Cloud : vers un marché de près de 300 milliards de dollars en 2020
Le Gartner table sur 266 milliards et Forrester sur 299. Alors qu'un mouvement de consolidation se profile, il est probable que Google ouvre une région cloud en France dans les mois qui viennent.
Le marché mondial du cloud pourrait flirter avec les 300 milliards de dollars sur 2020 si l'on en croit les prédictions de l'institut d'analyse Forrester. Le cabinet américain table plus précisément sur un revenu de 299,4 milliards de dollars cette année en incluant les créneaux des applications cloud (SaaS), des plateformes cloud de développement et data (PaaS) et le cloud d'infrastructure (IaaS). Quant au Gartner, il part lui sur une estimation de 266,4 milliards de dollars, contre 227,8 milliards de dollars en 2019.
Pour le Gartner, le cloud figurera (et ce n'est pas une surprise) parmi les trois principaux domaines d'investissement des CIO en 2020 aux côtés de l'analytics et de la modernisation d'applications. Comme Forrester, le Gartner constate que les DSI s'orientent désormais en grande majorité vers des stratégies cloud-first, consistant à opter, par défaut, vers une offre cloud dès que possible.
IaaS : la croissance la plus forte
Le SaaS demeurera le segment le plus massif en 2020. Toujours selon le Gartner, il devrait représenter 116 milliards de dollars sur l'ensemble de l'année, en progression de 16,5% comparé à 2019. En seconde position, le IaaS devrait bénéficier, lui, de la croissance annuelle la plus forte. De +24% d'après le Gartner, elle le hisserait à pas moins de 50 milliards de dollars. Avec une progression, légèrement plus faible, estimée à 23% par le cabinet, le PaaS pourrait tendre de son côté vers un CA global de 40 milliards sur les 12 prochains mois.
Sur 2020, il est fort à parier que l'offre Azure de Microsoft poursuive sa montée en puissance. Au troisième trimestre 2019, Redmond s'approche des 20% de parts de marché, contre un peu moins de 15% sur la même période en 2018, selon Synergy Research. Quant à Amazon Web Services (AWS), il demeure certes numéro 1 du domaine, mais son taux de pénétration stagne sous la barre des 40% (voir le graphique ci-dessus). Pour contrer Microsoft et retrouver le chemin de la croissance, AWS pourrait réduire ses tarifs cette année, selon le cabinet d'analyse financière Oppenheimer & Co. Derrière, Google et Alibaba restent pour le moment en deçà des 10% de part de marché.
Vers une consolidation massive du marché
Qu'en est-il des autres acteurs ? "Certains enregistrent un rythme de croissance raisonnable, mais pris globalement ils continuent à perdre du terrain", résume John Dinsdale, chief analyst chez Synergy Research. "En dehors de positionnements verticaux ou géographiques précis, le cloud est un environnement où l'empreinte mondiale et la capacité à industrialiser les opérations IT à grande échelle représentent des avantages compétitifs clés." Du coup, le ticket d'entrée est élevé pour se faire une place. Partant de ce constat, un mouvement de consolidation massif pourrait bel et bien s'amorcer, au détriment des providers de cloud ou d'hébergement n'ayant pas atteint la taille critique pour survivre.
Les spécialistes locaux d'espaces de data centers pourraient néanmoins sauver leur peau en trouvant dans l'edge computing leur planche de salut. Avec la montée en puissance fulgurante des objets connectés partout sur la planète, le besoin en ressources de calcul de proximité va exploser dans les prochaines années. Tous les cabinets le prédisent. Parmi les premiers intéressés par le mouvement figurent d'ailleurs les clouds centralisés : Google et Microsoft avec leurs offres de cloud hybride, mais aussi et surtout AWS avec ses toutes nouvelles zones locales. Annoncées lors de son événements re:Invent 2019 en décembre, elles viendront se nicher précisément chez des providers de centres de données locaux pour servir en calcul des applications ne pouvant souffrir de latence trop longue.
Google : l'ouverture d'une région française ?
