Nos futurs environnements professionnels, directement inspirés d'Animal Crossing ?

Dans un contexte où Animal Crossing et Fortnite sont devenus les nouvelles vedettes de nos écrans en confinement, combien de temps faudra-t-il pour que ces campus virtuels investissent aussi nos existences professionnelles ?

Alors que la scolarité de 1,6 milliards d’enfants a été affectée dans les derniers mois et que le télétravail est devenu le lot quotidien d’un grand nombre de salariés, qu’en est-il de l’usage de “tiers-lieux digitaux”  au-delà des outils de visio ou audio-conférence habituellement plébiscités ? Dans un contexte où Nintendo a vendu un nombre record de Switches et où Animal Crossing et Fortnite sont devenus les nouvelles vedettes de nos écrans en confinement, combien de temps faudra-t-il pour que ces campus virtuels investissent aussi nos existences professionnelles ? 

Les plateformes de jeux : des espace virtuels illimités  ?

Durant les derniers mois, ces plateformes ont été parfois détournées au profit de nouveaux usages : des défilés de mode sur Animal Crossing (à l’exemple Gemo en France), des mariages organisés sur World of Warcraft, mais aussi des concerts comme ceux de Travis Scott sur Fortnite qui ont réuni plus de 27 millions de spectateurs. Il est intéressant de noter que les mondes virtuels ont été favorisés pour recréer des ambiances plus détendues et plus engageantes, et surtout offrent virtuellement “plus d’espace ” et de liberté de mouvement que d’autres outils en ligne plus conventionnels comme la visio ou l’audio-conférence qui semblent accentuer le phénomène de “confinement” et ne sont pas toujours adaptés à un volume de participants importants. 

Le campus virtuel, une alternative sérieuse 

Ces campus virtuels ont-ils pour autant percés auprès des acteurs de l’éducation et des entreprises ?  En me penchant sur cette question, je tombe sur l’initiative d’un groupe d’étudiants du MIT qui a utilisé Minecraft pour recréer son campus dans les moindres détails, avant que d’autres universités comme celles de Pennsylvanie ou de Brown leur emboîtent le pas. Le but premier de ces campus virtuels était de retrouver un semblant de vie sociale entre étudiants dans des lieux virtuels identiques à ceux où ils ont l’habitude de se retrouver. Avec le temps, les professeurs ont commencé à y donner leurs premiers cours et ce décor a également servi à quelques cérémonies des diplômes, ainsi qu’à des visites de campus pour de futurs étudiants. Les universités se posent sérieusement la question de pérenniser ces campus pour en faire une nouvelle offre digital learning à part entière, au-delà des offres MOOCs qu’elles proposent déjà. 

Ailleurs sur la planète, des institutions ont profité de la crise pour explorer des technologies immersives comme la réalité virtuelle ou augmentée pour des cours d'ingénierie ou de médecine comme par exemple le Digital Learning Hub de l’Imperial College de Londres. L’établissement a lancé l’Immersive Technology Initiative en mettant à disposition d’autres organisations des laboratoires virtuels conçus avec des scientifiques ainsi que des expériences et outils de simulation pour assurer la continuité de la formation de chimistes, biologistes, physiciens, etc.

Des entreprises prises par l'urgence 

Qu’en est-il des publics en entreprise ? Si certaines entreprises semblent s’être aussi mises aux campus virtuels, c’est pour leurs événements externes plutôt que pour leurs propres salariés. En France, par exemple Laval Virtual a accueilli environ 11 200 inscrits, et les nombreux messages de remerciements virtuels témoignent d’une expérience plutôt réussie en dépit de quelques plantages.

Si de nombreux articles se sont penchés ces derniers mois sur d’assurer la continuité des activités professionnelles en ligne, peu ont regardé de près l’univers des campus virtuels. Beaucoup d’entreprises ont réagi dans l’urgence en privilégiant les vidéo ou audio-conférences. Pourtant ces outils bien qu’efficaces semblent lasser les salariés et pire selon des experts les épuiseraient. Ces technologies obligent en effet à être bien concentré (bien plus que dans une discussion en face à face réelle), demandent plus d’effort pour saisir les signes non-verbaux, et ne permettent pas de se “relâcher” durant ces échanges en ligne.

Des signaux faibles pour nos environnements professionnels

Dans ce contexte, les campus virtuels, inspirés des jeux vidéos pourraient apporter une alternative intéressante. D’une part, ils améliorent l’engagement et la rétention des informations par l’immersivité et l’interactivité qu’ils offrent. D’autre part, ils autorisent les participants à ne pas assurer un rôle social permanent et donnent l’illusion d’une liberté de mouvement accrue. Certaines entreprises pionnières tentent déjà d’explorer une vie d’entreprise à 100% sur ces campus comme c’est le cas d’une des plus grosse agence immobilière américaine eXp Realty qui fait collaborer ces 28 000 agents dans un campus virtuel, ou encore de Facebook qui se penche déjà sur la réalité mixte au bureau pour ses propres équipes. Ces signes avant-coureurs devraient interpeller les entreprises et les encourager à explorer plus profondément cette voie une fois l’urgence de la crise actuelle passée.