La loi TEPA, un dispositif intéressant pour les PME/TPE sous financées

La loi TEPA a mis en place en 2007 un système d'incitation fiscale en faveur des PME corrélatif à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) communément appelé TEPA ISF.

Les contribuables redevables de l’ISF prévu par le Code général des impôts (CGI) peuvent ainsi bénéficier d'une réduction d’impôt pouvant aller jusqu'à 50 % de leur investissement dans la limite de 45 000 euros  les PME / TPE pouvant elles espérer des investissements plus nombreux en s'appuyant sur le dispositif TEPA ISF.

Nous allons ici évoquer d'une part les conditions d'application du dispositif de la loi TEPA (I) avant d'en voir les avantages pour les investisseurs et les entreprises (II).

I) conditions d'application du dispositif

1) pour le souscripteur et son apport : des conditions souples

Les critères à respecter par le souscripteur sont  peu nombreux : toute personne physique assujettie à l'ISF peut bénéficier du dispositif TEPA ISF, grâce à des investissements de toutes formes et ce des lors qu'elle répond aux exigences de conservation des titres.
En effet la forme de l'apport importe peu : il peut s'agir indifféremment  d'un apport en numéraire ou en nature si l'apport est nécessaire à l’activité de la société et  à l'exception toutefois des actifs immobiliers et des valeurs mobilières (actions et participations dans d'autres sociétés).
Le seul critère  opérant est la conservation des titres par l'investisseur. Le législateur a en effet  estimé que  l'investissement du particulier doit être réel et durable. L'article 885-0 V bis  du CGI  prévoit que « Le bénéfice de l'avantage fiscal prévu est subordonné à la conservation par le redevable des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital de la société jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription ».
De la même manière, “en cas de remboursement des apports aux souscripteurs avant le 31 décembre de la dixième année suivant celle de la souscription, le bénéfice de l'avantage fiscal  est remis en cause”.
Si ces conditions s'appliquent  à tous les types d'investissements, des exceptions viennent cependant les limiter.  Par exemple, dans le cadre d'une fusion ou d'une scission, l'avantage fiscal  accordé au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remis en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu'au même terme,  l'avantage fiscal n'est pas non plus remis en cause lorsque la condition de conservation n'est pas respectée du fait d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire. On note également que si  la cession  des titres résulte de l'application d'un pacte d'associés, le bénéfice ne saurait être remis en cause, dès lors que les sommes perçues sont réinvesties dans une ou plusieurs autres PME dans un délai de 12 mois. Ces aménagements permettent un déroulement efficace des activités de la société sans léser l'investisseur.
Pour les cas où les conditions de conservation des titres ne seraient pas respectées, le bénéfice fiscal serait refusé au contribuable qui devrait le reverser au fisc, assorti de pénalités.
Les conditions relatives à l'investisseur et à son apport sont donc relativement souples.

2) pour la société bénéficiant de la souscription : un encadrement strict

La loi permet un investissement directement dans une PME ou un investissement indirect via des intermédiaires. Il s'agira alors de passer par  une holding ISF ou par un Fond d'investissement de proximité (FIP).
S'agissant de l'investissement direct, la société ayant bénéficié de l'investissement doit répondre à certaines conditions quant à sa forme et quant à ses activités.

En premier lieu la société doit être une PME au sens communautaire, c’est-à-dire notamment :

  • employer moins de 250 salariés,
  • avoir un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros,
  • exercer exclusivement une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole,
  • avoir son siège de direction effective dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen,
  • ne pas avoir ses titres admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger,
  • être soumise à l’impôt sur les bénéfices,


  • employer au moins 2 salariés à la date de clôture de l’exercice qui suit la souscription ayant ouvert le droit à la réduction d’impôt, ou au moins 1 salarié pour les entreprises artisanales
De plus, certains domaines d’activité sont exclus par le législateur :
  • activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production,
  • activité financière (sauf entreprise solidaire),
  • activité de gestion de patrimoine mobilier,
  • activité immobilière (sauf entreprise solidaire),
  • et production d’énergie solaire.

