Le DSI est-il présent ?

Tout ne se résume pas à de l’informatique bimodale. Ce devrait être le rôle du DSI d’articuler les complexités et les apports de chaque rôle, dans le contexte de la mission globale du pôle IT.

Je travaille dans l’industrie IT depuis suffisamment longtemps pour savoir que nous avons la fâcheuse habitude de faire allégeance et de former des alliances qui n’apportent pas grand-chose au DSI à long terme. Technologie open source ou propriétaire ? Java ou .Net ? Linux ou Unix ? Chaque fois, le débat est posé comme s’il ne devait y avoir qu’un seul gagnant alors que les choses sont en réalité un peu plus nuancées.

Peut-être devrions-nous examiner l’approche bimodale de Gartner et voir comment l’actualiser. Après tout, la technologie évolue tellement vite qu’il s’est passé beaucoup de choses ces dernières années. Cette approche* consiste à distinguer les équipes IT en deux groupes : l’un se chargeant de maintenir la stabilité et l’efficacité de ce qui est connu de l’entreprise – mode 1 ; le second qui explore et expérimente des nouveautés – mode 2 . 

Je ne pense pas que les équipes les plus performantes aient souffert de la discussion entre le mode 1 et le mode 2. Les équipes les plus performantes fonctionnent car c’est là leur nature et leur vocation. Chacun connaît son rôle et ses responsabilités. Tous comprennent l’objet de leur mission, ils partagent les moments de gloire mais aussi de difficultés lors de la mise en œuvre et la maintenance des systèmes IT. Nous savons depuis longtemps que l’organisation en silos d’équipes distinctes n’est pas efficace. Quiconque envisage les équipes du mode 1 et du mode 2 séparément, isolées l’une de l’autre, doit s’attendre à des problèmes. Si l’on remonte à l’origine de la discussion, on se rend compte que c’est surtout une question de leadership. Une équipe correctement encadrée fonctionne. N’y voyez pas de simplification excessive, c’est le point commun de toutes les équipes de sport victorieuses depuis des années. Pas de division, pas de rivalité. Au contraire : camaraderie, collaboration et objectif commun. Tout vient du leadership de l’équipe. Et c’est là une formidable occasion pour le DSI de démontrer ce qu’il peut apporter à l’entreprise. Si l’équipe IT fait du bon travail, elle apportera sa part à l’entreprise, en termes de réduction des coûts, d’innovation et de réalisation des objectifs.

Tout ne se résume pas à de l’informatique bimodale. Ce devrait être le rôle du DSI d’articuler les complexités et les apports de chaque rôle, dans le contexte de la mission globale du pôle IT. 

Par exemple, le mode 1 ne se limite pas à « maintenir les lumières allumées ». C’est peut-être le job le plus difficile de tous, car on attend de l’équipe IT qu’elle réduise les coûts, qu’elle renforce l’efficacité et qu’elle crée une plateforme de développement agile. Autant dire que c’est quasiment impossible, surtout dans les très grandes entreprises avec des systèmes patrimoniaux complexes et disparates. Et les adeptes du mode 2 ne sont pas les « enfants cools de la contre-culture » qui se rebellent contre leurs parents. Leur réussite dépend de leur capacité à intégrer de nouvelles technologies sources de valeur ajoutée, sans ajouter une couche de complexité supplémentaire dans l’entreprise. 

La façon dont les DSI vont pouvoir rapprocher ces deux modes est une question de leadership et d’établissement d’une culture du travail en équipe. Je suis d’avis qu’il y a bien un risque dans la description du Gartner de créer une culture d’opposition des uns et des autres, mais franchement c’est plus un problème de mauvaises habitudes des équipes qu’autre chose. Un DSI efficace saura expliquer quelle est la part de chaque membre de l’équipe dans l’organisation et quelle est sa contribution dans une vision d’unité globale. 

Par exemple, un nombre croissant de DSI délaissent les contrats de licences perpétuelles avec les grands éditeurs pour bénéficier d’une plus grande flexibilité de gestion et de migration de leurs systèmes patrimoniaux. Notons que cette démarche n’a rien de facile, il faut que le DSI fasse preuve de conviction pour résister à la tactique du bras de fer de certains éditeurs. La tendance à l’adoption de l’open source dans l’entreprise, à la place de solutions propriétaires, est une approche décisive des équipes du mode 1 visant à réduire les coûts et à encourager l’innovation, impliquant ainsi le mode 2.

Les équipes adeptes des modes 1 et 2 ont en commun la volonté d’innovation, la recherche d’efficacité et l’adaptation des infrastructures IT aux besoins spécifiques. Tous les membres de l’équipe doivent être considérés comme des disrupteurs, prêts à remettre en question le dogme du déploiement, de la maintenance et de l’actualisation des applications IT. C’est au DSI qu’il revient de convaincre les membres de son équipe qu’ils ont un mandat pour conduire le changement et que tous œuvrent vers un objectif commun.

Bien sûr, le défi qui se pose, plus particulièrement aux équipes du mode 1, consiste à « maintenir les lumières allumées » ; et quand elles échouent, les récriminations peuvent être sérieuses. C’est encore au DSI de poser le cadre, de veiller à ce que les mécanismes de contrôle soient en place et de se faire le défenseur de l’équipe IT dans toute l’entreprise, tout en éclairant les décideurs et dirigeants sur les avantages et les difficultés d’une organisation agile. L’approche itérative des déploiements permet aux entreprises d’évoluer vraiment très rapidement mais elle suppose un changement de culture. Cela passe par une communication constante et l’abolition des hiérarchies pour encourager la collaboration, mais aussi surtout par la reconnaissance que des cycles de développement aussi rapides peuvent occasionnellement aboutir à un échec. 

La règle qui prédomine ici est celle du « fail-fast ». Au DSI de faire adopter l’approche d’expérimentation progressive permanente dans son entreprise et de s’assurer que chacun dans son équipe comprenne son rôle et les responsabilités qui lui incombent. Au final, l’équipe qui accepte de partager les responsabilités et la réussite sera très performante. Cet état d’esprit et cette approche dépassent de loin les oppositions entre environnements du « mode 1 » et du « mode 2 », et ce devrait être le point de départ du processus de planification de chaque DSI.