Les chantiers d'Alan pour assurer sa croissance

Les chantiers d'Alan pour assurer sa croissance L'assurtech française compte atteindre 100 000 assurés et 100 millions de revenus d'ici fin 2020. Dans son viseur : les grandes entreprises et la future loi sur l'assurance santé.

Il est rare de voir une campagne de publicité pour un assureur dans le métro. Encore plus rare de voir des affiches humoristiques vertes pétantes dont la mascotte est un petit animal blanc non identifié. "C'est un secret que nous dévoilons seulement à nos utilisateurs", glisse avec malice Charles Gorintin, cofondateur d'Alan, une assurance santé 100% en ligne. Créée en 2016, cette start-up de l'assurance, ou assurtech, est la première société indépendante à avoir décroché un agrément d'assureur depuis… 1986. Ce qui lui permet d'assurer le risque, contrairement à la plupart des start-up de l'assurance qui détiennent un statut de courtier.

Alan se démarque des assureurs traditionnels en proposant un parcours client simple, sans papier et un service client très réactif (le temps de réponse médian est de deux minutes). "On est une entreprise technologique qui fait de l'assurance alors que les gros assureurs sont des entreprises qui font de l'actuariat", résume le dirigeant. "Nous nous concentrons plus sur l'expérience utilisateur que sur le calcul des primes." En revanche, les tarifs pratiqués par Alan sont équivalents à ceux des grands assureurs. La jeune société propose une offre basique à partir de 50 euros par mois et une offre premium à partir de 70 euros, qui permet d'être mieux remboursé quel que soit le médecin consulté. En 2017, Alan s'est lancé dans la prévoyance, cette fois en partenariat avec CNP Assurances, un de ses actionnaires. Depuis 2018, elle propose également des services complémentaires comme une carte interactive qui permet aux assurés de trouver un médecin à proximité et ses tarifs. Elle s'est aussi associée avec Livi, une start-up suédoise qui propose de la télémédecine via smartphone et avec le français Petit Bambou, éditeur d'une application de méditation.

"Nous nous concentrons plus sur l'expérience utilisateur que sur le calcul des primes" 

A ce jour, la jeune société revendique 2 300 entreprises clientes de moins de 500 salariés et couvre 30 000 personnes. Parmi ses clients, Le Slip Français, My Little Paris ou encore la pépite française des crypto-monnaies Ledger. "Les entreprises qui ont signé chez nous deviennent de plus en plus grosses et nous ciblons désormais de plus grandes entreprises", confie Charles Gorintin. Pour conquérir des sociétés de tailles plus importantes, Alan a prévu de recruter des commerciaux mais aussi des profils techniques (développeurs, data scientists…). Au total, elle prévoit de passer de 100 à 175 salariés d'ici la fin de l'année. Ce recrutement massif est possible grâce à sa dernière levée de fonds de 40 millions d'euros en février dernier. Depuis sa création, l'assurtech française a levé 75 millions d'euros, ce qui la place dans le top 3 des start-up du secteur les plus financées. Ce nouveau financement doit lui permettre d'atteindre son objectif de 100 000 assurés et 100 millions d'euros d'ici fin 2020. Aujourd'hui, Alan enregistre 25 millions d'euros de chiffre d'affaires récurrent (chiffre d'affaires du mois en cours multiplié par 12), soit sept fois plus qu'en 2017. Une fois ces caps symboliques atteints, Alan envisage de s'implanter à l'international mais rien n'est arrêté pour l'instant. L'hétérogénéité des systèmes de santé en Europe ne rend pas la tâche aisée.

Une bataille législative en vue 

En attendant, Alan a dans son viseur un gros chantier pour 2019 : la future loi sur l'assurance santé. En février dernier, le groupe LREM à l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi visant à permettre la résiliation à tout moment d'une assurance complémentaire santé après une année de contrat. C'est en fait une extension de la loi Hamon (1er janvier 2015) qui concerne les contrats d'assurance auto, moto et habitation. La proposition de loi sur l'assurance santé a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale et est actuellement en discussion au Sénat. La mesure pourrait entrer ainsi en vigueur au plus tard en décembre 2020. De son côté, Alan est déjà prêt. "Nous permettons depuis deux ans à nos assurés de résilier à tout moment", précise Charles Gorintin. Pour le dirigeant, la difficulté d'application vient du lobbying des assureurs. "Ils se basent plus sur leurs propres intérêts que sur ceux des consommateurs", juge-t-il. Le lobby des institutions de prévoyance, les représentants des assureurs et des mutuelles critiquent une mesure qui serait "porteuse de risques majeurs et totalement contradictoire avec la volonté d'agir en faveur du pouvoir d'achat des Français."

Un article paru dans Le Figaro Tech

Cet article est originellement paru le 14 mai dans Le Figaro Tech, supplément trimestriel du quotidien Le Figaro, fruit de la collaboration entre les équipes du Figaro Economie et du JDN. Objectif de ce cahier : créer un point de repère dans l'innovation technologique, pour distinguer les modes des phénomènes de fond.