D'autre part l'investissement via des holding ISF ou des FIP doit également tendre à soutenir les PME : les investissements réalisés par l’intermédiaire doivent donc être au profit de PME. L'intermediation permet seulement à l'investisseur de mutualiser le risque de l'investissement et lui évite les vérifications de compatibilité de la PME avec les exigences de la loi TEPA qui sont déléguées à l'intermédiaire. Ces solutions  permettent donc une certaine sécurisation de l'investissement et un évident gain de temps. 
Cependant le mécanisme des holdings ISF n'est pas sans risque lui même. En effet, ce type d'investissement a plusieurs fois été décrié et ce dès 2008. Christine Lagarde alors Ministre de l’économie rappelait que “des opérations  […] structurées à la seule fin de permettre aux souscripteurs de bénéficier de l'avantage fiscal prévu par l'article 885-0 V bis du CGI, en leur faisant notamment prendre un risque limité économiquement à celui d'un prêteur de deniers et non pas un réel risque de participation au capital, [..] sont [donc] susceptibles d'être critiqués sur le terrain de l'abus de droit par fraude à la loi, conduisant in fine à une remise en cause de l'avantage fiscal consenti aux bénéficiaires. » En application de ce principe le 11 février 2013, les investissements faits par la souscription de titre de la société Finaréa ont  été refusés pour ouvrir droit au bénéfice de la loi TEPA, impliquant le remboursement des avantages fiscaux assortis de pénalités. En effet Finaréa montait spécifiquement des sociétés dont il avaient la gestion comptable et juridique, qui pouvaient parfois être des "coquilles vides" et donc des sociétés sans risque dans lesquelles les investisseurs entraient au capital pour bénéficier de la déduction d’impôt. Il s'agissait d'un contournement évident de l'esprit de la loi.

On constate bien ici que la société bénéficiant de l'investissement, qu'il soit direct ou indirect, doit répondre à des critères visant à garantir un réel impact positif de la loi TEPA pour les entreprises. Le choix de la société auprès de laquelle on souscrit des titres est donc primordiale quant il s'agit de l'application de la loi TEPA.

II) Bénéfices et efficacité de la loi TEPA

1) pour les investisseurs : un avantage indéniable

En 2007, au moment de sa mise en place, le système TEPA ISF instauré  prévoyait des plafonds importants. En effet un investisseur pouvait déduire de son impôt 75 % de son investissement dans la limite de 50 000 euros. Les remaniements successifs de la loi TEPA sont venus minimiser ces plafonds et la loi en vigueur à ce jour prévoit une réduction dans les limites de 50 % de l'investissement et de 45 000 euros. Un abaissement de ce seuil à 25 % a même été récemment envisagé mais les taux sont restés inchangés et seront applicables pour le calcul de l'ISF 2014.
On notera ici que l'investissement via un FIP est soumis à des plafonds différents : une réduction d'ISF plafonnée à 18 000 € par an correspondant à 50 % de la partie de l'actif du FIP éligible à la loi TEPA. Le dispositif pourrait être jugé peu intéressant mais la quote-part du FIP non éligible pour la réduction d'ISF ouvre droit à une  réduction d'impôt sur le revenu de 22 %.
Ces sommes reste relativement intéressante si l'on considère le mode de calcul proportionnel de l'ISF. En effet, pour 2013 le montant moyen de l'ISF est  évalué à  11 200  euros et peut donc être entièrement couvert par la réduction d’impôt.

De plus en souscrivant des titres, le contribuable peut le cas échéant retirer des bénéfices de son investissement dans une PME si l’activité de celle-ci en accroît la valeur, même si la réduction d’impôt ne doit pas faire oublier les risques de perte de capital inhérents aux investissements. Le choix de l'investissement dans des PME permet surtout à l'assujetti de choisir où sa contribution est injectée.
Il est  important de préciser que le dispositif TEPA n'est pas cumulable avec un certain nombre de dispositifs de réduction fiscale  comme la réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital de sociétés non cotées ou dans des sociétés de financement d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA).
Cependant la réduction est cumulable avec la réduction d’ISF au titre des dons effectués au profit de certains organismes d’intérêt général  à condition que le montant total imputé sur l’ISF ne dépasse pas en tout état de cause 45 000 euros.
On constate bien, qu'en dépit de son remaniement, le dispositif de la loi TEPA est très intéressant pour les assujettis à l'ISF qui ont tout intérêt à investir dans des PME afin de gérer eux même leur contribution de solidarité.

2) Pour les sociétés bénéficiaires : un bénéfice perfectible

Le dispositif TEPA ISF permet aux PME de solliciter des particuliers afin de trouver le financement nécessaire à leurs activités et à leur développement en leur proposant un investissement couvert en parti par le bénéfice fiscal auquel il ouvre droit. L'augmentation du  bilan de la PME bénéficiaire pouvant  lui permettre de financer des projets de développement, mais également d'augmenter sa capacité d'emprunt auprès des banques, ce qui est primordial. Il apparait dans les faits que l'investissement dans les PME au titre du dispositif TEPA ISF est conséquent.

Dès  2010, Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation  se félicitait du succès de la loi TEPA en rappelant que  « cette  mesure structurante mise en place par le gouvernement a permis de drainer 1,12 milliard d'euros vers nos PME en 2009 ». Le ministère de l’Économie estime que depuis sa création, le dispositif TEPA ISF draine chaque année 1 milliard d’euros vers les TPE-PME.

