Le Sénat durcit la loi sur la diffamation en ligne

Le Sénat a adopté, mardi 4 novembre une proposition de loi visant à porter de trois mois à un an le délai de prescription pour diffamation et injure sur Internet. Elle doit désormais être examinée à l'Assemblée.

Le Sénat a adopté, mardi 4 novembre une proposition de loi visant à rallonger le délai de prescription pour diffamation et injure sur Internet. Alors que ce délai est actuellement de trois mois, le sénateur UMP de la Sarthe, Marcel-Pierre Cléach veut l'étendre à une année entière. Ce texte a été présenté au nom d'une soixantaine de sénateurs, dont fait partie le nouveau président de la haute assemblée, Gérard Larcher. La commission des Lois du Sénat avait adopté cette proposition de loi mercredi 29 octobre 2008. Elle doit désormais être transmise à l'Assemblée nationale pour examen.  

Jusqu'à présent, les cas de diffamation et d'injure en ligne étaient encadrés par la loi de 1981 sur la liberté de la presse. Contrairement à la règle de droit commun qui veut que les délits se prescrivent par trois ans, cette loi autorise pour les délits de presse une prescription abrégée de trois mois à compter de la première publication des propos litigieux. Au-delà de ce délai de trois mois, la victime d'une injure ou d'une diffamation ne peut plus obtenir que des poursuites soient engagées. 

Or, soulève Marcel-Pierre Cléach, ce régime juridique n'est pas adapté au Web. Le sénateur estime notamment que les contenus en ligne sont pour la plupart accessibles gratuitement à l'ensemble des internautes, contrairement aux journaux traditionnels, payants, donc à un plus grand nombre potentiel de lecteurs que la presse traditionnelle. Internet autorise par ailleurs un accroissement de la sphère de diffusion des contenus que ne permet pas la presse traditionnelle. 

Enfin, la durée de vie d'un contenu en ligne est "potentiellement indéfinie". Cette longévité "est sans commune mesure avec celle d'un livre, d'un journal, d'une affiche ou d'une émission de télévision, estime Marcel-Pierre Cléach dans l'exposé des motifs du texte. Le délai de trois mois donné au particulier victime d'une diffamation, aux professions en butte à des injures ou à une incitation à la violence devient dérisoire dès lors que l'infraction est commise sur Internet." 

Ce n'est pas la première fois que le Sénat tente de durcir la législation sur la diffamation en ligne. En 2004, lors de l'examen de la LCEN, le sénateur du Rhône René Trégouët avait obtenu que le point de départ du délai de prescription soit fixé au moment où cesse la mise en ligne du message incriminé et non plus au moment où elle commence. Mais le Conseil constitutionnel avait censuré cet amendement, excluant toute remise en cause du point de départ du délai de prescription. 

Un seul amendement a été déposé sur le texte voté adopté lundi 4 novembre, qui prévoit que ce délai allongé ne s'applique pas aux sites de titres de presse, lorsque le contenu incriminé a été publié auparavant sur un autre support (journal, reportage télé ou radio). Il a été adopté, avec l'aval de la ministre de la Justice, Rachida Dati. Les sites édités par les entreprises de presse seraient donc peu touchés par cette proposition de loi, si elle venait à être adoptée à l'Assemblée nationale.