Henri Bong (UnaBiz) Sigfox : "UnaBiz compte lever 100 millions d'euros avec des fonds européens"

Un an après le rachat de Sigfox le 21 avril 2022, le CEO d'UnaBiz Henri Bong revient sur les premières réalisations de sa stratégie.

Henri Bong, CEO d'UnaBiz. © UnaBiz

JDN. Ce 21 avril, cela fait un an jour pour jour qu'UnaBiz a repris Sigfox. Comment se sont passés les premiers mois ?

Henri Bong. La reprise s'est passée mieux que prévue. Nous n'avons perdu aucun des 1 500 clients et le réseau Sigfox a gardé son attractivité, avec plus de 11 millions d'objets connectés actifs. Nous avons signé quatre nouveaux pays. C'est ce qui nous a permis de lever les 25 millions d'euros supplémentaires en série B et de tenir la barre pour redresse la situation. Une perte nette de 54 millions d'euros avait été enregistrée en 2021. UnaBiz a réussi à la diviser par trois en 2022, à moins de 20 millions d'euros en 2022, et nous serons sous les 10 millions d'euros en 2023.

Qu'en est-il de l'équipe, que vous deviez consolider au moment du rachat ?

Nous avions peur que l'équipe soit fatiguée après l'épreuve du redressement judiciaire mais pas du tout, elle s'est montrée très motivée et très compétente, elle a tout préparé pour que l'on reparte de plus belle car elle croit au projet. Nous sommes par ailleurs passé de 80 à 230 employés, après avoir récupéré 150 personnes. Le rachat nous a permis d'attirer des talents très qualifiés, comme Frank Fischer, ancien PDG d'Adeunis, Alexis Susset, conseiller chez Soracom devenu CTO d'UnaBiz ou encore David Royet, ancien directeur des ventes d'Actility.

"La convergence apparaît comme une évidence et c'est ma plus grande fierté depuis la reprise de Sigfox"

Ces derniers sont des experts du LoRaWAN. Comment avance la convergence des technologies LPWAN que vous promouvez ?

Mieux que j'aurais pu l'imaginer. Quand j'en parlais il y a trois ans pour la première fois, peu pensait que ce soit réalisable. Les partenariats en ce sens se multiplient. Après avoir conclu un partenariat avec la firme néerlandaise The Things Industries (TTI) le 27 février dernier, nous nous sommes alliés avec l'américain Senet et le suisse Loriot en mars, puis avec Actility en France pour unifier la 0G et LoRaWAN. D'autres noms suivront. Trois autres protocoles vont nous rejoindre. Dans tous mes déplacements à l'étranger, que ce soit au Brésil ou en Afrique du Sud, la convergence apparaît comme une évidence et c'est ma plus grande fierté depuis la reprise de Sigfox. Car c'est la guerre des technologies qui a empêché l'essor d'un IoT massif. Nous sommes en train de travailler sur des capteurs bi-mode. Nous avons déjà des capteurs compatibles entre Sigfox et le cellulaire avec Soracom, et entre Sigfox et l'IoT satellitaire avec Kinéis et Astrocast.

Vos dernières alliances se sont nouées à l'échelle mondiale. Qu'en est-il en Chine, où vous vous êtes rendu début avril avec Business France et le président de la République ?

L'intérêt est tout aussi vif. Je pensais devoir expliquer ce qu'est la technologie Sigfox mais les acteurs de l'IoT chinois ont suivi toutes nos annonces depuis le rachat et croient aussi en la convergence des réseaux LPWAN. Nous avons établi notamment un rapprochement avec l'Alliance ZifiSense. L'annonce n'est pas encore officielle mais ils ont déjà commencé à communiquer dessus avec enthousiasme. D'autres, des grands acteurs du cloud notamment, suivront. Je suis fier d'avoir contrebalancer la situation de Sigfox : d'un réseau propriétaire et fermé, c'est devenu la technologie la plus ouverte aux autres.

UnaBiz a également ouvert la librairie de Sigfox. Qu'en attendez-vous ?

Ouvrir la librairie permet à chaque développeur, chercheur ou étudiant de tester la technologie Sigfox sans avoir à payer de licence ou de royalties à UnaBiz. Cette annonce s'inscrit elle-aussi dans notre stratégie d'ouverture, pour que des tests soient effectués en multi-connectivité. Davantage de fabricants de semi-conducteurs vont pouvoir intégrer Sigfox à leurs modules. Nous espérons aussi que cela permette de multiplier le nombre de chipset et, par-là, que cela pousse à une baisse des coûts des modules, en-dessous du dollar, l'un de nos objectifs, alors qu'ils sont aujourd'hui à 1,6 dollar.

Autre pilier de votre stratégie annoncée lors de votre levée de fond, la durabilité de l'IoT. Qu'est-ce qui a été fait jusqu'à présent ?

La durabilité est au cœur de nos sujets de recherche. Nous conservons l'obsession de Sigfox de vouloir utiliser le moins d'énergie possible. Nous avons même renommé notre R&D "Recyclability & Disposability" pour souligner l'importance du choix du bon matériau pour garantir la recyclabilité. Nos équipes travaillent en permanence sur le nombre de miniwhatts nécessaires pour transmettre un message et nous prévoyons de revoir le protocole en dur pour diviser par trois la consommation énergétique.

"Nous prévoyons de revoir le protocole en dur pour diviser par trois la consommation énergétique"

Nous souhaitons également enlever les batteries en lithium de nos objets connectés et nous travaillons sur des batteries chimiques et sur l'energy harvesting. En interne, nous planchons sur des niveaux de recyclabilité de nos capteurs pour les augmenter à chaque projet. Nous effectuons des tests pour analyser les composants. Cela commence à se concrétiser de ce côté aussi et nous pouvons citer le projet SeaGale au Japon, où des stickers connectés fonctionnent pour de l'asset tracking avec des batteries chimiques en papier sur une durée de six mois.

Que pouvez-vous nous dire sur votre stratégie en 2023 ?

La durabilité reste le sujet de l'année, qui sera au cœur de notre série C. Nous visons une levée de fonds en 2023 de 100 millions d'euros pour aller plus loin rapidement sur ce sujet. Nous lançons ainsi un appel aux fonds d'investissement européens pour nous accompagner. Quand j'ai échangé avec le président Macron lors du voyage en Chine, il m'a demandé si des fonds européens participeraient à notre croissance et c'est bien mon intention. Nos actionnaires sont pour le moment à 70% asiatiques. Mon prochain objectif de l'année est de renforcer l'engagement européen.

"L'équipe française enregistre une croissance de 30% par rapport à l'année précédente"

Qu'en est-il de la France car l'édition 2023 de notre galaxie IoT semble montrer que le réseau Sigfox est en stagnation, non ?

Les clients français sont très satisfaits et s'apprêtent à déployer davantage. L'équipe française enregistre une croissance de 30% par rapport à l'année précédente. Mais je reconnais que mes efforts depuis un an se sont focalisés sur l'étranger et nous n'avons pas assez communiqué dans l'Hexagone sur la renaissance de la 0G. Or, Sigfox est plus efficace qu'avant et avec ces différents partenariats mentionnés, le réseau est définitivement appelé à se pérenniser.

Henri Bong est PDG d'UnaBiz, opérateur du réseau Sigfox et fournisseur de services IoT. Il dirige une équipe de 230 employés répartis entre Singapour, Taïwan, la France et le Japon. Avant de fonder UnaBiz, Henri Bong était directeur du développement commercial et des ventes chez Sigfox en Asie.