Comment prévenir la pénurie de sang alors que les dons diminuent et que les besoins augmentent ?

L'Homme peut survivre des semaines sans nourriture et des jours sans eau. En revanche, une perte de sang peut être fatale en seulement cinq minutes.

C’est pourquoi toute personne chargée de sauver des vies a besoin d’un accès permanent à des réserves saines pour tous les groupes sanguins.

Pourtant, la demande de sang et de plasma dépasse régulièrement les dons, et les pénuries aiguës de donneurs menacent de provoquer des crises sanitaires à plus long terme. Entre la pandémie, le manque de jeunes donneurs et la « retraite » des donneurs plus âgés, le déséquilibre entre l’offre et la demande n’a rien de surprenant, mais il ne faut pas pour autant le minimiser.

À l’occasion de la Journée mondiale du don de sang, nous devons réfléchir aux moyens de diminuer le risque de pénurie. Les donneurs jouent un rôle essentiel, mais chaque don ne comprend qu’une unité de plasma et une unité de plaquettes. Les dons seuls ne suffisent donc pas, et il est nécessaire de travailler aux côtés des responsables des soins de santé du monde entier pour veiller à ce que tous les produits sanguins acceptés restent disponibles pendant toute leur durée de validité.

Nous ne pouvons pas permettre qu’une erreur d’étiquetage, de manipulation ou de stockage, par exemple, empêche la distribution de sang à un patient dans le besoin.

La conservation du sang commence dès le don

L’étiquetage des flacons de sang sur le lieu même de la prise de sang est d’une importance primordiale pour les spécialistes du sang et les professionnels de santé en général. Si l’étiquette contient des informations erronées, si elle est placée sur le mauvais flacon ou s’il n’y a pas d’étiquette du tout, le prélèvement sera rejeté par le laboratoire. Une partie du processus de contrôle et de validation des dons consiste à établir une corrélation entre le sang et les antécédents du donneur. Par conséquent, toutes les personnes qui collectent des dons de sang devraient disposer d’une imprimante mobile d’étiquettes à code-barres, d’étiquettes de détection de température et d’étiquettes pour poches de sang testées par l’ISEGA. Elles ont également besoin d’un lecteur de codes-barres ou d’un ordinateur mobile connecté au dossier médical électronique (DME) du patient.

Combiner ces technologies, c’est faciliter l’identification positive du patient (PPID) et pouvoir vérifier l’admissibilité du donneur avant la prise de sang. S’il répond aux critères de sélection initiaux, un ensemble d’étiquettes à code-barres contenant des informations sur le donneur et son don peut être immédiatement imprimé. Une étiquette de détection de température peut également être générée pour lancer la surveillance de la chaîne du froid

En apposant toutes les étiquettes sur les flacons et poches de sang en présence du donneur, tout le monde peut être sûr que le prélèvement sera accepté par le laboratoire en vue de son analyse et de sa mise à disposition. Ainsi, le donneur et le don ont été correctement appariés.

À l’issue du don, le phlébotomiste peut scanner à nouveau les étiquettes pour confirmer la destination de chaque échantillon et identifier les poches de sang stockées avec l’heure des actions les concernant. Chacune étant enregistrée numériquement, il est possible d’assurer un contrôle et une gestion optimale des dons et de veiller à ce qu’aucune d’elle ne soit perdue pendant le transport, laissée sur un comptoir ou stockée trop longtemps.

Accélération de l’analyse et de l’acceptation des dons

Lorsque les techniciens de laboratoire reçoivent des flacons de sang correctement étiquetés, une lecture rapide du code-barres confirme la réception pour maintenir la traçabilité, les échantillons peuvent être automatiquement analysés par la machine, et les résultats peuvent être immédiatement reportés dans le DME, mais aussi transmis à l’équipe clinique gérant l’approvisionnement de la banque de sang ou le processus de transfusion.

Si l’échantillon est jugé sain et acceptable, toutes les poches de sang associées peuvent être étiquetées conformément à la norme mondiale ISBT 128. Les étiquettes primaires et secondaires doivent comporter un numéro d’identification unique du don (DIN) afin de permettre la traçabilité de la veine du donneur à celle du receveur.

Il suffit de répéter ce processus automatique pour s’assurer que tous les dons entrant dans la banque de sang nationale ou locale ont été correctement contrôlés, du laboratoire jusqu’au point de transfusion.

