Le changement de nom en vertu de l'exécution d'un jugement

Lorsqu'une entreprise est condamnée au titre d'actes de contrefaçon de marque, il lui est logiquement fait interdiction d'utiliser le signe en question. Qu'en est-il en cas d'appel du jugement ?

La condamnation pour contrefaçon de marque est nécessairement accompagnée d'une interdiction d'utiliser le signe qui fait l'objet d'un droit de propriété intellectuelle. Le contrefacteur ne peut donc plus exploiter le nom litigieux, ni en tant que marque d'un produit ou d'un service, ni en tant que nom de société, de nom commercial, voire de nom de domaine sur internet, etc. Généralement, cette interdiction est également assortie de dommages et intérêts dus au titulaire de la marque.

Lorsqu'une telle condamnation est prononcée en première instance, le jugement peut être assorti de l'exécution provisoire, ce qui signifie que, même en cas d'appel, il devra être exécuté. L'appel n'est alors pas suspensif, contrairement à son effet normal. Le risque est alors que celui qui a été reconnu coupable de contrefaçon en première instance doive abandonner son nom, quitte à obtenir gain de cause en appel. La situation n'est pas anodine puisqu'un changement d'identité commerciale est lourd de conséquences. 

Il existe alors un recours devant le premier président de la cour d'appel, qui consiste à tenter d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire, ce qui suppose de démontrer l'existence de conséquences "manifestement excessives" si le jugement devait être exécuté. La preuve du caractère manifestement excessif est relativement difficile à apporter, alors même que chacun comprend qu'un changement de marque ou de dénomination sociale pose, dans tous les cas, un problème au regard de l'identification de l'entreprise vis-à-vis du public comme de ses partenaires commerciaux. Ce recours est donc réputé délicat à manier.

Cependant, le Premier Président de la Cour d'appel de Bordeaux a rendu le 8 juillet dernier une décision remarquable dans une affaire de contrefaçon de marque. En première instance, une société avait été condamnée pour contrefaçon et les sanctions prononcées par le tribunal étaient particulièrement lourdes : interdiction d'utiliser le signe dans sa dénomination sociale, son nom commercial, ses noms de domaine sur internet, obligation de transférer les noms de domaine au demandeur, outre 269.000 euros de dommages et intérêts, le tout assorti de l'exécution provisoire.

La société a donc exercé un recours pour tenter d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire, ce qui, dans ce cas, a fonctionné. Le Premier Président a en effet retenu que les sanctions prononcées en appel étaient manifestement excessives : elles étaient en effet "de nature à arrêter sans délai l'activité des défendeurs condamnés, et actuels appelants, en leur retirant les moyens d'être reconnus de leurs partenaires commerciaux par suppression de leur nom".

De même, le Premier Président a considéré que ces mesures pourraient "porter gravement atteinte à l'honneur et à la réputation professionnels [des appelants], notamment par la publication [de la condamnation] dans des journaux professionnels".

C'est ainsi que l'exécution provisoire a été arrêtée dans l'attente de l'arrêt d'appel, une solution justifiée au regard du risque encouru par la société appelante. Il a déjà été jugé que la radiation d'une marque jugée contrefaisante en première instance, condamnation assortie de l'exécution provisoire, était manifestement excessive compte tenu d'un appel. Qu'on se le dise, ce recours n'est pas systématiquement voué à l'échec !