Grâce aux satellites, les données smart city tombent du ciel

Grâce aux satellites, les données smart city tombent du ciel Les collectivités françaises commencent à utiliser les images satellite couplées à l'intelligence artificielle pour analyser l'évolution de leur territoire et y détecter automatiquement des changements.

Les villes vont désormais chercher leurs données en orbite. Conçues au départ pour des applications militaires, utilisées depuis quelques années par des secteurs du privé comme la logistique ou la construction, les données satellitaires commencent à trouver leur utilisation parmi les collectivités, alors que les technologies qui permettent leur acquisition et leur analyse deviennent de plus en plus accessibles grâce aux solutions d'entreprises spécialisées.

La société TRE Altamira (filiale du groupe CLS créé en 2000, lui-même filiale du Centre national d'études spatiales) travaille par exemple sur l'interférométrie satellite pour détecter les mouvements du sol à partir d'images radar. "Un signal radar est émis en direction du sol, puis réfléchi vers le satellite. En mesurant la différence de temps de réponse entre la surface et le radar, nous sommes capables de dire que le sol a bougé", explique Anne Urdiroz, business developper pour TRE Altamira en France. Cette technologie intéresse des collectivités comme le Grand Paris pour suivre les mouvements du sol dans le cadre de travaux souterrains et éviter les risques d'effondrements, en complément d'instruments de mesure au sol trop onéreux pour être placés dans chaque bâtiment situé dans la zone de travaux. "Nous sommes capables de fournir 10 000 points de mesure au kilomètre carré sans instruments au sol", assure Anne Urdiroz. D'autres villes avec lesquelles travaille la société ont des besoins permanents de surveillance des sols. C'est le cas de Dax, en raison de l'exploitation de galeries de sel sous la ville. 

"Nous avions de plus en plus de demandes de collectivités qui avaient besoin de données sur et ne savaient pas les interpréter".

Autre entreprise du secteur, Kermap a été fondée il y a un an et demi spécifiquement pour répondre aux besoins croissants du secteur public, raconte son PDG Antoine Lefebvre. "Dans le laboratoire de recherche géographique dans lequel je travaillais, nous avions de plus en plus de demandes de collectivités qui avaient besoin de données sur l'état de leur végétation et ne savaient pas les interpréter".

La start-up, qui travaille notamment avec Rennes, St-Brieuc ou le département de la Dordogne, aide les collectivités à interpréter des images satellite de leur territoire grâce à une technologie de classification et de reconnaissance automatique d'objets (différents types de végétaux et de bâtiments). Ce qui leur permet par exemple de connaître leur taux de végétalisation, dont elles doivent s'assurer, dans le cadre de leurs plans locaux d'urbanisme, qu'il ne diminue pas. Mais aussi de suivre l'urbanisation du territoire, surveiller les permis de construire délivrés ou encore de modéliser le gain apporté par la végétation pour réduire les îlots de chaleur. Montpellier a lancé en début d'année une expérimentation de cinq ans avec le Cnes qui vise également à détecter l'évolution de l'aménagement urbain,  mais aussi les risques environnementaux comme l'apparition de décharges sauvages, la bétonnisation des sols ou l'érosion du littoral.

Bond technologique

Ce nouvel intérêt pour le satellite chez les collectivités s'explique par une conjonction de plusieurs facteurs. D'abord, la qualité des images s'est nettement améliorée, relève Christelle Gibon, responsable des projets innovants au service d'information géographique de Rennes. "Jusqu'à récemment la précision des images n'était pas adaptée aux besoins des collectivités. La résolution spatiale, c'est-à-dire la taille du plus petit pixel que l'on peut voir nettement, est passée en quelques années d'une centaine de mètres à moins d'un mètre, ce qui nous permet de distinguer bien plus de détails."

Le temps de rafraîchissement de ces données s'est aussi raccourci. Alors que plusieurs années pouvaient séparer deux prises de vue, les collectivités ont désormais accès à des images trimestrielles ou mensuelles, plus adaptées à leurs besoins de suivi de l'évolution du territoire.  Autre point de blocage auparavant, l'accès aux images satellites s'est démocratisé. En France le Centre national d'études spatiales (Cnes) a adopté depuis l'année dernière une démarche proactive auprès des collectivités pour leur montrer les applications qu'elles pourraient faire du spatial et les mettre en relation avec des entreprises dans son giron. Par ailleurs, de plus en plus d'images sont fournies gratuitement, notamment par le Cnes et le programme européen Copernicus.

Une fois ces données acquises, encore faut-il savoir les traiter. Les progrès de l'intelligence artificielle ces dernières années ont grandement amélioré la capacité à qualifier puis analyser automatiquement l'énorme quantité de données charriée par un territoire de la taille d'une métropole. "Cela nous permet de limiter le travail humain, qui représentait une grande partie du coût de la donnée", confirme Antoine Lefebvre. A titre d'exemple, l'acquisition puis le traitement de données sont facturés sous les 30 000 euros par Kermap et entre 20 et 50 000 euros par TRE Altamira selon la complexité des missions.

Encore minoritaire, la pratique pourrait se répandre dans les collectivités, notamment avec son utilisation dans le chantier phare du Grand Paris, espère Anne Urdiroz. De son côté, Kermap veut massifier l'accès aux données satellite en développant une plateforme web par abonnement, qui permettra de suivre une zone à laquelle on s'intéresse et d'être notifié à chaque mise jour des prises de vues et des données sur le territoire. De quoi intéresser les villes, mais aussi les professionnels de la construction qui voudraient détecter les chantiers sauvages ou les travaux réalisés par leurs concurrents. Bienvenue dans le nouveau SaaS, le satellite as a service.