Quand la CNIL fait disparaître les internautes des radars

Avec le landing rate, c'est tout un écosystème publicitaire, pourtant indispensable à la survie des contenus Web, qui se retrouve déstabilisé.

Un acronyme fait parler de lui depuis quelques mois déjà, le LR pour Landing Rate ou, en français, taux d'arrivée sur site. Et si tout le monde en parle, c'est parce qu'une nouvelle réglementation de la CNIL autour de la protection des données personnelles est en train, ni plus ni moins, de le fausser. 

Le Landing Rate : indispensable et désormais menacé

Le LR est le ratio entre le nombre d’internautes effectivement arrivés sur votre site versus le nombre de clics que vos annonces ont généré. Cet indicateur doit absolument être regardé et suivi, car, dans le monde d’avant - avant la perte des cookies, l’arrivée du RGPD ou des plateformes de gestion des consentements -, c’est lui qui faisait le lien entre les KPIs côté régies (Google Ads, Facebook, Ads Programmatic) et ceux côté sites (sessions, taux de rebond et de conversion, temps passé sur une page, etc.).

Ceux qui ne suivaient pas cet indicateur pouvaient penser, à tort, que tous les clics générés par une annonce se transformaient instantanément en visites sur Google Analytics. Or, des miss clics, des tags mal posés, des temps de chargement trop longs, peuvent induire un landing rate plus faible. En effet, si un internaute sort du site avant que le tag ne se déclenche, son passage n’est pas mesuré !

En mai 2018, le LR était une première fois bousculé par l’arrivée des bandeaux de consentement aux cookies dans le cadre de la réglementation autour de la protection des données personnelles. À partir du moment où l’internaute refuse les cookies lors de sa navigation sur le site, aucune de ses actions n’est enregistrée, il disparaît purement et simplement des radars de Google Analytics. Mais le coup de grâce a été porté le 1er avril dernier, lorsque la CNIL est passée à la vitesse supérieure en obligeant les sites à disposer le bandeau « Je refuse les cookies » au même niveau que celui de « J’accepte les cookies ». Dès lors, rien de plus simple pour l’internaute que de se rendre invisible.

Un seul indicateur vous manque et tout est chamboulé

Conséquence immédiate de cette décision, le fameux taux d’arrivée sur site a plongé en avril, entre -20 et -70 % selon les leviers (SEA, Social Media et programmatique). Autant dire que certaines entreprises ont été surprises de constater que le nombre de visites sur leur site avait chuté de moitié du jour au lendemain. Ainsi, sous couvert de protéger les internautes, la CNIL vient en réalité de porter un coup très dur à une industrie qui pèse plusieurs milliards d’euros avec, en prime un retour dans le passé, à l’époque des compteurs de visites.

Clairement, les éditeurs de contenu qui vivent de la publicité ciblée et de la qualité de la donnée qu’ils proposent aux annonceurs sont les grands perdants de cette réglementation. Certes, la riposte s’organise, mais elle est loin d’être à la hauteur. Des régies comme Webedia indiquent par exemple à l’internaute qu’il a le choix entre accepter de partager ses données ou payer 2 € s’il souhaite accéder au contenu de ses sites. Or, on sait pertinemment que si l’internaute doit sortir son porte-monnaie, il ira chercher l’information ailleurs.

Mais les éditeurs de contenu ne sont pas les seuls perdants de l’histoire. Les internautes eux aussi se retrouvent confrontés à une navigation semée de bandeaux, qui finit par gâcher leur expérience. Quant aux agences média, comment justifier auprès des annonceurs l’investissement dans des campagnes digitales lorsque les résultats dépendent d’un indicateur tronqué de moitié !

Une décision incompréhensible qui annonce un retour en arrière

Tout n’est cependant pas tout noir. Des solutions existent comme utiliser les outils de Web analyse dont AT Internet ou Matomo, agréés par la CNIL, qui passent la barrière du refus de cookies, car ils ne captent pas de données personnelles. Toutefois, leur mise en place implique un profond changement de méthodologie chez les annonceurs et les moins agiles seront pénalisés.

Cette nouvelle épine plantée dans le pied des acteurs du Web nous interroge sur le niveau de connaissance de l’écosystème digital des personnes qui votent ces réglementations. Certes, l’intention est noble, mais elle finit par desservir ceux-là mêmes pour lesquelles elle a été imposée.

Oui, le Web doit changer et s’améliorer à bien des égards. Toutefois, si c’est pour revenir dans un monde de publicités non ciblées, ce sont au final les internautes qui auront tout perdu. Notre conviction est que la publicité ciblée doit rester le socle des stratégies marketing. Il est nécessaire de créer des synergies entre les différents leviers d’acquisition et d’accompagner l’internaute dans sa navigation, en utilisant pour cela des KPI unifiés. Il faut cesser d’exposer un internaute à un contenu publicitaire s’il n’a aucun intérêt pour notre marque ou notre produit. Seulement, pour cela, les indicateurs comme le LR sont fondamentaux !