Slack vs Microsoft Teams : le match

Slack vs Microsoft Teams : le match Nouvel outil de collaboration de Microsoft, Teams entend disputer la suprématie de Slack. Qui sortira gagnant ? Deux cabinets d'études ont compté les points.

Microsoft est dans les starting-blocks. La version finale de Teams doit sortir en ce début d'année 2017. Après avoir un temps pensé à acquérir Slack selon TechCrunch, la firme de Redmond a donc décidé de concevoir son propre outil de collaboration temps réel. Teams s'inscrit, en effet, dans la mouvance des ChatOps, ces plateformes de chats professionnels qui fluidifient le travail en équipe projet.

Sur ce marché particulièrement concurrentiel (avec Slack, HipChat, Glip ou le français talkSpirit), Microsoft part avec un train de retard mais le "suiveur" a de sérieux atouts à faire valoir. Selon une étude de Spiceworks, l'éditeur américain pourrait d'ailleurs rattraper Slack d'ici deux ans. La comparaison entre Slack et la bêta de Teams proposée depuis novembre avec certaines offres d'Office 365 (Business Essentials, Business Premium, E1, E3 et E5) est d'ailleurs intéressante tant les outils s'opposent dans leur philosophie et leur approche du marché.

Interface : sobriété vs densité

Au niveau visuel, Teams fait un clin d'œil à la population geek que draine Slack avec ses émoticônes, ses GIFs et ses stickers personnalisés qui viennent égayer le fil de conversation. Pour le reste, son interface offre de la densité et de la complexité là où Slack joue la carte de la simplicité.

Microsoft Teams : une orientation "workplace"

Sorte de mini workplace, Teams présente sur sa colonne de gauche un accès rapide au calendrier, aux membres du groupe ou aux fichiers. La barre de navigation permet de créer des onglets qui appelleront d'autres services d'Office 365, comme Power BI ou Planner. En multipliant boutons et menus, il s'agit de proposer le maximum de fonctionnalités. Pour Ali Ouni, co-fondateur du cabinet Spectrum Groupe, "on se retrouve clairement dans l'univers familier d'Office 365. Ce qui facilitera l'adoption de Teams par les utilisateurs de la suite"

Tout l'inverse de Slack qui se présente sous la forme d'un fil centralisant les conversations, un agrégateur de flux d'activité. "C'est un outil développé par une start-up pour les start-up", rappelle Guillaume Gouraud, expert en solutions au sein du cabinet Lecko. "Son interface est contextualisée pour la population des développeurs. Orienté productivité, Slack est une solution de collaboration plus chaude et éphémère que Teams qui mixte du synchrone et de l'asynchrone."

Teams présente sur sa colonne de gauche un accès au calendrier, aux membres du groupe ou aux fichiers. La barre de navigation permet de créer des onglets qui appelleront d'autres services d'Office 365 © Capture JDN

La force de l'écosystème Office 365

On l'a compris, l'une des grandes forces de Teams, c'est son intégration à Office 365. Teams peut s'adosser à Planner pour répartir les tâches entre les membres d'une équipe projet, à OneDrive pour l'échange de documents, à OneNote pour créer un carnet de notes partagé ou encore à Skype pour lancer une conférence téléphonique.

Pour Bastien Le Lann, responsable du pôle analyse et création du cabinet Lecko, "Teams fait le pont entre ces différentes applications et apporte une surcouche de collaboration qui faisait défaut à Office 365". Un rôle qui était jusqu'alors dévolu aux Office 365 Groups, des espaces de travail partagés visant à fédérer le courrier électronique, les conversations, les fichiers, les événements. "On peut seulement déplorer que Teams arrive en 2017 alors qu'Office 365 a été lancé en 2011", poursuit Bastien Le Lann.

L'arrivée de Teams est non seulement tardive mais elle vient également complexifier une offre déjà particulièrement dense. Quand faut-il utiliser Teams, Delve, Yammer, SharePoint, Planner ou Skype ? Pour Ali Ouni, cette richesse fonctionnelle peut poser un problème d'intégration en entreprise. "Il faut bien définir les usages que chaque solution va pousser afin de proposer un catalogue de services cohérent aux utilisateurs", analyse l'expert.

Slack : 750 applications tierces intégrées

Répondant à ce besoin de clarification, Alexandre Cipriani, responsable marketing produit pour Office 365 au sein de Microsoft France, s'est fendu d'un billet sur LinkedIn. Il y clarifie les rôles dévolus à Yammer (réseau social d'entreprise), SharePoint (partage de contenus structurés, communication interne), Planner (gestion de projet agile) ou Groupe Outlook (conversation basée sur l'e-mail pour les petites organisations).

En tant que pure player, Slack n'a pas ce problème. Son produit "stand alone" doit, seul, couvrir tout le spectre fonctionnel. L'éditeur californien s'appuie pour cela sur sa place de marché qui revendique 750 applications tierces. Pour le partage de code par exemple, Slack dispose de connecteurs pour GitHub, Bitbucket, HubSpot, Heroku et Pingdom.

Slack a signé avec Google pour s'intégrer à G Suite

En face, Microsoft compte aligner 150 intégrations d'applications et 85 bots lors de la sortie officielle de Teams. Avec sa puissance de feu, le groupe américain devrait toutefois rapidement rattraper son retard. Il compte aussi sur la communauté des développeurs. Microsoft a mis à leur disposition un Bot Framework pour qu'ils conçoivent leurs propres bots dans Teams... ou Slack.

