Comment protéger ses enfants d'une première union en cas de remariage ?

Comment protéger ses enfants d'une première union en cas de remariage ? Les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses, mais comment protéger vos enfants en cas de remariage ? Éléments de réponse.

Les enfants sont protégés par le Code civil et ne peuvent être déshérités. La loi impose en effet une réserve héréditaire. "Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse à son décès qu'un enfant ; le tiers, s'il laisse deux enfants ; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre", peut-on lire à l'article 913 du Code civil.

Mais que se passe-t-il en cas de remariage ? Les intérêts du conjoint (du beau-parent) peuvent léser les enfants d'une première union des biens de son parent remarié. Sans lien de parenté avec le conjoint, ils n'en hériteront pas. Dès lors que vous vous mariez avec une personne qui n'est pas la mère ou le père de vos enfants, il faut se soucier de la succession. Ainsi, il est conseillé de prendre certaines dispositions pour ses enfants d'une précédente relation avant de se remarier.

Pour ce faire, il est recommandé d'établir un état des lieux, en vous rendant chez un notaire. Objectif, "dresser la situation des deux futurs époux", expose Elsa Bonnet, notaire spécialisée dans le droit de la famille. "On va évaluer plusieurs choses : leurs besoins, leur patrimoine, leurs intentions et leur situation familiale avant mariage, détaille la spécialiste. Il importe de dresser la liste des biens propres à chacun et la liste des biens que chacun souhaite transmettre à ses enfants d'une première union, le bilan des dispositions déjà prises s'il y en a (donation au dernier des vivants, donations faites aux enfants, testament...), les bénéficiaires des contrats d'assurance-vie, les besoins du conjoint survivant en cas de décès de l'autre conjoint."

Prenez rendez-vous chez le notaire

Autant de paramètres qui, s'ils sont bien cadrés avant de se remarier, évitent des conflits par la suite, surtout s'il y a des enfants issus de la nouvelle union. Au vu de la situation respective des deux futurs époux, le notaire vous aidera à choisir le contrat de mariage le mieux approprié.

S'il n'y a pas d'enfants de la nouvelle union, et que les deux époux ont seulement des enfants d'une précédente union, la loi successorale stipule que 25% de l'ensemble du patrimoine du défunt est réservé en pleine propriété à l'époux survivant. Ce dernier ne peut pas décider seul du sort des biens indivis. En outre, le conjoint survivant détient un droit de jouissance à vie sur le logement qui est sa résidence principale. Si la succession ne comporte pas d'autre bien que ce logement, les enfants ne touchent leur héritage qu'au moment où le conjoint survivant quitte le logement. S'il y a d'autres biens, ceux-ci rentrent dans le cadre d'une succession classique parents-enfants.

Gare à l'ordre de décès

Que se passe-t-il lorsque l'un des conjoints décède ? Si 25% de son patrimoine va au conjoint survivant, le reste à ses enfants à parts égales. Toutefois, comme le souligne Emmanuelle Aulagnon, avocate spécialisée en droit de succession, "les enfants du premier conjoint décédé peuvent être vraiment désavantagés selon l'ordre de décès". "Au premier décès, un quart du patrimoine du défunt va à son conjoint, rappelle-t-elle. Quand ce dernier décédera à son tour, sa part ira seulement à ses propres enfants (ou à sa propre descendance). On assiste alors à un déséquilibre, car les enfants du premier défunt vont se rendre compte qu'un quart du patrimoine de leur parent ira aux enfants de leur belle-mère ou beau-père". L'ordre des décès a ainsi toute son importance, puisque les enfants du premier défunt sont désavantagés à terme, et ceux du second, plutôt privilégiés.

Prenons l'exemple d'un homme ayant un enfant d'une première union. Il se remarie. Sa nouvelle épouse a deux filles. L'homme possède 100 000 euros, tandis que l'épouse dispose d'un patrimoine évalué à 150 000 euros. Ils n'ont pas d'enfants ensemble. Le fils de l'époux sera lésé si son père meurt en premier, et à l'inverse, avantagé si sa belle-mère meurt en premier.

