Via, l'invisible géant de la mobilité B2B

Via, l'invisible géant de la mobilité B2B Valorisée à plus de deux milliards de dollars, cette start-up new-yorkaise offre des technologies de trajets partagés à la demande à une centaine d'opérateurs de transports dans 70 villes du monde, dont une dizaine en France.

Fin mars, le monde se calfeutre pour résister à l'épidémie du coronavirus. Les start-up de mobilités voient leur activité et leurs valorisations s'évaporer. Les fonds coupent le robinet de l'investissement. Et pendant ce temps-là, Via, une start-up new-yorkaise, lève 200 millions de dollars, portant sa valorisation à 2,25 milliards et son total de fonds levés à près de 600 millions. Un signal de confiance de la part des investisseurs, alors que les incertitudes étaient au plus haut dans le secteur des mobilités. Il faut dire que l'entreprise a su atteindre une échelle importante depuis sa création en 2012 en nouant des partenariats avec une centaine d'autorités de transport dans 70 villes et 20 pays, principalement en Amérique du Nord et en Europe.

La spécialité de Via : des technologies en marque blanche permettant de trouver et grouper des passagers pour trajets partagés en VTC, en navette, en bus, ou via des appareils adaptés aux personnes à mobilité réduite. "Nous avons développé toute une infrastructure numérique pour gérer ces services avec une application pour les utilisateurs, une pour les chauffeurs, un algorithme de mise en relation et d'optimisation des trajets, ainsi que des modèles de gestion des flottes et une plateforme d'analyse de leurs performances", détaille Bertrand Parizot, directeur France, Belgique et Suisse de Via.

Du VTC aux transports en commun

La start-up a commencé par opérer son propre service de navettes partagées à la Uber Pool à New York, avec des chauffeurs sous statut d'auto-entrepreneur. Une première étape pour construire sa marque, avant de basculer vers le B2B, principalement au service des opérateurs et autorités de transport. Pour certains clients, Via continue d'opérer lui-même le service, c'est par exemple le cas à Berlin, où l'entreprise a décroché la gestion de Berlin König, un service premium de vans partagés (4,50 euros par trajet puis facturation au kilomètre) complémentaire du réseau de transport en commun de l'opérateur BVG (les chauffeurs sont employés par BVG).

Pour d'autres clients, Via fournit uniquement ses outils et se rémunère via une licence d'utilisation. "A l'échelle mondiale, nous opérons nous-mêmes la moitié de nos contrats, tandis que l'autre moitié de nos clients gèrent eux-mêmes nos outils", précise Bertrand Parizot. "En France, c'est le modèle 100% numérique qui prévaut", ajoute-t-il. Via a commencé à démarcher l'Hexagone en 2019. Embarquée dans les appels d'offres de l'opérateur de transport Keolis (filiale de la SNCF), la start-up a pu déployer ses solutions dans une petite dizaine de territoires. L'entreprise ne communique pas son chiffre d'affaires en France, mais Bertrand Parizot précise tout de même que certains de ces contrats portent sur "plusieurs dizaines de millions d'euros" chacun, étalés sur plusieurs années, tandis que d'autres se comptent plutôt en centaines de milliers d'euros. 

Entièrement paramétrable

L'offre est entièrement paramétrable en fonction de la qualité de service souhaitée et des moyens des collectivités. Car opérer un service de transport à la demande partagé nécessite d'arbitrer entre toutes sortes de paramètres : des passages plus ou moins fréquents (donc plus ou moins rentables selon le remplissage), des détours plus ou moins longs de la navette pour récupérer d'autres passagers, un temps de marche raisonnable à l'arrivée (les passagers ne sont pas déposés à l'adresse exacte de destination)… A Tours et Nancy, les services de navettes ont été transformés pendant la crise du coronavirus pour être réservés aux soignants en autorisant seulement les réservations provenant de leurs adresses. 

Très centrée sur les navettes de moins de dix places à ses débuts, Via a étendu son offre aux bus. "Les usagers peuvent réserver à l'avance, afin d'avoir une place assise garantie, ou pour limiter le nombre de personnes à bord, ce qui a été utile durant le confinement," explique Bertrand Parizot. Les lignes peuvent aussi être paramétrées pour ne s'arrêter qu'à certains arrêts la nuit, ou au contraire accepter des détours pour déposer les utilisateurs plus près de chez eux pour des raisons de sécurité. 

L'ombre d'Uber

Parmi les clients de ces bus à la demande, on peut citer Aix-en-Provence, ainsi que les célèbres bus scolaires jaunes de New York, pour lesquels Via ajoute une couche numérique, permettant aux écoliers et à leurs parents de savoir en temps réel si le bus est déjà passé à leur arrêt. A Londres, la start-up a remplacé une ligne de bus par des navettes à la demande. "Le temps d'attente moyen était de 30 à 40 minutes. Avec les navettes, il est descendu à 10 minutes, avec 60% de kilomètres roulés en moins", se satisfait Bertand Parizot. Via propose aussi ce service à quelques clients privés, comme Google dans la Silicon Valley, ou les sièges des groupes allemands Daimler (l'un des investisseurs de Via) et BASF.

Pour continuer à se développer, Via prépare une solution de gestion d'offre de transport multimodale qui permettra à ses clients d'offrir des trajets combinant ses navettes et bus avec d'autres moyens de transport publics ou privés. Si l'entreprise doit affronter des concurrents comme Padam en France, elle n'a pour l'instant pas de rival mondial de son calibre. Mais pour combien de temps encore ? En juin, Uber a annoncé la commercialisation de l'accès à sa plateforme et à ses algorithmes de mise en relation auprès des opérateurs de transport. Son tout premier client, le comté de Marin près de San Francisco, a lâché Via pour proposer ses navettes à la demande sur le puissant réseau de la plateforme VTC.