Slack n'a pas tardé à réagir à la menace que représente la synergie entre Teams et l'écosystème de Microsoft. Il s'est rapproché de Google pour plancher sur une meilleure intégration de sa plateforme avec G Suite. Slack a aussi tendu la main à IBM pour utiliser son moteur cognitif Watson afin de donner plus d'intelligence aux bots diffusés sur sa plateforme.

Shadow IT vs DSI

L'approche commerciale des deux acteurs diffère également. Slack est adepte de la stratégie du "land and expand" ou, en français, du nid de coucou. Une équipe terrain teste la version gratuite de l'outil, prend quelques licences puis déploie progressivement dans d'autres services de l'entreprise par effet tâche d'huile, le tout sous le radar de la DSI.

Microsoft a, lui, une stratégie plus légitimiste et redonne la main à la DSI. Depuis la console d'administration d'Office 365, cette dernière va gérer le déploiement, l'accès aux groupes, activer ou désactiver des fonctionnalités. Elle pourra faire appel à l'annuaire d'entreprise via l'Active Directory.

Alors que Slack a été victime d'une cyberattaque révélée en mars 2015, Microsoft a beau jeu de rappeler que Teams répond à la politique de sécurité d'Office 365 en termes de contrôle d'accès, de sécurisation des données et de respect des normes réglementaires (lire le billet d'Olivier Carpentier, ingénieur senior sur Office 365). En face, l'offre Enterprise de Slack annoncée pour 2016 et repoussée à début 2017 devra justement rassurer les DSI sur ce terrain. Elle doit aussi leur donner des gages supplémentaires en termes de qualité de service et de disponibilité.

Au regard de son histoire et sa philosophie, Slack se destine avant tout aux organisations agiles plutôt limitées en taille. © Slack

Esprit start-up vs base installée

Au regard de son histoire et sa philosophie, Slack se destine avant tout aux organisations agiles plutôt limitées en taille. "Si l'outil a trouvé son audience naturelle auprès des développeurs, il est également utilisé par d'autres populations comme les équipes de marketing communication", observe Jean de Laulanié, co-fondateur de Spectrum Groupe.

Slack permet une collaboration étendue aux clients, partenaires et prestataires

D'un déploiement facile, Slack permet une collaboration étendue aux clients, partenaires et prestataires par le biais d'un mécanisme d'invitation. Ce que n'autorise pas Microsoft Teams, pour l'heure limité à la collaboration interne. "Cela sera intéressant de voir comment Microsoft va gérer ces utilisateurs externes", poursuit Jean de Laulanié. "Cette ouverture pourrait en effet poser un problème par rapport à son modèle économique qui nécessite de passer par la case abonnement."

Côté tarifs justement, Slack va devoir justifier le prix élevé de ses forfaits payants alors que Teams sera, lui, compris dans les abonnements à Office 365. Les entreprises qui ont donc souscrit à la suite collaborative de Microsoft seront naturellement incitées à l'utiliser. Un moyen de retenir les 85 millions utilisateurs d'Office 365 qui pourraient être tentés par un outil plus tendance. "Cela ne dispense pas d'un effort d'accompagnement du changement", met en garde Bastien Le Lann. "La productivité ne se décrète pas, le développement de nouveaux usages doit être favorisé. Il ne faudrait pas reproduire les mêmes erreurs que lors de la mise en place de réseaux sociaux internes." A bon entendeur.

Comparatif Slack vs Microsoft Teams

Slack

Microsoft Teams

Maturité

Lancement officiel en févier 2014

En bêta depuis novembre, version finale annoncée pour début 2017

Nombre d'utilisateurs

5,8 millions d'utilisateurs actifs par semaine (chiffres octobre 2016)

Potentiellement les 85 millions d'utilisateurs actifs d'Office 365

Les points forts

- Leader des ChatOps,

- Interface très simple orientée productivité,

- Nombre d'applications tierces sur la place de marché,

- Collaboration étendue aux utilisateurs externes de l'entreprise,

- Pérennité de l'éditeur assurée par de multiples levées de fonds.

- Puissance de feu de Microsoft,

- Intégration très poussée aux autres applications d'Office 365,

- Adoption facilitée pour les familiers de l'univers Microsoft,

- Richesse fonctionnelle de l'interface.

Les points faibles

- Produit stand alone,
- Déploiement par les utilisateurs qui incite au shadow IT,
- Offre grand compte repoussée,
- Tarif élevé.

- Nombre encore limité de connecteurs applicatifs
- Redondance fonctionnelle de Teams avec d'autres applications Office 365
- Pas de collaboration externe possible.

Tarif

Mode gratuit : nombre d'utilisateurs illimité, mais stockage de fichiers jusqu'à 5 Go, historique des messages restreint à 10 000 messages et intégration limitée à 10 applications tierces. Deux offres payantes : 6,67 dollars par utilisateur et par mois (services illimités) et 12,50 dollars (permet d'obtenir des engagements supplémentaires de support et de SLA).

Service inclus dans les offres Office 365 Business Essentials, Business Premium et Entreprise (E1, E3, E5). Soit de 4,20 à 34,40 euros HT par utilisateur et par mois (engagement annuel).