Maintien de la responsabilité et de la conformité

Il existe toujours un risque de perte en raison d’un retard de traitement, d’un transfert ou d’un manque de confiance dans la manipulation des dons transfrontaliers. Si une poche de sang est laissée sans surveillance ou exposée à des températures susceptibles de compromettre sa sécurité et sa qualité, il sera possible de remettre en question l’efficacité de l’unité. Et s’il y a un doute sur la viabilité du sang, il est fort possible qu’il soit décrété inutilisable et donc gaspillé. C’est pourquoi nous devons créer des systèmes de collecte, d’analyse, de traitement, de stockage, de distribution et d’administration sûrs et fiables.

Ces systèmes électroniques permettent d’imprimer des étiquettes de compatibilité croisée qui aident à vérifier que le bon composant sanguin est envoyé au bon endroit, au bon moment, et conservé dans de bonnes conditions. Il est également possible d’en restreindre l’accès pour que seul le personnel formé se rende dans les zones de collecte, d’analyse ou de stockage du sang.

Il est également possible de vérifier que l’étiquette de chaque poche de sang correspond aux données du patient figurant sur son bracelet à code-barres en procédant à un scan rapide sur le lieu d’intervention, conformément aux exigences de l’ISBT pour les transfusions « de veine à veine ». Cela permet d’initier une nouvelle chaîne d’information spécifique pour le contrôle de la sécurité des patients et la gestion des soins de santé, avant et après la transfusion. De ce fait, toutes les données de la poche de sang peuvent être ajoutées au dossier médical électronique du patient d’un seul geste, et les signes vitaux ou éventuelles réactions indésirables peuvent être immédiatement signalés par simple lecture du bracelet, d’où une corrélation entre le patient et le dossier médical électronique.

Importance de la technologie dans la chaîne de responsabilité des dons du sang

L’approvisionnement en sang reste fragile, tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, et le risque de pénurie est universel. C’est pourquoi il faut absolument investir dans des solutions de traçabilité automatisées au niveau mondial.

Pour justifier un tel investissement, il est bon de rappeler que chaque échantillon sanguin et poche de sang coûtent de l’argent. Si une seule unité doit être retirée des stocks à un instant T en l’absence de technologie capable d’en surveiller la température ou d’en maintenir la traçabilité pendant le transfert, cet argent est perdu. Chaque unité gaspillée augmente le risque de pénurie lorsqu’un patient en a besoin. En investissant 1 € par poche et en prévoyant un petit budget d’exploitation pour les étiquettes, on peut éviter ces pertes critiques de sang et d’argent.

Les hôpitaux et les banques de sang peuvent améliorer la sécurité des patients et des dons en modernisant leur technologie de lecture des codes-barres, en investissant davantage dans la technologie, en mettant à jour leurs imprimantes ou en plaçant des indicateurs de température sur chaque poche. Nous savons tous que la vie n’a pas de prix, mais on ne peut que constater la valeur qualitative et quantitative des investissements technologiques lorsque l’on connaît leur rôle dans la préservation des réserves de sang et la protection de la sécurité des patients.

Par conséquent, les personnes travaillant dans un centre de don local, une banque de sang, un hôpital ou une agence d’intervention d’urgence doivent vérifier si les processus et les outils cités ci-dessus sont utilisés. Si ce n’est pas le cas, il faut faire prendre conscience de la situation en partageant ces informations avec les décideurs de ce secteur. Il est important de donner de son temps à cette cause, pour qu’ensemble nous puissions veiller à ce que chaque don reçu et accepté dans le monde soit correctement utilisé, et que chaque patient dans le besoin puisse en recevoir.

Enfin, toute personne qui peut donner son sang, ne doit pas hésiter à le faire. Il faut également encourager les plus jeunes générations, nées avec un téléphone en main, en modernisant le système de don de sang. Pourquoi, par exemple, ne pas relier l’historique des dons de sang et le groupe sanguin d’une personne à l’application d’urgence des smartphones ? Ou encore, permettre à chacun de posséder son dossier médical et d’en autoriser l’accès aux prestataires de soins si besoin ?

Nous devons tous faire un effort pour renforcer les réserves de sang locales, nationales et internationales, ainsi que le système dans son ensemble.