De nombreux indicateurs témoignent de l’affaiblissement de la capacité d’innovation de l’Europe. Heureusement, il existe un programme pour y remédier.
L’innovation se transforme, elle est moins dépendante
des dépenses de R&D. Les entreprises qui dépensent le plus en R&D ne
sont pas les plus innovantes (la 3ème place européenne en 2016
revient à Hermès). La R&D se fait moins en interne, elle se globalise en
épousant le tracé des chaînes de valeur, elle a un caractère plus distribué.
De
plus, l’innovation n’est plus définie uniquement en termes de
produits,
processus et services, elle englobe le marketing et l’organisation. Les
indicateurs partiels (recherche fondamentale, recherche appliquée et
développement) ne traduisent qu’imparfaitement les capacités requises au sein
des entreprises pour innover. La question centrale devient celle de
la gouvernance de l’innovation, d’où l’importance stratégique des compétences
managériales de haut niveau.
L’innovation devient plus collaborative. Sur un échantillon
de 1200 innovations retenues par "The R&D 100 Awards", on
constate qu’en 1970 67% des innovations américaines remarquées ont été
produites par des entreprises privées opérant seules.
Ce chiffre chute à 27% en
2010. Ce document confirme la centralité des réseaux dans le processus
d’innovation : en 2010, 67% des innovations retenues relèvent d’une
collaboration inter organisationnelle. Ce qui devient décisif, c’est la
formation d’écosystèmes d’innovation et de production formés de grandes
entreprises et de
PME, d’universités et d’instituts de recherche, de capital-risqueurs.
Ces écosystèmes permettent la diffusion de pratiques innovantes sur les
problèmes de mise à l’échelle et de commercialisation en mettant à la
disposition des participants des biens publics (MIT, 2013):
informations sur les technologies et les produits, cellules de tests et de
certification, audit et conseil, etc. L’accès à ces ressources communes devient
essentiel pour innover.
Par ailleurs, la capacité d’innover dépend de l’intégration
de différents modules de connaissance. Le "
cloud computing" réduit
le coût d’entrée pour les petites entreprises en leur facilitant l’accès à des
plates-formes construites autour de grands opérateurs (Google, Microsoft,
etc.). Emergent des architectures de produits semi-ouvertes cherchant à
maximiser le nombre d’applications disponibles aux utilisateurs et proposées
par des
PME. L’usine automobile évolue vers la norme 4.0, des petites
entreprises développent des applications permettant de personnaliser les
produits lors des phases spécifiques de la chaîne de montage.
De leur côté,
l’impression 3D et la simulation numérique permettent de produire des
prototypes réalistes sans construire les équipements exigés pour produire en
série. Les petites entreprises ont besoin d’accéder à des plates-formes pour
tester leurs connaissances. Au lieu d’être lié à la répétition de la production
en série, l’apprentissage se fait avant la pratique, "before
doing".La capacité d’innovation de l’Union européenne ne sera pas
accrue en cherchant à accroître l’investissement en R&D de tous les pays de
l’Est.
Nombre de ces pays ne disposent pas des capacités pour transformer ces
investissements en brevets, puis en produits commercialisables. Entre 2004 et
2013, six pays dont la Roumanie, la Bulgarie, la Lettonie et la Lituanie ont vu
leur population décroître de 6,35%. Des personnes hautement qualifiées
formaient le gros des flux d’émigration (ZBW 2016).Dans ce contexte, il serait
préférable de canaliser la politique de R&D et d’innovation dans des
directions bien ciblées en leur allouant des ressources financières privilégiées. On peut dépenser beaucoup en R&D
sans aboutir à des innovations correspondant aux besoins des utilisateurs.
L’exemple de l’ex-URSS est, de ce point de vue, très significatif.