Les enfants avantagés ou non

Dans le cas de figure où l'épouse décède en premier, son épouse perçoit un quart, soit 25 000 euros, tandis que le fils perçoit le reste, soit 75 000 euros. Les belles-filles, elles, ne reçoivent rien, puisqu'il n'y a pas de lien de parenté. Toujours dans ce cas de figure, au décès de l'épouse, le patrimoine de celle-ci s'élève désormais à 175 000 euros (150 000 euros, auxquels s'ajoutent les 25 000 euros hérités après le décès de son mari). Les deux filles héritent donc de 87 500 euros chacune.

Prenons maintenant le cas inverse. Si madame décède en premier, il y a 150 000 euros en jeu dans la succession. Son époux reçoit un quart, soit 37 500 euros et ses filles se partagent le reste, soit 56 250 euros chacune. Au décès du conjoint survivant, le patrimoine de l'époux est de 137 500 euros. Dans ce cas précis, c'est son fils qui reçoit la totalité. 

Familles recomposées, anticipez

Vous avez eu des enfants de votre nouvelle union ? Accrochez-vous, car la situation est encore plus complexe. En effet, les droits ne sont pas les mêmes pour tous les enfants, en fonction de leur lien de parenté avec le couple (parents ou beaux-parents). Là encore, prendre conseil auprès d'un notaire est chaudement recommandé, surtout s'il y a un patrimoine important. Le JDN vous donne 3 conseils : 

  1. Pensez à la donation : elle vous permet de protéger vos enfants d'une première union. Elle constitue une anticipation sur héritage. Si vous avez un seul enfant, optez pour une donation simple. Si vous en avez plusieurs, réalisez une donation partagée. Au moment de la succession, le ou les enfants bénéficiaires devront rendre des comptes aux autres héritiers et vérifier que le don n'a pas entamé la part obligatoire des héritiers réservataires. "Le donateur répartit comme il le souhaite son patrimoine entre tous ses enfants, souligne Emmanuelle Aulagnon. Il peut donc décider d'en accorder une part plus importante à ses aînés d'une première union, pour compenser aussi les 25% qui iront au beau-père ou à la belle-mère puis a ses enfants directs."
  2. Prévoyez une assurance-vie : elle constitue une bonne solution dans la mesure où elle n'entre pas dans l'actif successoral. Le bénéficiaire en hérite au décès de celui qui a souscrit le contrat d'assurance-vie. Attention toutefois. "Le contrat d'assurance-vie doit être souscrit et alimenté avant le remariage, car à défaut, le conjoint survivant peut réclamer en justice une indemnisation pour ses beaux-enfants, au prétexte que l'assurance-vie a été financée par de l'argent commun au couple", avertit Victoria Ferrero, avocate à Paris. 
  3. Rédigez votre testament sans attendre : l'objectif est de diminuer la part légale de 25% du patrimoine, dont le conjoint survivant hérite de façon à mieux protéger le ou les enfants d'une première union. Dans les faits, le conjoint survivant recevra toujours un quart en pleine propriété du patrimoine du défunt, dépossédant ainsi définitivement les aînés de ce dernier d'une partie des biens de leur père ou de leur mère. Pour éviter cet écueil, il suffit que les futurs mariés rédigent un testament "au terme duquel ils privent l'autre de son droit en pleine propriété sur sa succession et précisent la répartition de leurs biens entre leurs enfants", expose Victoria Ferrero.

A noter : le régime de mariage de la séparation des biens lors d'un remariage est un "faux-ami". Il ne change rien aux règles classiques de succession. Choisir la séparation des biens vous permet de conserver votre patrimoine durant votre vie. Mais à votre décès, les règles de succession classiques s'appliquent.