Que comprendre de la "bienveillance fiscale" du gouvernement ?

Depuis le 20 avril et dans un contexte de confinement inédit, 17 millions de foyers imposables à l'impôt sur le revenu sont invités à effectuer leur déclaration et à vérifier, puisque nos déclarations sont à présent pré-remplies depuis la mise en place du prélèvement à la source, l'exactitude des informations qui y figurent avant de la valider.

Récemment, Bercy a même mis en place un site Internet dont l’adresse est pour le moins explicite : oups.gouv.fr, pour celles et ceux qui se seraient trompés ou qui auraient "peur" de se tromper dans leur déclaration… La création du site s’inscrit dans le "droit à l’erreur" voté par les parlementaires en août 2018. Alors que pour les entreprises, les contrôles fiscaux ont été suspendus, et que les agents publics ont reçu une consigne de "bienveillance fiscale" vis-à-vis des particuliers, plusieurs questions se posent. 

Que comprendre de la bienveillance fiscale préconisée par le gouvernement ?  

Alors que les combats faisaient rage et que les obus pleuvaient sans discontinuer dans les tranchées de la Marne en 1914, les soldats des deux camps s’accordaient sur une trêve le temps de Noël…

La guerre que nous traversons en ce moment ne tombe pas du ciel à grand fracas mais il s’agit pourtant bien d’une guerre car celle-ci fait et va continuer à faire des victimes. Des victimes sanitaires mais également, malheureusement demain, des victimes économiques et financières. Si, en temps "normal", les fonctionnaires de Bercy ont pour mission de veiller à la bonne perception de l’impôt (si chère à Colbert) et à attraper et "réprimer" les tricheurs et/ou contrevenants, la période actuelle justifie une trêve. Ne pas rajouter du mal au mal, de l’angoisse à l’angoisse, de l’asphyxie à l’asphyxie. D’un côté, le gouvernement va devoir désespérément se mettre en quête de capitaux pour "renflouer les caisses" et cela passera forcément par de nouvelles mesures fiscales mais pas maintenant, pas aujourd’hui, pas tout de suite. Nous devons épouser le rythme du temps. Demain nous allons ressortir, nous déconfiner et entamer la longue reconstruction. Après demain, nous remettrons les contrôleurs fiscaux en action, mais pour le moment, faisons une pause, faisons une trêve.

Sur quel type de réductions d'impôt peut-on compter au moment de la crise ? 

Pour le moment, aucune mesure spéciale n’a "encore" été prise ni annoncée par le gouvernement pour réduire ou optimiser davantage sa fiscalité en cette période de crise, au-delà des centaines de mécanismes, de règles ou de lois qui permettent déjà de le faire.

J’aurais aimé pouvoir vous rappeler que les emplois à domicile (nettoyage de maison, jardinage, garde d’enfants ou soutien scolaire par exemple) ouvrent droit à une réduction de 50% de la somme versée (dans une certaine limite) mais malheureusement, en raison du confinement, ce type de services, comme tant d’autres, n'ont pu être fournis momentanément… Heureusement la déclaration concerne les revenus de 2019, à l’époque tout était alors… "normal". Mais, si ce n'est pas déjà fait, n’oubliez pas de réactiver ces services en devenant vous aussi acteur de la relance du pays.

Autre rappel en cette période déclarative qui pour le coup est tristement d’actualité : les dons aux associations ouvrent droit à une réduction d’impôts de 66% sur la somme versée. Aussi, si vous avez effectué des dons l’année dernière, n’oubliez pas de les indiquer dans votre déclaration (l‘administration fiscale n’en ayant pas connaissance en amont). Vous pourrez alors profiter d’un allègement d’impôts.

Même si nous nous attendons très probablement prochainement à l’annonce de nouvelles mesures d’allègements d’impôts incitatives à l’investissement immobilier en France pour relancer ce secteur ultra stratégique pour l’économie du pays, rien pour le moment n’a encore été annoncé. Pour rappel, et au-delà de certaines croyances ou fantasmes, les lois communément dites de "défiscalisation" dans l’immobilier font travailler des dizaines de milliers de personnes directement ou indirectement : le bâtiment bien évidemment, mais également les notaires, les agents immobiliers et les conseillers en gestion de patrimoine, les banques, les syndics, les assurances etc… et toutes ces économies parallèles grâce à cette activité vont payer de la TVA, des charges, des salaires et dépenser de l’argent pour tourner. Ce cercle est vertueux et sera très probablement soutenu par une nouvelle mesure forte et incitative.

Rétablissement de l'ISF : une bonne idée pour combler la dette ? 

L’ISF n’est plus un impôt depuis bien longtemps. Il s’agit d’un symbole. Déjà avant sa nécessaire réforme par l’actuel président Emmanuel Macron, sa collecte "coûtait" plus cher à l’Etat que ses recettes : 1,6% du PIB de la France, et moins de 2% des Français étaient concernés. Un impôt qui en plus de n’avoir aucun intérêt d’un point de vue financier donc avait un effet contre-productif profond et bien plus grave pour le pays, à savoir la fuite des "vilains" fortunés taxés pour leur réussite et qui du coup, lassés de cette chasse aux sorcières, préféraient aller créer des emplois et de la valeur ailleurs… A deux heures de Paris en Thalys par exemple. Emmanuel Macron avait réussi l’épreuve de force qu’aucun de ses prédécesseurs n’avaient jusqu’ici réussi à faire, à savoir l’alléger un peu en le transformant en IFI. Son rétablissement ne serait qu’une seule et unique mesure démagogique et politique pour calmer certaines ardeurs… Rétablir l’ISF reviendrait à s’auto mutiler encore davantage.

Plus que jamais la compétition mondiale entre les pays sera féroce en sortie de crise. Chaque Etat sera pressé de renouer avec la croissance, de faire repartir son économie pour aider au retour à l’emploi notamment mis également pour entamer le renflouage des caisses. Pour y arriver, la France doit à la fois combiner la juste recette fiscale entre allègements, soutien massif et facilitations pour certains acteurs clés ou stratégiques mais également en profiter pour se réformer, enfin, profondément. Au moment où je rédige ce texte, la Chine a annoncé que ses exportations pour avril étaient bien reparties. L’Empire du Milieu est déjà en ordre de marche, déjà sur pied et déjà au travail. Il est temps pour nous d’accepter la situation, de faire preuve de pragmatisme, de courage, de détermination mais surtout d’une volonté et d’une combativité absolue pour traverser cette épreuve comme l’Humanité a su traverser les nombreuses étapes du passé.