Validité d’un plan de sauvegarde de l’emploi: pas de nullité sans texte
Seule l’absence ou l’insuffisance d’un plan de sauvegarde de l’emploi, et non l’absence de cause économique préexistante, est susceptible d’entraîner la nullité de la procédure de licenciement. Tel est le sens de l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 3 mai 2012.
Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, « constitue un licenciement pour motif
économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs
motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou
transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un
élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des
difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». Constitue
également un motif économique de licenciement au sens de l’article
L. 1233-3 du code du travail, la cessation d’activité ou la réorganisation
nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité.
Dans l’hypothèse où un employeur entend procéder à plus de
neuf licenciements pour motif économique sur une même période de trente jours,
l’article L. 1233-61 du code du travail lui impose de mettre en place des
mesures à même de réduire les conséquences du licenciement, dans le cadre d’un
plan de sauvegarde de l’emploi. Les représentants du personnel de l’entreprise
doivent être consultés en application de l’article L. 1233-28 du code du
travail.
En l’espèce, le comité d’entreprise de la société Vivéo France
SAS a obtenu devant la cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le
12 mai 2011, l’annulation de la procédure de licenciement collectif pour
défaut de cause économique. Se fondant non sur des références textuelles, l’arrêt
étant rendu en l’absence de tout visa, mais sur la logique qui aurait animé le
législateur dans la construction du régime juridique de la procédure de
licenciement collectif pour motif économique, la cour d’appel de Paris retient
que « le défaut de cause économique
constitue une illégalité qui vicie, en amont, la procédure de licenciement
collectif et rend sans objet, donc, nulle et de nul effet, la consultation des
représentants du personnel ». Dès lors, selon la cour d’appel de
Paris, « en présence d’une pareille
illégalité […] il entre dans les
pouvoirs du tribunal de grande instance, juge naturel des conflits collectifs
du travail, de tirer les conséquences de cette illégalité, en annulant la
procédure de consultation engagée et tous ses effets subséquents », et
notamment le plan de sauvegarde de l’emploi.
Or, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’absence de cause économique prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre au salarié le bénéfice d’une indemnité au moins égale à six mois de salaire. En aucun cas, la nullité n’est évoquée. La décision de la cour d’appel de Paris est rendue contra-legem.
C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation, dans une
décision de la chambre sociale du 3 mai 2012, a censuré le raisonnement des
juges de la cour d’appel de Paris. Au visa de l’article L. 1235-10 du code
du travail, aux termes duquel « la
procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des
salariés […] s’intégrant au plan de
sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du
personnel », la Cour de cassation retient que « la procédure de licenciement ne peut être annulée en
considération de la cause économique de licenciement, la validité du plan étant
indépendante de la cause de licenciement ».
La chambre sociale de la Cour régulatrice applique avec
autorité l’adage « pas de nullité sans texte ». En effet, l’article
L. 1235-10 du code du travail prévoit bien la nullité de la procédure de
licenciement collectif, mais dans la seule hypothèse où le plan de reclassement
intégré au plan de sauvegarde de l’emploi n’a pas été présenté par l’employeur
aux représentants du personnel, c’est-à-dire en cas d’absence de plan de
sauvegarde de l’emploi ou d’insuffisance des mesures d’aide au retour à l’emploi
prévues par l’employeur qui figurent dans le plan de sauvegarde de l’emploi.
En définitive, l’arrêt du 3 mai 2012 vient rappeler le
champ des sanctions du défaut de cause économique. Par suite, le juge prud’homal
ne peut qu’accorder des dommages-intérêts pour défaut de cause réelle et
sérieuse aux salariés licenciés. Ne peuvent être prononcées ni la nullité de la
procédure, ni celle du plan de sauvegarde de l’emploi, ni celle des
licenciements, ni la réintégration des salariés licenciés.
Cette décision de la Cour de cassation est empreinte d’orthodoxie
juridique. Certes, un risque existe de voir des entreprises provisionner le
coût des condamnations pour licenciements sans cause réelle et sérieuse et
mettre en œuvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique
sans aucun motif recevable. Il revient au législateur de réduire ce risque en
amendant le régime actuel dans le sens, peut-être, d’un élargissement du champ
des nullités. Mais il n’appartient pas à la Cour de
cassation, serviteur et interprète — mais non rédacteur — de la loi, de le
faire.