Ferrari échoue à obtenir la condamnation de l'éditeur du jeu vidéo GTA 4 pour contrefaçon

Le célèbre constructeur automobile italien Ferrari défend âprement l'image de marque de ses véhicules, à tel point que leur présence au sein de jeux vidéo se fait particulièrement rare. C'est dire à quel point Ferrari n'avait pas apprécié la présence, au sein du célèbre jeu "Grand Theft Auto 4", alias "GTA 4", sorti sur PlayStation 3 et Xbox 360 en 2008, d'un véhicule de sport rouge s'inspirant un peu trop de ses propres modèles.

Certes, les presque quadragénaires se souviennent probablement avec émotion de leurs courses au volant d'une Testarossa dans le fameux jeu "OutRun" publié en 1986, voire du très difficile "F355 Challenge" sorti d'abord en arcade, puis sur console Dreamcast en l'an 2000. Les deux jeux étaient édités par le japonais Sega, qui bénéficiait alors d'un partenariat avec la marque au cheval cabré.
 
Mais il a par exemple fallu attendre de nombreuses années pour que Ferrari soit enfin présente au sein du jeu "Gran Turismo" de Sony, alors même que son créateur Kazunori Yamauchi est un véritable amoureux des voitures, au point d'avoir longtemps refusé que leur carrosserie puisse se déformer dans le jeu ! C'est dire à quel point Ferrari n'avait pas apprécié la présence, au sein du célèbre jeu "Grand Theft Auto 4", alias "GTA 4", sorti sur PlayStation 3 et Xbox 360 en 2008, d'un véhicule de sport rouge s'inspirant un peu trop de ses propres modèles. Chacun le sait, la série GTA met en scène des voyous et n'hésite pas à représenter du contenu potentiellement choquant, ce qui explique qu'il soit théoriquement interdit à la vente aux mineurs.
Ferrari avait alors assigné l'éditeur du jeu GTA 4, la société Take Two, ainsi que les distributeurs Micromania, Game et Fnac, devant le Tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles, ainsi que pour concurrence déloyale et parasitaire. Schématiquement, Ferrari soutenait que le modèle de voiture "Turismo" représenté dans GTA 4 constituait à la fois la contrefaçon de son modèle 360 Modena et de son modèle F 40. Le constructeur italien prétendait également qu'en représentant un tel modèle de véhicule au sein de son jeu, associé à un logo représentant un lapin cabré, Take Two s'était placée dans son sillage et exploitait un risque de confusion dans l'esprit du public.

Las pour Ferrari, la justice française a refusé de faire droit à ses demandes au titre de la contrefaçon

Tant le Tribunal de grande instance que la Cour d'appel de Paris, par un arrêt du 21 septembre 2012, ont considéré que, si le modèle "Turismo" possédait effectivement certaines ressemblances avec les modèles de Ferrari, l'absence de reprise des caractéristiques essentielles des véhicules originaux s'opposait au grief de contrefaçon. En ce qui concerne la comparaison des modèles au regard du Livre V du Code de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire sur la base du droit des dessins et modèles, la Cour a considéré que "dans un domaine où les impératifs fonctionnels et techniques sont nombreux, les modèles de véhicules se différencient par des éléments précis, parfois limités et définis avec soin", de telle sorte que le modèle "Turismo" possédait un caractère propre conférant une impression d'ensemble distincte des modèles originaux.
En outre, la Cour d'appel avait également déboutée Ferrari au titre de ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale. Selon l'arrêt, l'utilisation d'un animal cabré ne peut pas être considérée comme l'imitation du seul constructeur Ferrari, alors que d'autres véhicules ou marques de véhicules de sport utilisent également un animal pour emblème (la Ford Mustang, le taureau de Lamborghini, etc.).
Ferrari a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision et, par un arrêt du 8 avril 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation lui a donné partiellement raison.
Certes, la Cour a confirmé l'arrêt d'appel sur les aspects de contrefaçon. Sans grande surprise, les juges se sont retranchés derrière le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Pour mémoire, la Cour de cassation ne rejuge pas une affaire au regard des faits, mais uniquement au regard du droit.
Il s'agit de vérifier si la cour d'appel a correctement appliqué la règle juridique.
Dans cette affaire, la Cour de cassation n'a pu que constater que la Cour d'appel avait souverainement comparé les modèles de véhicules et considéré que les caractéristiques essentielles des Ferrari 360 Modena et F40 ne se retrouvaient pas dans le modèle virtuel "Turismo".
En revanche, la Cour suprême a cassé l'arrêt d'appel sur l'aspect concurrence déloyale. Elle a reproché à la Cour de n'avoir pas répondu aux conclusions de Ferrari, selon lesquelles l'addition de différents éléments tels que le choix de l'emblème, du nom du véhicule ou de la typographie, était de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ou, "à tout le moins, un détournement de la notoriété des produits de la société Ferrari."
Il est exact que l'un des critères de la concurrence déloyale ou du parasitisme économique consiste, pour un opérateur, à se placer dans le sillage d'un autre opérateur, c'est-à-dire, en d'autres termes, à exploiter sa notoriété. Il est d'ailleurs curieux que la Cour d'appel ait statué comme elle l'a fait, alors que Ferrari démontrait que des internautes discutaient ouvertement en ligne des ressemblances entre le modèle "Turismo" et les modèles du constructeur de Modène. Certains ont même développé des "mods", c'est-à-dire des logiciels destinés à modifier le contenu du jeu, pour faire en sorte que le véhicule en question ressemble parfaitement à un modèle de Ferrari. La société italienne aurait peut-être dû faire réaliser une enquête d'opinion sur cette question.
Cela étant, il était également possible de considérer que le caractère potache et parodique de la série GTA constituait un obstacle à l'existence de tout préjudice pour Ferrari.
La Cour d'appel de Paris devra donc à nouveau se prononcer sur ce point. La suite au prochain épisode…