Equipementiers télécoms : la carte mondiale se redessine

Le rachat de l'activité d'équipementier réseau de Motorola par Nokia Siemens Networks change à nouveau la donne d'un secteur en pleine mutation, bousculé par la percée d'acteurs chinois très conquérants.

Et de quatre, en quatre ans. Après les rapprochements entre Alcatel et Lucent en 2006 puis entre Nokia et Siemens en 2007, et enfin le rachat de Nortel Network par Ericsson l'année dernière, une nouvelle concentration dans les équipementiers télécoms devrait se confirmer avant la fin de cette année : la fusion entre l'équipementier germano-finlandais Nokia Siemens Networks (qui s'était d'ailleurs montré intéressé par Nortel) et l'activité de réseaux sans fil de Motorola. En réalité, ce mouvement avait d'ailleurs déjà commencé dès 2001 avec l'alliance Sony-Ericsson.

Un marché singulier, âprement disputé
 

Le marché des équipementiers télécoms a des particularités. S'agissant de l'offre B2B en direction des opérateurs, les acheteurs sont historiquement peu nombreux. Si les contrats sont mécaniquement également peu nombreux, il n'est en revanche pas rare que leurs montants soient très élevés. En témoigne le tout dernier contrat record tout juste décroché par Nokia Siemens Networks avec un nouvel opérateur américain, LightSquared, représentant plus de sept milliards de dollars (5,4 milliards d'euros).

Avec ces singularités, le marché, de plus en plus resserrer, va devenir de plus en plus concurrentiel, et les rapprochements évoqués (Alcatel-Lucent et NSM en tête) n'ont pas toujours permis de dégager des bénéfices. Ni d'éviter de très sévères coupes dans les effectifs.

 

Motorola s'est lancé dans une vaste réorganisation.

Réorganisation et repositionnements


Face à ces particularités, les géants du secteur se sont donc réorganisés et surtout repositionnés. D'abord présents sur des marchés a fortiori complémentaires (terminaux mobiles et le réseau),  ils se sont tous délestés d'une des deux activités, souvent de la première : l'équipementier, aujourd'hui leader, Ericsson se reconcentre aujourd'hui sur le réseau après avoir fait appel à Sony pour les terminaux. Alcatel a lui revendu son activité de construction de mobiles. Motorola était en fait le dernier à adresser les deux marchés.

Cela ne lui a d'ailleurs pas si bien réussi. Certains de ses déficits se creusant trimestres après trimestres, Motorola s'est lancé dans une vaste réorganisation, dont la vente d'une de ses activités à Nokia Siemens Networks n'est que le prolongement logique et attendu. Le groupe avait en effet déjà annoncé quelques jours auparavant qu'il allait découper ses activités en deux : l'une ciblant le grand public (terminaux de téléphonie mobile et décodeurs) baptisée Motorola Mobility, et l'autre pour les équipements professionnels (Motorola Solutions). 

L'émergence des Chinois

Toutes ces restructurations sont aussi intimement liées à l'émergence des équipementiers chinois Huawei et ZTE. Aujourd'hui, avec des tarifs agressifs et des résultats insolents en comparaison avec les autres acteurs, ils se sont hissés dans les cinq premiers équipementiers mondiaux, demeurant pour l'heure encore derrière les trois géants occidentaux.

Face à cette concurrence montant en puissance, les grands équipementiers occidentaux ont donc été acculés à ces restructurations : ils ont cherché à étendre leur réseau et leur portefeuille de clients pour réaliser des économies d'échelle.

Un nouveau rapprochement entre géants demanderait aujourd'hui de mettre sur la table un montant presque prohibitif. Le mouvement de concentration devrait donc s'arrêter.

En revanche, ces repositionnements continuent d'avoir de nombreux impacts, même en France et dans les SSII, comme le remarquait Stanislas de Bentzmann co-président du directoire de Devoteam (lire notre entretien) : "Dans les télécoms, les grands équipementiers ont souffert face aux équipementiers informatiques et l'émergence des chinois Huawei et ZTE. Face à cette nouvelle concurrence, ces acteurs qui sont aussi de grands clients ont délocalisé massivement, ce qui nous a fait du tort."