Coup de chaud sur la filière bois

Coup de chaud sur la filière bois Entre fabricants de meubles, papetiers et producteurs de chaleur, la tension monte pour s'approvisionner en plaquettes de bois.

Dans quelques mois, à Lacq (Aquitaine), une centrale de production d'électricité et de chaleur va sortir de terre. Elle brûlera 160 000 tonnes de bois par an à sa mise en service en 2015. Et c'est bien ce genre de projet qui inquiète les autres acteurs de la filière bois, spécialement les papetiers et fabricants de panneaux pour l'ameublement.

Au cœur du conflit : l'approvisionnement en bois, et plus spécialement en plaquettes de bois. Ces déchets de scieries, qui représentent en moyenne 50% du bois produit, sont aujourd'hui au cœur d'un conflit opposant les différents acteurs.

Les problèmes ont débuté après le Grenelle de l'environnement en 2009, lorsque le gouvernement a décidé de passer à la vitesse supérieure pour encourager les énergies renouvelables. Lae CRE (Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'Ademe ont lancé des appels à projets pour favoriser l'installation de chaudières à biomasse par des industriels ou des collectivités.

Le Fonds chaleur géré par l'Ademe, a ainsi été doté de 1,2 milliard d'euros pour la période 2009-2013. Objectif : produire 5,5 millions de tep (tonne équivalent pétrole (Tep) supplémentaires par an d'ici 2020 à partir d'énergies renouvelables. Soit un quasi triplement par rapport à 2006. Du coup, la consommation annuelle de combustible bois Selon les calculs de l'Ademe, la consommation de combustible bois pourrait atteindre pourrait atteindre 12,6 millions de tonnes en 2020, dix fois plus qu'en 2011.

consommation biomasse2
En suivant la même tendance, la consommation de combustible bois pourrait atteindre 12,6 millions de tonnes en 2020, dix fois plus qu'en 2011. © JDN

Des prévisions qui inquiètent au plus haut point les fabricants de panneaux, élaborés pour la plupart à partir de plaquettes de bois, les mêmes que celles utilisées dans les chaudières.

"En Allemagne, six usines de panneaux ont déjà fermé", s'alarme Luc Charmasson, le président de France bois industries entreprises (FBIE), l'organisme qui regroupe la plupart des acteurs de la filière... hors ceux du bois-énergie. "Les fabricants doivent acheter des diamètres de plus en plus gros", ajoute-il. "Certains industriels achètent parfois des troncs entiers, ce qui concurrence même le bois d'œuvre".

Autre motif de mécontentement : le prix de rachat de l'énergie biomasse (électricité et chaleur) est aussi fixé et subventionné par les pouvoirs publics, ce qui constitue une "concurrence "déloyale" selon les professionnels du meuble et les papetiers.

"Pour un euro investi, on crée 10 emplois dans la filière industrie, contre un seul dans le bois énergie"

Du coup, ces derniers font monter la pression sur les pouvoirs publics. Le FBIE avance deux arguments : d'abord, le bois est écologique tant qu'il est "stocké" dans un produit. En le brûlant, on perd le bénéfice environnemental.

Luc Charmasson dégaine aussi l'arme de l'efficacité économique : "Pour un euro investi, on crée 10 emplois dans la filière industrie, contre un seul dans le bois énergie".

Face à cette fronde, les défenseurs du bois énergie répliquent. Ils font valoir que avancent que les projets aidés par le Fonds chaleur en 2009 et 2010 ont permis d'économiser 260 millions d'euros par an dans la balance commerciale au prix actuel du baril de pétrole. Quant au prix de rachat de l'électricité issue de la biomasse, il serait au contraire bien trop faible niveau pour rentabiliser la plupart des projets de chaudières. Si l'on en croit une étude de 2010 du bureau d'étude SIA Conseil, le tarif de rachat est de 130 euros/MWh pour la biomasse contre 300 à 600 euros/MWh pour le photovoltaïque.

"Il est ridicule d'avoir une réflexion nationale sur ce sujet", s'énerve Serge Defaye, le président du Comité Interprofessionnel du Bois-Energie (CIBE). "En Normandie, où beaucoup de fabricants de panneaux sont installés, il y a peut-être un problème, mais dans le Sud-Ouest ou le Limousin, le bois pourrit sur place".

"Les papetiers ont pendant longtemps fait la loi sur les prix du bois

L'inquiétude des papetiers et des industriels lui semble d'autant plus démesurée que la plupart des projets annoncés... ne voient jamais le jour. "Sur 30 projets de chaudières à biomasse, seuls 2 ou 3 sont effectivement réalisés" affirme-t-il. "La vérité, c'est que les papetiers refusent la concurrence. Ils ont pendant longtemps fait la loi sur les prix du bois", conclut-il.

Seul point d'accord entre les deux partis : il faut accroître la ressource. Selon l'ONF, il existerait un important potentiel de bois non ramassé. "Les chaufferies pourraient aussi utiliser des bois de récupération de chantiers ou même des feuillages", avance Luc Charmasson. Autre piste sérieuse : inciter fiscalement les 3,5 millions de propriétaires forestiers à exploiter et vendre leur bois.

D'ici-là, le bras de fer risque de continuer.