Face aux géants, d'autres rechercheront un repositionnement moins frontal. "IBM va se concentrer cette année sur l'accompagnement de projets de modernisation applicative, quel que soit le cloud choisi par le client, en préconisant en priorité sa plateforme de développement OpenShift (acquise dans le cadre du rachat de Red Hat, ndlr)", anticipe Dave Bartoletti, vice-président et principal analyst chez Forrester. Son offre de cloud public passerait donc au second plan. "Quant à Oracle, il se focalisera sur ses applications SaaS et sa base de données autonome, et recommandera à ses clients Microsoft Azure pour les chantiers émergents de type IA, Kubernetes ou IoT." Des positionnements que le groupe de Larry Ellison n'a pas développés, et ne devrait donc pas plus développer à l'avenir, sur son propre IaaS.
"L'open source pourrait se renforcer dans les offres cloud orientées serverless et service mesh"
En France, plusieurs fournisseurs devraient, sauf accident, sortir gagnants de la bataille. On pense évidemment à OVH, mais aussi à Data4, Interxion et Scaleway, la filiale cloud d'Iliad. Trois acteurs qui hébergent, à des degrés divers, les infrastructures des régions françaises d'AWS et Microsoft Azure. Forts de cette expérience, tous devraient en toute logique se positionner en vue d'accueillir une possible future région cloud de Google en France. Car si Mountain View a déjà déployé sa Google Cloud Platform en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Finlande et aux Pays-Bas, la France est le dernier grand pays européen qui manque à son tableau de chasse.
De là à envisager que Google annoncera l'ouverture d'une région cloud en France dès cette année, il n'y a qu'un pas. Que n'hésitent pas à franchir plusieurs acteurs de l'écosystème français avec lesquels le JDN a pu échanger en off. "C'est la prochaine grosse annonce à laquelle tout le monde s'attend sur le marché français", estime l'un d'eux.
Nouvelle bataille dans le calcul intensif
En termes de technologies, un cap sera passé en 2020 par les providers en matière d'open source. Leur principal objectif : favoriser le portage des applications d'un cloud à l'autre. Premier domaine concerné selon le vice-président de Forrester : le serverless. Taillée pour rendre une architecture Kubernetes pilotable as code, "la brique open source Knative est bien placée pour s'imposer sur ce segment", souligne Dave Bartoletti. A l'origine de l'écosystème Kubernetes, Google est pour l'instant le seul à avoir implémenté Knative. Il l'a intégrée à Anthos, sa console multicloud, ainsi qu'à Cloud Run, sa compute stack serverless. Mais d'autres solutions open source sont disponibles dans ce domaine. C'est le cas de Fission ou Kubeless (deux autres extensions Kubernetes), ou Serverless Framework. Des pistes que pourraient tout autant étudier AWS et Microsoft qui, pour l'heure, n'ont pas passé ce cap pour leurs propres services "sans serveur" (que sont Amazon Lambda pour le premier et Azure Functions pour le second).
"La présence de l'open source pourrait aussi se renforcer dans les offres cloud orientées service mesh", ajoute Dave Bartoletti. Pas étonnant. Conçue pour gérer le pilotage réseau des architectures nouvelle génération découpées en microservices, le service mesh est de plus en plus considéré comme stratégique par les directions techniques d'entreprise (lire l'article Services mesh, le nouveau défi des architectures cloud). Sur ce terrain, Amazon, Google et Microsoft commercialisent respectivement AWS App Mesh, Anthos Service Mesh et Azure Service Fabric. Ici encore, Mountain View affiche une longueur d'avance. Pour Anthos Service Mesh, Google a fait le choix d'une brique open source (Istio) là où Amazon et Microsoft s'adossent de leur côté à un applicatif propriétaire.
Dernière tendance 2020 ébauchée par Forrester sur le créneau du cloud : la montée en puissance du calcul intensif (HPC). "Le recours au cloud pour ce type de traitement devrait progresser de 40% en 2020", estime le cabinet. "Cette hausse sera alimentée par de nouveaux types d'instances HPC, telles les C5, P2, P3 et G3 d'Amazon et les H-, NC-, ND- et NV de Microsoft."