Utiq : trois pas en avant, un en arrière ?

Utiq : trois pas en avant, un en arrière ? Le recours à un cookie first party via la méthode CNAME est désormais critiqué par certains publishers, qui en parallèle saluent des avancées majeures.

Du nouveau chez Utiq, la coentreprise des opérateurs télécom européens Deutsche Telekom, Orange, Telefonica et Vodafone proposant à l'industrie publicitaire une alternative aux cookies tiers. Un aspect de l'implémentation de leur ID fait désormais grincer quelques dents : le recours à la méthode de délégation de nom de domaine (CNAME) dans le processus de gestion des ID.

La méthode CNAME permet à un tiers, en l'occurrence Utiq, de déposer sur le terminal de l'utilisateur des cookies first party, qui eux appartiennent à l'éditeur. Concrètement, l'éditeur délègue à Utiq la gestion d'un sous-domaine via une redirection : les cookies alors générés sont considérés comme appartenant à l'éditeur. "Cette méthode a très mauvaise presse aussi bien auprès des tous les navigateurs que de la Cnil", commente désabusé un expert d'un important groupe média français. Alors pourquoi y avoir recours ?

"Cette méthode est en contradiction avec l'essence même d'Utiq, qui est de nous proposer une solution se passant des cookies"

Rappelons-nous comment tout cela fonctionne : pour chaque mobinaute visitant un site et donnant son consentement au publisher et à Utiq, le telco fournira à Utiq un token pseudonymisé unique permettant de suivre sa navigation à des fins d'activation et de mesure de campagnes publicitaires. C'est à partir de ce consent pass qu'Utiq génère deux versions d'identifiants qui resteront disponibles sur la page de l'éditeur : un pour le publisher lui-même, le martech pass, valable pendant 90 jours, à de fins d'analytics et de segmentation d'audiences ; l'autre, l'adtech pass, qui change toutes les 24 heures, activable par les publishers et les annonceurs à de fins de déploiement de campagnes.

Ce sont ces deux tokens qui resteront stockés en local sur le terminal de l'utilisateur via des cookies first party générées par Utiq grâce à la fameuse méthode CNAME. "Ce stockage en local permet au publisher et à l'écosystème publicitaire de ne pas devoir refaire des appels à Utiq pour redemander les tokens à chaque chargement de page", expliquait cet été au JDN Sophie Poncin, directrice générale d'Utiq.

"Le CNAME est la seule méthode permettant ce stockage en local qui lui-même permet à l'éditeur de disposer du martech pass pendant trois mois. Sans cela, Utiq devrait générer un nouvel ID – et par conséquent demander un nouveau consentement à l'utilisateur – à chaque fois que ce dernier ouvrirait une nouvelle page du site, un scénario difficile à envisager", détaille au JDN une source proche d'Utiq.

Sauf que des publishers se rendent compte maintenant de l'existence de cette méthode et que certains menacent même de ne pas adhérer à Utiq tant que ce sera le cas : "Nous ne souhaitons pas adopter cette méthode totalement en contradiction avec l'essence même d'Utiq, qui est de nous proposer une solution se passant des cookies", résume un spécialiste.

Comment sortir de cette impasse ? D'après nos informations, Utiq n'envisagerait pas pour le moment de céder sur ce point et pour plusieurs raisons : les éditeurs fortement réticents sont minoritaires et la méthode est employée avec transparence, le terme "utiq" devant être affiché dans l'adresse de sous-domaine générée aux côtés du nom de domaine de l'éditeur. "Une alternative à la CNAME serait de gérer ce processus à travers une intégration en server side entre l'éditeur et Utiq, mais ce serait une solution coûteuse, complexe à mettre en place et surtout moins transparente", déclare un analyste souhaitant rester anonyme.

Le frein du stockage avec cookie first par méthode CNAME n'empêche pas nos interlocuteurs publishers de saluer avec un certain degré d'enthousiasme de nombreuses améliorations constatées sur le terrain durant l'été. Les différentes annonces faites au JDN au mois de juin ont de fait été confirmées auprès des publishers sur le terrain. "Désormais, c'est du sûr !", se réjouit un professionnel. Des évolutions jugées significatives, indispensables et très positives.

"Deux améliorations majeures ont été présentées aux publishers"

"Deux améliorations majeures ont été présentées aux publishers. Tout d'abord le fait que ces derniers pourront se servir de l'adtech pass pour un usage interdomaines appartenant au même groupe éditeur. Ensuite,  la prise en compte encore cette année des réseaux Wifi, qui concernent aujourd'hui l'écrasante majorité des connexions. Cette évolution fera d'Utiq la seule solution à mon sens capable d'offrir une réelle reconnaissance interdevices et entre l'in-app et le web", commente un spécialiste travaillant chez un grand éditeur. Détail important : même avant l'arrivée de cette nouvelle fonctionnalité, les navigations en Wifi pourront être prises en compte pour tous les utilisateurs déjà identifiés une première fois en 3/4/5G et consentants, et ce pendant les 90 jours de durée du martech pass, précise notre spécialiste proche d'Utiq.

Enfin, la possibilité pour le publisher d'afficher le logo du telco dans le bandeau de consentement propre à Utiq, bien qu'elle soit saluée, ne change pas d'un fil une critique majeure adressée à Utiq par certains éditeurs : l'exigence d'une double demande de consentement (une par l'éditeur, comme c'est déjà le cas, l'autre à travers un bandeau spécifique à Utiq). "Même en l'appliquant en mode différé, après une première visite, le double consentement est un immense frein au reach et neutralise tout l'intérêt de cette solution", conclut un de nos observateurs.

Rien cependant ne nous laisse entrevoir une quelconque ouverture d'Utiq à revoir cette obligation de double consentement. Au contraire, cette exigence de consentement supplémentaire est pour l'instant mis régulièrement en avant comme un gage de transparence et de sérieux d'Utiq à l'égard de la législation de protection de la vie privée et des données personnelles des internautes.