Le second semestre plombe le marché de la publicité digitale en 2022

Le second semestre plombe le marché de la publicité digitale en 2022 En 2022, la marché de la publicité digitale n'aura augmenté que de 10%. Le coup de frein observé au deuxième semestre se poursuit, selon l'Observatoire de l'ePub du SRI qui projette une hausse de seulement 6% des recettes cette année.

La guerre en Ukraine, la hausse de l'inflation et les craintes d'une flambée des prix de l'énergie n'ont pas empêché le marché de la publicité digitale de poursuivre sa croissance en France en 2022, mais à une allure bien moins vigoureuse. Les recettes ont évolué de 10% (contre +25% en 2021), pour atteindre 8,49 milliards d'euros en 2022, selon le 29e Observatoire de l'ePub publié ce jeudi 2 février par le SRI, l'Udecam et réalisé par le cabinet Oliver Wyman. Après un premier semestre dynamique, le marché a subi un véritable coup de massue au deuxième semestre (+6% seulement comparé au deuxième semestre de 2021 contre +15% au premier semestre).

"Nous avions anticipé un décélération au deuxième semestre mais pas à ce point là. Jusqu'à présent épargné, le digital lui aussi est affecté par la perte de vitesse du marché publicitaire au global", analyse Sylvia Tassan Toffola, présidente du SRI. En deux mots, le premier semestre 2022 a sauvé la mise des régies françaises, certains leviers connaissant même une légère baisse le deuxième semestre comme le display classique (-1%) ou la stagnation, comme la vidéo qui avait pourtant gagné 25% au premier semestre.

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Succès des offres numériques radio et TV

Au total, le segment du display hors search et social (vidéo, display classique, opérations spéciales et audio digital) a fini l'année à +9% (contre +38% en 2021). Le secteur le plus pénalisé a été l'édition et l'info comme attendu : -5,6% au deuxième semestre comparé à la même période de 2021 et +2% sur l'année.

Mais le tableau du display n'est pas complètement sombre. La raison est que les offres numériques des chaînes radio et TV (dont notamment la TV segmentée, l'AVOD et la CTV) ont très bien performé dans un tel contexte avec +9,6% au deuxième semestre et +18% dans l'année. C'est bien plus que le résultat des plateformes de streaming vidéo et musical (dont Youtube, Dailymotion, Spotify et Deezer), dont les recettes ont progressé de 0,8% seulement au deuxième semestre et de 9,5% sur l'année. Au total, la vidéo a réussi à finir l'année à +11% et a continué de gagner des parts de marché au sein de la famille du display.

Jean-Baptiste Rouet président de la commission digitale de l'Udecam, analyse ces chiffres avec optimisme : "Contrairement à ce qu'il s'est passé pendant la crise sanitaire, quand le social et le search ont eu des hausses historiques et les médias traditionnels ont énormément souffert, cette fois-ci la grande famille du display (majoritairement représentée par les éditeurs et producteurs de contenus français) résiste très bien, comparativement au social par exemple."

De fait, le social a dû se contenter d'un simple +10% en 2022, à peine plus que le display, une performance très modeste comparée aux +22% de 2021, mais qui a suffi pour maintenir ses parts de marché (26%). ATT, le dispositif anti-tracking d'Apple, est pointé par le rapport comme étant parmi les principales causes de cette perte de vitesse du social dont le marché se joue à 95% sur le mobile.

A noter que l'audio digital dont l'impact reste petit (4% des parts du marché display) a affiché une belle croissance, de 53% en 2022 (contre 58% en 2021) avec cependant une perte de vitesse pour les régies des radios historiques. On observe également un net ralentissement du marché programmatique au profit du gré à gré mais qui n'ébranle pas tout à fait pour l'instant les ratios de ces dernières années : en 2022, ce dernier est de 41% pour le gré à gré et de 59% pour le programmatique. Une tendance cependant qui pourrait durer. "C'est la première fois qu'on observe des indicateurs aussi tranchés avec une baisse considérable (de -5% ndlr) du programmatique au deuxième semestre. Les annonceurs anticipent ainsi les conséquences de la disparition des cookies tiers. Ils cherchent dans le gré à gré également une meilleure maîtrise du contexte, de la brand safety et de la privacy", analyse Sylvia Tassan Toffola.

Le retail a battu Google sur le search (en progression des recettes)

Dans l'ensemble, le search s'en sort avec +13%, grattant quelques points de plus de parts de marché (il captait 44% des recettes fin 2022 contre 42% l'année précédente) grâce surtout à la fulgurance du retail media. En 2022 les recettes captées par le retail search ont grimpé de 39% : c'est beaucoup plus que les +10% du search classique.

Au total et sans surprise, le retail media (search + display) finit l'année avec +30%, une performance qui reflète une tendance de fond observée depuis quatre ans dans un secteur où l'offre de données et d'inventaires se renforce et où les technologies se structurent. "Les leviers à la performance sont une valeur refuge quand il y a moins de visibilité pour les annonceurs", rappelle Damien de Foucault, directeur général de l'Udecam.

Si certains leviers ont souffert plus que d'autres, la structure du marché publicitaire français reste cependant la même avec la présence ultra-dominante du trio Méta, Google et Amazon toujours : les moteurs de recherche et le social captent désormais 70% des parts de marché (une part qui a même légèrement progressé).

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Qu'attendre de 2023 ?

Le ralentissement observé au deuxième semestre devrait se poursuivre au premier semestre de cette année. Le cabinet Oliver Wyman prévoit une croissance de seulement 6% en 2023 pour les recettes de la publicité digitale, bien inférieure aux prévisions de +9,3% de GroupM pour la France et aux +7,1% prévus par Magna (Mediabrands). Cette prévision fait tâche dans un marché habitué aux évolutions à deux chiffres (hors crise sanitaire) depuis 2017. "Le premier semestre sera encore difficile, comme l'a été le deuxième semestre de 2022, mais on s'attend à une reprise à partir de la deuxième moitié de l'année 2023", prévoit Emmanuel Amiot, partner chez Olivier Wyman. "L'approche des JO de Paris et la Coupe du monde de rugby sont parmi les facteurs qui vont favoriser une reprise au deuxième semestre et une forme de rattrapage des effets du premier semestre cette année", précise Damien de Foucault.

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Une reprise qui devrait ensuite se poursuivre l'année suivante pour une simple raison : le digital offre à la publicité des assises très solides, selon nos analystes. "Même en période de récession, comme en 2020, et quoi qu'il arrive, le monde va vers la digitalisation. Après une année 2021 exceptionnellement forte, le marché est revenu à la normale en 2022 et on garde un certain dynamisme malgré le ralentissement important observé au deuxième semestre. Dès 2024, ce marché retrouvera sa tendance de fond d'une croissance à deux chiffres", conclut Emmanuel Amiot. En effet si la hausse de 10% en 2022 contraste avec les +25% observés en 2021, toutes les crises traversées depuis le Covid n'ont pas empêché ce marché de continuer malgré tout de progresser : entre 2019 et 2022, les recettes ont évolué de 42%.