Google et Amazon sont-ils en train de battre la mort ?

Google et Amazon sont-ils en train de battre la mort ? Avec des investissements massifs, Alphabet et Amazon ambitionnent de lutter contre la dégénérescence des cellules humaines, autrement dit le vieillissement. Leur objectif : faire du rajeunissement une normalité.

"Tuer la mort". Le projet affiché par Google, lors de la création en 2013 de Calico, sa filiale spécialisée dans la lutte contre le vieillissement, ne laisse planer aucun doute. La firme américaine veut révolutionner le concept même de l'existence humaine en supprimant le vieillissement cellulaire. Un projet fou ?

Dès 2011, l'équipe du docteur Jean-Marc Lemaitre, actuellement directeur de recherche à l'Inserm et codirecteur de l'institut de médecine et de biothérapie de Montpellier, a prouvé que le vieillissement cellulaire était réversible. Un pas de géant dans le secteur. "Les essais sur les souris montrent qu'il est possible de leur faire gagner 15 à 30% d'espérance de vie en bonne santé", explique le docteur montpelliérain. Les mêmes résultats sont-ils possibles sur l'Homme ? "Il y a des essais cliniques aux Etats-Unis qui montrent des bienfaits sur la peau mais rien de plus".

Pour obtenir de nouvelles avancées de ce genre, Google et Amazon sont prêt à investir des sommes conséquentes. En août 2022, près de 10 ans après Google, Jeff Bezos ainsi que d'autres milliardaires ont injecté plusieurs millions de dollars dans la start-up Altos Lab, créée par le milliardaire israélien Yuri Milner. L'entreprise qui planche sur le rajeunissement cellulaire avec dans ses rangs Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine en 2012, a finalisé une levée de fonds à hauteur de trois milliards de dollars.

Pour l'heure, les résultats se font attendre. "Calico est assez secret sur ses recherches et n'a pas sorti grand-chose depuis ses débuts", affirme Jean-Marc Lemaitre. Ce qui n'est pas le cas d'Amazon qui joue la transparence. "L'argent investi dans Altos Lab permet de financer des laboratoires académiques qui embauchent plus de chercheurs avec des salaires conséquents. Le but est de mettre tous les cerveaux disponibles dans ce projet", assure le docteur français. Eduardo Moreno, chercheur espagnol spécialiste de la communication cellulaire, membre d'Altos Lab à Cambridge depuis mai 2022 confirme : "L'idée de l'entreprise est de maintenir le meilleur de la vie académique en nous laissant libres de faire des recherches sur nos sujets de prédilection. Nous sommes tous passionnés par notre travail et voulons donner le meilleur de nous en nous stimulant mutuellement".

Outre Calico, Google s'est créé un réseau dans la santé en élaborant de multiples partenariats comme avec l'entreprise pharmaceutique AbbVie qui se concentre sur les maladies neurodégénératives et les cancers. Verily, fondée en 2015, est quant à elle une filiale dédiée à la collecte et l'analyse de données de santé. Elle s'est lancée dans le Projet Baseline qui a pour objectif de cartographier le corps humain et d'obtenir des informations sur le plus de maladies possibles. Prévenir plutôt que guérir, un moyen comme un autre de chercher à améliorer l'espérance de vie.

A noter que les deux géants du numérique ont des approches initiales différentes. "Altos travaille sur la reprogrammation partielle, qui étudie la résistance du corps à travers le temps, tandis que Calico s'est concentré sur la restriction calorique. Mais c'est une bonne chose car il n'est pas possible de savoir quel sera le meilleur moyen de lutter contre le vieillissement", se réjouit Eduardo Moreno.

Bien que Google et Amazon fassent la course en tête, d'autres acteurs, notamment des start-up, s'attaquent à des sujets parallèles au vieillissement cellulaire. C'est le cas de l'entreprise Mesentech qui développe des technologies pour lutter contre les maladies osseuses ou de Spiderwort qui se concentre sur la réparation de la colonne vertébrale. D'autres comme LyGenesis ou Satellite Bio vont même jusqu'à tester des technologies permettant de faire repousser des organes tel que le rein. D'autres s'intéressent à la metformine, un médicament utilisé par les diabétiques qui atténue même les signes du vieillissement et augmente la durée de vie de plusieurs organismes vivants. "Une piste intéressante à suivre", pense Eduardo Moreno. Tout comme le raccourcissement des télomères, des séquences ADN à l'extrémité des chromosomes responsables du vieillissement.

L'immortalité n'est peut-être pas si proche que ça mais l'humain continue, décennie après décennie, à vivre plus longtemps. "L'espérance de vie a doublé en un siècle et nous n'avons aucune connaissance de jusqu'où cela peut aller", conclut le chercheur montpelliérain.