Adrien Vincent (Ermes) "Ermes aidera les marques à cerner les comportements de consommation des Français au sortir du confinement"

Le nouveau directeur général de la plateforme lancée par Marco Tinelli revient sur les raisons de son arrivée et explique comment Ermes se différencie de la concurrence.

JDN. Vous venez de rejoindre Ermes, la plateforme de data marketing récemment lancée par Marco Tinelli, pour en prendre la direction générale. Pourquoi ?

Adrien Vincent est directeur général d'Ermes. © Fabien Lemaire - S. de P. Ermes

Adrien Vincent. J'avais envie de rejoindre un projet au périmètre plus large que celui de relevanC, la filiale data du groupe Casino que j'ai quittée début 2019. Avec Ermes, je peux travailler de manière complètement agnostique, sans être dépendant d'un distributeur ou d'une seule source de données. Ermes c'est la synthèse de mes expériences professionnelles passées. De l'achat média et du offline, que j'ai pratiqués chez WPP et Nextedia, mais aussi de la tech et de la data, auxquels j'ai touchés chez Fullsix et RelevanC. Reste enfin la vision de Marco Tinelli, à savoir faire de la data un levier marketing facile à activer, à grande échelle.

C'est-à-dire ?

On parle depuis plusieurs années déjà du marketing de précision, soit la capacité à adresser le bon message à la bonne personne. C'est beaucoup pratiqué en CRM mais c'est plus compliqué à faire de manière plus globale en marketing. Les marques peinent à sortir leurs projets du stade de proof of concept (PoC), notamment parce que les prestataires sont aussi nombreux qu'éparpillés. Chez Ermes, nous voulons faire du marketing de précision à grande échelle. Cela implique de travailler avec toutes les plateformes, Facebook et Google y compris. Cela implique aussi de ne pas se contenter du digital. Vous l'aurez compris, nous voulons appliquer les recettes du digital à tous les médias : la presse, la télévision, la radio et même le prospectus papier.

Comment vous y prenez-vous concrètement ?

"Nous disposons d'informations sur 360 critères socio-démo, comportementaux et de centres d'intérêts pour 29 millions de profils"

Tout cela est rendu possible par la richesse de notre base de données qui nous permet d'identifier des comportements de consommation. Nous nous appuyons sur une base de 50 millions de profils, pour la plupart reliés à un email hashé. Dans un monde qui va s'affranchir du cookie, l'email hashé va devenir une clé de réconciliation prioritaire. Cette base de données se nourrit des données récoltées par Temelio, spécialiste du CRM onboarding que nous avons racheté en 2019, et des partenariats que nous nouons avec des sociétés détenant de la data. C'est par exemple le cas de Fnac-Darty, dont nous exploitons la donnée transactionnelle depuis septembre 2019.

Nous disposons d'informations sur 360 critères socio-démo, comportementaux et de centres d'intérêts pour 29 millions de profils. L'objectif, c'est d'enrichir les 21 millions de profils restants dans notre base pour arriver au même niveau d'information. Pour y arriver, nous allons continuer à nouer des partenariats car les candidats ne manquent pas. C'est pour eux l'occasion de développer une nouvelle source de revenus et de mieux comprendre leurs utilisateurs.

Vous prenez vos fonctions en pleine crise du coronavirus, quel est l'impact sur votre activité ?

Nous sommes tous éparpillés, chacun chez soi en télétravail, comme dans la plupart des entreprises aujourd'hui. Cela reste problématique pour une start-up comme la nôtre, qui a besoin du contact physique et des réunions informelles pour faire des points et avancer. Passé la sidération des premiers jours et l'immobilisme qui va avec - beaucoup de marques ont tout coupé, on voit aujourd'hui que les gens se projettent sur la sortie du confinement, la libération comme nous l'appelons en interne. Notre enjeu sera de comprendre les comportements de consommation des Français à ce moment-là et, bien évidemment, d'accompagner nos clients pour les adresser aux mieux. Nous estimons qu'il y aura quatre types de comportements : ceux qui sont traumatisés et ne consomment presque plus, ceux qui à l'inverse vont consommer à l'excès. Entre les deux, deux populations aux comportements plus modérés mais tout aussi polarisés : des fourmis qui vont sortir plus lentement du confinement et avoir une attitude plus mesurée dans leurs achats, et ce qu'on peut appeler des cigales conscientes, à savoir une population qui voudra toujours consommer mais en respectant certains principes, comme le consommer local, par exemple.

Chaque crise s'accompagne de changements assez profonds, de remises en cause des modèles existants. Et nous pensons être d'autant mieux positionnés que les agences voudront faire des économies et être plus agiles au sortir de cette crise. A nous de capter tous les signaux faibles de leurs consommateurs et prospects pour les y aider.

Quels sont les champs d'action d'Ermes ?

L'activité d'Ermes est structurée autour de trois métiers. D'abord, tout ce qui touche à la donnée, qu'il s'agisse de croiser des bases de données, de les enrichir ou de les onboarder, pour retrouver des utilisateurs offline ou online. C'est le métier historique de Temelio. Ensuite tout ce qui touche au médiaplanning et au ciblage. Il s'agit de partir d'insights consommateurs pour nourrir la stratégie d'acquisition, en programmatique, grâce aux DSP DV 360 et Xandr en open auction, mais aussi au sein de plateformes comme Google, Facebook, Snap. Nous le proposons bien sûr pour les médias offline, comme la télévision, la presse papier et les autres. Car nous voulons automatiser l'ensemble des achats médias. Les trois-quarts de nos plus de quarante collaborateurs ont un background tech ou data sciences.

"Les trois blocs data, média et mesure de la performance font d'Ermes une meta-plateforme de marketing"

La dernière activité, c'est la mesure de la performance. Le but n'est pas de se substituer à un Google Analytics mais d'offrir une vision plus large, qui dépasse le digital. Il s'agit, grâce à des partenariats avec les distributeurs, de lier des impressions publicitaires avec des ventes offline. Et de le faire de manière claire et concise. Les directeurs généraux ou directeurs marketing souffrent de la complexité du digital. Ils savent que ce dernier joue un rôle indispensable dans leur stratégie d'acquisition mais se heurtent à l'ésotérisme du secteur. Nous voulons apporter un peu de simplicité là-dessus et en finir avec les tableaux de bord incompréhensibles. Ces trois blocs "data, média et mesure de la performance" font d'Ermes une meta-plateforme de marketing.

Où en êtes-vous côté business ?

Nous avons réalisé 3 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, dont une bonne partie provient de Temelio. Nous voulons tripler ce montant en 2020. L'activité se répartit entre une offre de managed-services, où nous gérons tout de A à Z pour nos clients, et une offre de self-service, où les clients sont autonomes dans la prise en main de la plateforme. Cette dernière offre pèse pour l'instant 30% de nos revenus mais est amenée à grandir. L'idée c'est d'équilibrer les deux activités. Nous travaillons aussi bien avec les agences qu'avec les annonceurs en direct. Parmi nos premiers clients, on peut citer Pernod Ricard, BNP, Peugeot et des plus petites structures comme Cheerz et LeCiseau.

Diplômé de l'ESSEC en 2002, Adrien Vincent est passé par des agences média comme UN77 du groupe Nextedia et KR Media chez Group. En juin 2016, il rejoint le groupe Fullsix (Havas Group) en tant que directeur général de Fullsix Media. Il avait rejoint RelevanC, projet data du groupe Casino, début 2018.