Laurent Glaser (Leroy Merlin) "Enki Connect va devenir le fer de lance de Leroy Merlin dans le domaine du confort connecté"

L'enseigne française de bricolage annonce onze nouveaux produits dans l'éclairage. Une occasion pour Laurent Glaser, directeur stratégie et prospective Maison Connectée de Leroy Merlin, de dresser le bilan des cinq ans de la box Enki.

JDN. Leroy Merlin annonce ce mardi 23 mai la commercialisation dans tous ses magasins de onze nouveaux luminaires connectés, dans une gamme appelée Inspire. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous renforcer dans l'éclairage ?

Laurent Glaser. L'avantage d'une enseigne comme Leroy Merlin est de pouvoir analyser les volumes des ventes en magasin pour identifier les produits qui se vendent à grande échelle et pour lesquels il pourrait y avoir une attente de connectivité. C'est ainsi que nous avons observé l'intérêt des clients pour les panneaux Led qu'ils plébiscitent dans leur cuisine, pour les spots encastrables mais aussi pour les projecteurs, un ensemble de produits qui constituent notre nouvelle gamme Inspire. L'éclairage n'est certes pas un secteur phare quand on parle de la smart home, en revanche, tout le monde à de l'éclairage chez soi. Il s'agit de la verticale qui touche le plus grand nombre et qui a du sens pour les habitants. Cette annonce s'inscrit donc dans la continuité des offres d'éclairage que nous avons lancées il y a maintenant deux ans.

Les visites que nous effectuons chez nos clients pour comprendre leurs besoins nous ont aussi conduits à lancer un bouton de commande mural, une attente forte des consommateurs pour commander leurs luminaires sans avoir à sortir leur téléphone. Ces onze nouveaux produits sont ainsi commandables avec des télécommandes, un smartphone, le vocal et ce bouton.

Quels usages observez-vous dans le domaine de l'éclairage intelligent de la smart home ?

La demande pour les produits d'éclairage est en forte progression. Nous ne communiquons pas sur nos ventes mais nous pouvons assurer que 60% de nos comptes clients ont au moins une ampoule ou une prise connectée. Leur objectif est de commander à distance leur éclairage. Autre constat : quand des clients achètent des ampoules connectées, ce n'est pas pour jouer avec les couleurs variées mais pour trouver la teinte qui va leur correspondre. L'éclairage, par sa simplicité, représente pour nous l'usage qui va développer tout le reste dans la smart home.

Ce renforcement de la gamme d'éclairage marque-t-il un recentrage de l'activité d'Enki ?

Non ce n'est pas un recentrage. L'annonce concerne l'éclairage car cela représente un domaine utile aux yeux des clients mais Leroy Merlin a toujours vocation à offrir des solutions connectées sur toutes les verticales de la maison, à savoir la sécurité, le confort énergétique, la motorisation et l'éclairage depuis deux ans maintenant. Nous voulons juste être meilleur dans l'énergie et avoir des développements équilibrés dans chaque verticale. En fin d'année dernière, nous avons avancé sur la sécurité avec de nouvelles caméras et, dans le domaine de la motorisation, nous avons fait évoluer nos modules en intégrant du Zigbee. Ces modules sont pilotables à partir de la box Enki Connect, proposée à moins de 30 euros.

"Enki Connect n'a pas encore atteint les volumes de la première box Enki mais cela va arriver très vite car elle est sur le bon positionnement prix"

Vous parlez de la petite box Enki Connect, dédiée à l'éclairage, mais qu'en est-il de la première box Enki, qui fête ses cinq ans ?

La box Enki va être supplantée par Enki Connect. Son évolution est symptomatique de celle de la smart home : au départ, tous les acteurs ont débuté dans la smart home avec des solutions globales permettant de tout piloter dans la maison afin de l'automatiser et de la faire vivre par elle-même. Enki a ainsi été conçue comme une box multi-protocole, agnostique des marques, pour gérer tout produit. Mais avec le temps, on s'est aperçu que les clients n'adoptent des solutions smart home que pour de petits projets, liés à des usages précis. La nécessité d'Enki n'était pas probante. D'autant que les clients veulent en premier lieu des produits accessibles en termes de prix. Or, Enki est commercialisée à 129 euros. Nous avons donc effectué un virage il y a deux ans en commercialisant des produits en Zigbee et Bluetooth, se passant de la box. L'avantage, c'est que l'on n'a pas de problématique de couverture au sein de l'habitat, ce qui n'est pas le cas du Wifi. Pour une meilleure qualité d'expérience, nous avons commercialisé une gamme d'ampoules en Zigbee, commandables avec la box Enki Connect. L'apprentissage des Français aux sujets smart home s'est ainsi réalisé par l'éclairage et avec cette box. Enki Connect permet aux clients qui veulent piloter leurs objets connectés d'avoir une offre accessible en prix et équilibrée par rapport au prix du produit. Car auparavant, pour piloter une ampoule à 9 euros, les clients devaient se doter de la box à 129 euros. Enki Connect n'a pas encore atteint les volumes de la première box Enki mais cela va arriver très vite car elle est sur le bon positionnement prix.