Cependant, le dispositif TEPA ISF induit que les sociétés bénéficiaires cèdent des titres, soit à leur constitution soit lors d'une augmentation de capital.
Cette cession de titres implique la perte d'une partie du contrôle sur la société ; ce qu'il faut prendre au sérieux, car les associés qui gèrent l'activité vont souvent avoir besoin de garder le contrôle de leur société. Or, afin de bénéficier de fonds une société émet des actions nouvelles et si leur valeur nominale est faible cela implique de céder un nombre de parts important, qui va souvent avoir un effet de dilution sur les participations des autres associés.
Pour contrer ce problème il est possible lors de l'augmentation de capital de prévoir des primes d'émission afin d'équilibrer les apports de chaque  associé entrant et d'éviter  une trop grande perte de pouvoir. Il n'était cependant pas certain au regard de la lettre de la loi que cette prime d'émission entre dans le cadre de TEPA ISF. Après des hésitations, il a été bien heureusement admis que les primes d'émission sont prises en compte au titre de l'investissement éligible (AN 17 juin 2008 p. 5150 n° 8034) permettant ainsi plus aisément aux associés de PME de faire appel à des investisseurs au titre de la loi TEPA sans perdre le contrôle sur leur société.

Le dispositif TEPA ISF est donc un levier efficace pour permettre aux PME de solliciter et d'obtenir des fonds.
Cependant un  problème est à soulever : si le volume des montants investis est appréciable, sa répartition est souvent remise en cause. Cela repose principalement sur la qualification des PME par la loi TEPA qui ne dissocie pas moyennes et petites entreprises.
Le médiateur du crédit et président de l’Observatoire du financement des entreprises Gérard Rameix a ainsi rappelé en 2011 que  « les PME sont structurellement plus solides qu’on ne le croit ; il n’y a pas de déficit majeur en fonds propres », elles ne sont pas structurellement sous-capitalisées. De fait, les PME allant de 50 à 250 employés et existant depuis de nombreuses années, sont éligibles au crédit bancaire, voire aux marchés financiers,  alors que d'un autre côté les TPE (moins de 20 employés) ont un besoin vital d'investissement.
Or, le risque étant  plus grand d'investir dans les TPE que dans des PME déjà pérennes et, comme le dispositif TEPA ne les dissocie pas s'agissant du dispositif ISF, les investisseurs les  négligent. La solution ouverte la plupart du temps ouverte aux TPE est finalement de passer par des intermédiaires (FIP ou holding ISF) ce qui réduit forcément les fonds qu'elles obtiennent du fait des marges réclamées par ces intermédiaires. Il s'agit là d'un constat regrettable surtout quand on sait que 2,5 millions d'entreprises en France ont moins de 20 salariés. Toutefois, ce sera quelquesoit la taille de la société aux associés de celle-ci de convaincre les investisseurs de leurs sérieux et de l'intérêt de l'investissement TEPA, et des TPE bénéficient avantageusement d'investissements TEPA directs.

 Cette situation de fait est pourtant autrement problématique : en effet une niche fiscale n'a de sens que si elle contribue au développement du  secteur auquel elle s'applique, sous réserve que ce secteur ait réellement des besoins. L'application qui est  faite du dispositif TEPA pourrait le remettre en cause si il s’avérait qu'il ne favorise pas réellement le développement des PME et TPE.
Il est ici étonnant  de constater que la distinction PME - TPE qui a été consacrée s'agissant de l'application de la loi TEPA pour les heures supplémentaires et complémentaires ne le soit pas pour l'application de TEPA ISF et il n'est pas impossible d'envisager qu'un remaniement ait lieu en ce sens afin de permettre une efficacité du dispositif plus ciblée. Christian Fleuret, spécialiste de l'investissement dans les TPE  constate ainsi qu' “il convient non de supprimer [le dispositif], mais de le refondre afin de le rendre économiquement plus opérant et de le limiter aux entreprises de moins de 50 salariés”.
On constate bien que le dispositif TEPA ISF est une composante efficace pour les investisseurs en ce qu'il permet un avantage fiscal non négligeable pour une prise de risque limitée que ce soit par la possibilité d'investir dans des holdings ISF ou dans des PME déjà pérennes. Il apparaît également que le dispositif sert les PME en facilitant leur recherche de fonds et  d'investisseurs. 
Cependant ce dispositif est souvent contesté  qu'il s'agisse des seuils applicables ou des sociétés bénéficiaires  éligibles et un remaniement  pourrait venir en modifier sensiblement la portée.

Quoiqu'il en soit profitez en  !