. Leur nature sera déterminante. J'en profite pour préciser que nous avons fait signer un CDI à 90% de nos stagiaires, qui sont plus de 500 actuellement chez nous.

Ensuite, l'informatique est un secteur de plus en plus globalisé, et comme beaucoup de nos projets, surtout dans les télécoms, sont souvent internationaux, il faut impérativement être prêt pour ces défis et réellement maîtriser au moins l'anglais, même si nous pouvons aussi aider à améliorer les compétences linguistiques de nos employés.

Nous avons aussi fait connaître les profils précis que nous cherchons. Côté ERP, Capgemini recherche des compétences sur les systèmes de SAP, Peoplesoft, Oracle e-Business suite ou encore HR Access. Nous manquons aussi de consultants spécialisés en Java/J2EE,  en .NET mais aussi en Open Source. Enfin, nous recrutons aussi actuellement des assistants à la maîtrise d'ouvrage, des consultant architectes, des chefs et directeurs de projet.
Près du tiers de nos recrutements cette année concerneront des personnes confirmées avec entre 2 et 5 ans d'expérience.



Comment se déroule la campagne de recrutement que vous avez lancée récemment ?  Trouvez-vous tous les profils souhaités ?

Nous sommes en train de traiter les CV que nous avons reçus. Il  faudra encore attendre un peu, car l'été est une période charnière, souvent chargée pour les recrutements mais aussi pour le booking de certains projets de déploiement de système d'information. Ensuite, à l'automne, les sociétés, Capgemini comme ses clients, auront une meilleure visibilité sur les chiffres d'affaires, ce qui déterminera aussi les projets pour 2011. Le nombre de recrutements que nous allons faire cette année sera donc peut-être même plus important que celui que nous avons initialement annoncé.

"Plus de la moitié de nos recrutements concerneront la Province"

Avez-vous été tenté de plus recruter en Province qu'à Paris, pour des raisons de coûts ?

Capgemini est présent sur tout le territoire, et maintient ce maillage. Plus de la moitié de nos recrutements, peut-être 55%, concerneront la Province. Nous avons de gros besoins dans de nombreuses villes de Province : Nantes, Toulouse, Rennes, Lille, Lyon, dans l'Est, entre autres, avec parfois des compétences plus sollicitées que d'autres (aéronautique à Toulouse par exemple). Nous n'avons pas découvert toutes ces villes avec la crise.

Quelles perspectives de carrière ont vos employés ?

Outre sa performance, la progression d'un collaborateur repose aussi sur sa capacité à bouger et à faire preuve de mobilité. Les managers devront évidemment faire preuve de capacité de leadership et savoir gérer et coordonner restera essentiel pour la gestion de projets. Nos évaluation annuelles sont collaboratives et visent à développer la promotion interne : nos cadres sont plus rarement recrutés à l'extérieur. Nous avons à ce titre mis en place le programme de développement professionnel WayWeWork, qui donne la possibilité de construire sa carrière et d'acquérir des compétences fondamentales pour diverses fonctions : gestion de projet, architecture, expertise fonctionnelle.

Quels sont vos prochains défis ?

Il faut d'abord que notre vaste campagne de recrutement nous permette de trouver les bons profils ! Ensuite, nous conduisons actuellement une politique pour améliorer la diversité, par exemple en recrutant des universitaires sans diplôme d'informatique, comme nous sommes en train de le faire, pour l'instant assez modestement, avec le réseau d'entreprise Nos Quartiers Ont Des Talent et l'université Paris XIII.
Je vais aussi travailler à la diffusion des compétences, car trois générations distinctes de salariés vont désormais devoir travailler ensemble. C'est un défi contemporain très important. 


Jacques Adoue occupe la fonction de directeur des ressources humaines France chez Capgemini depuis 2009. Après avoir commencé comme consultant, il entre chez Porcher Distributionen comme DRH en 1993, puis entre 1997 et 2000 prend en charge les ressources humaines et la communication interne pour l'Europe du Sud chez Virgin Stores. Il sera directeur délégué des ressources humaines France de SFR jusqu'en 2006, année où il intègre du groupe Accor comme DRH France.