"Le deuxième constat est l'échec jusqu'à présent du vocal à jouer le rôle d'accélérateur"

Quelles autres évolutions avez-vous perçus en cinq ans ?

En cinq ans, nous en sommes toujours à l'évangélisation du marché, à démontrer l'utilité d'un produit IoT au lieu d'en être à une automatisation complète de la maison par une solution globale. La demande reste toujours focalisée sur un produit répondant à un usage.

Le deuxième constat est l'échec jusqu'à présent du vocal à jouer le rôle d'accélérateur. Nous avions fait le pari que le vocal aboutirait à une adoption massive de la maison connectée en s'implantant dans tous les foyers, ce qui n'est pas encore le cas. Le vocal est beaucoup utilisé dans l'éclairage pour un pilotage des luminaires à distance mais la part des utilisateurs est en train de se stabiliser. Nous espérons que cela viendra.

Que faut-il faire alors selon vous pour dynamiser le marché de la smart home ?

L'IoT a vraiment du sens mais on n'en est pas encore à des taux d'équipement suffisant. La démocratisation de l'IoT ne pourra se faire qu'en accentuant trois critères : la simplicité d'usage, nous avons encore des questions de clients sur l'appairage, c'est donc un aspect à simplifier encore davantage ; l'accessibilité des prix, nous nous appuyons désormais sur nos marques propres pour cela et ces onze luminaires Inspire sont commercialisés à partir de 19,90 euros ; et une meilleure qualité d'expérience prouvant l'utilité des solutions. Matter pourrait représenter une solution pour l'améliorer toujours plus. Le rôle de la connectivité ne sera pas la conception de solutions spectaculaires mais utiles.

"Pour attirer des talents, nous avons ouvert des bureaux à Paris, Bordeaux et Lyon afin que la localisation géographique du siège à Lille ne représente plus un frein"

Quelles sont vos priorités à court terme ?

Notre enjeu numéro 1 est le recrutement de développeurs de haut niveau. Nous rencontrons des pénuries de talents. Pour attirer, nous avons ouvert des bureaux à Paris, Bordeaux et Lyon afin que la localisation géographique du siège à Lille ne représente plus un frein. Nous rappelons également que l'intérêt d'Enki est de développer des applications qui seront rapidement prises en main par les habitants, et pas seulement en France. Nous deuxième priorité concerne justement l'internationalisation de nos gammes, en Italie, Espagne, Portugal et Pologne. Enfin, nous travaillerons ces prochains mois à faire évoluer nos produits existants dans toutes les verticales avant d'annoncer des nouveautés en 2024.

Et à plus long terme ?

Nous sommes convaincus que dans l'IoT, nous allons enfin passer d'une demande de produit à une demande de service via l'énergie. Avec la crise énergétique, ce sujet est devenu une préoccupation de taille car il touche au portefeuille des clients. Et l'électricité implique un service : tout le monde peut acheter et installer des ampoules connectées. En revanche, quand il s'agit d'électricité, les Français sont moins à l'aise. Ce qui explique l'intérêt pour nos services ayant trait à la mise en marche de solutions de pilotage du chauffage. Notre objectif est d'utiliser la box Enki Connect comme notre fer de lance dans le domaine du confort. Elle va donc intégrer courant 2024 des fonctionnalités liées à l'énergie. A ce moment-là, je n'ai aucun doute que sa commercialisation dépassera en nombre celle de la première box Enki. Grâce à l'énergie, la smart home va s'implanter à plus ou moins grande vitesse dans les foyers.

Laurent Glaser a commencé sa carrière dans les télécoms. Après sept années chez Sagem, il a rejoint Leroy Merlin où il a occupé différents postes pendant vingt-cinq ans. Il a été pendant cinq ans directeur général délégué de Leroy Merlin France avant d'intégrer l'équipe Enki. Il est actuellement en charge de la stratégie et de la prospective Maison connectée.