Le temps est venu de réconcilier l'entreprise et le sens

La période que nous vivons amène chacun à revoir ses priorités et pour bon nombre d'entre nous à placer la quête de sens dans sa vie, personnelle ou professionnelle, au premier plan.

Cependant au regard des enjeux actuels, il faut accélérer cette transition, casser les frontières entre les acteurs, développer des solutions de financement plus souples et équitables pour que l’impact environnemental et social devienne un véritable moteur économique à toutes les échelles.

En effet, malgré les importants enjeux environnementaux et sociaux auxquels nous faisons face aujourd’hui, l’on constate que beaucoup de projets à impact sont freinés dans leur développement, notamment par les acteurs qui sont censés les accompagner.

Aussi, il est temps de réconcilier business et engagement social, pour que plus de projets engagés puissent trouver une pérennité économique. Mais comment ?

1/ Encourager le "testé et approuvé", le retour d’expérience en priorité et l’itération

Combien de fois avons-nous vu des porteurs de projet s'épuiser à imaginer comment ils vont se structurer (le qui et le comment) avant même de savoir si leur projet a un intérêt, une viabilité (le quoi et le pourquoi) ? Pour un projet engagé, la structuration et l’implication des utilisateurs, bénéficiaires, partenaires et autres parties prenantes à long-terme est certes un sujet de fond et un enjeu, mais il est très souvent mis sur la table trop tôt. Surtout, pour un entrepreneur qui a un temps limité pour lancer son projet. C’est comme si le statut choisi au démarrage était déterminant et que le fait de, par exemple, se lancer en tant que SAS (le statut le plus souple et rapide), le temps de tester et de valider son concept “salissait” la nature et les objectifs du projet.

Certaines structures d’accompagnement sont plus ouvertes d’esprit que d’autres sur ce sujet, mais il y en a encore beaucoup qui amènent les porteurs de projet à travailler sur des montages complexes, alors qu’ils devraient d’abord s’assurer que le projet a une utilité et qu’ils seront en mesure de créer une activité économique durable.

2/ Accepter l’aspect financier même pour des projets d’économie sociale et solidaire

Beaucoup d’acteurs engagés dans le développement d’entreprises à impact bloquent sur des termes comme, "croissance du chiffre d’affaires", "rentabilité", ou encore “séduire les investisseurs” à tort. Ce sont certes des termes fortement lis au capitalisme, mais quand on parle de chiffre d’affaires, on parle du développement de l’activité (et donc de l’impact) !

Quand on parle de rentabilité on ne parle pas forcément de profit exclusif pour les actionnaires mais de la rentabilité nécessaire pour assurer la pérennité des projets et la capacité à recruter ! Ce sont donc des notions indispensables dans une logique de développement durable, des termes qui ne doivent pas faire peur à des porteurs de projet et surtout pas à ceux et celles qui les conseillent.

3/ Mettre la finance au service de sa vision et raison d’être

Enfin, et à l’opposé, il y a aussi des structures pour lesquelles il y a un certain prestige irrationnel lié aux levées de fonds de plusieurs millions auprès de fonds d’investissement. Cela apporte de la visibilité et de la légitimité et devient presque un but en soi.

Or, ouvrir son capital à des acteurs qui ne sont pas directement impactés ou impliqués dans le projet est assez contradictoire avec un objectif d’impact positif.  Par défaut, quand on ouvre son capital à des investisseurs on va devoir partager leur vision, leurs valeurs, et au final leurs objectifs qui sont potentiellement différents. Les objectifs de croissance de l’activité et de croissance de l’impact sont parfois liés mais peuvent aussi être antinomiques. Et, même s’il y a des business angels et des fonds d’investissement très bien intentionnés, les indicateurs financiers deviendront forcément plus importants que l'utilité du projet, ses vertus sociétales et environnementales dans le suivi de l’entreprise.

Afin de s’assurer de ne pas devoir céder à terme sur sa vision et ses objectifs, le porteur de projet doit donc protéger son capital au maximum en choisissant bien ses actionnaires et envisager des sources de financement alternatives, en privilégiant les financements non-dilutifs (sans cession de parts de capital) comme les subventions, les prêts, les royalties ou les avances conditionnées / remboursables. Et, en articulant bien ces différentes sources de financement, c’est possible d’arriver à des montants assez élevés !

Le projet de l'entreprise Naoden en est un bon exemple : cette entreprise spécialisée dans la production d'électricité et de chaleur à partir de déchets de bois a levé 90 000 € en royalties ce qui lui a permis de faire effet de levier auprès d’autres financeurs par la suite (subvention ADEME, prêt d’honneur Réseau Entreprendre, prêt bancaire…) et de gagner du temps pour préparer tranquillement sa levée de fonds en capital. Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps de se poser la question de comment soutenir nos entreprises engagées de manière cohérente et pertinente.